Si les hommes sont égaux en droits, cela a-t-il un sens de parler de «droit à la différence» ?
Publié le 13/02/2004
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Que signifie l'expression être égaux «en droits« exactement ? En quel sens la notion de droit à la différence peut-elle paraître contradictoire? Explicitez bien quelle est cette contradiction, puis comment on peut tenter de la surmonter. Vous pouvez réfléchir à cet aspect de la question en pensant aux débats actuels concernant la notion de parité, en France, entre les hommes et les femmes.Éléments pour une problématique. La notion de «différence« relève du fait. Le droit, au contraire, est institué par les hommes. Dans un premier temps, le droit semble devoir, sinon annuler, du moins compenser les différences entre les hommes. Quelles sont ces différences que le droit tend à gommer ou à neutraliser?
Être un citoyen me donne le droit d’être traité de manière analogue aux autres citoyens. L’égalité de droit se fonde sur une identité de rapport des citoyens à la loi, : chacun quelque soit sa race, son sexe, sa confession religieuse, s’il est citoyen d’une société donnée, bénéficie d’un traitement analogue à celui des autres au sein de cette société. Dans la mesure où l’égalité, contrairement à l’identité, admet les différences, il n’y aurait nullement besoin de droit à la différence pour avoir le droit d’être différent. Cependant on peut se demander si une égalité de droit plaquée sur des êtres qui sont différents de fait n’engendre pas des inégalités résultants d’une absence de considération des différences.
La différence est ce qui distingue un individu d’un autre. Si mon identité individuelle désigne ce qui fait que je suis moi et pas un autre, cela signifie que mon identité se fonde sur un écart différentiel aux autres : c’est par la différence que je suis ce que je suis. Or le droit comme institution sociale ne distingue pas les individus les uns des autres, mais les traite tous dans l’indifférenciation, c’est-à-dire sans la considération de leurs différences, comme des citoyens. Il s’agirait de penser un droit à la différence qui corrigeait l’égalité de droit en instituant des différences de traitement spécifiques par rapport à la loi.
Si l’exigence de reconnaissance des différences est légitime, on peut toutefois se demander si une telle revendication peut s’inscrire dans la sphère du droit. Nous sommes dès lors confrontés à ce problème : l’égalité de droit suffit-elle à protéger les droits des individus ou bien faut-il donner une consistance juridique à la revendication des différences ?
«
dans l'état de nature et la légitimité des lois se fonde sur une conformité avec cet état.
Aussi le législateur nedoit s'occuper que de protéger ces droits dont tous les citoyens jouissent à égalité sans jamais prescrirecomment ils doivent être utilisés.
Par exemple, la liberté de penser est un droit que je partage avec mon voisin,mais cela n'implique pas que j'ai les mêmes opinions politiques que lui.
De même la tolérance des lois permet àchacun de croire en la religion qu'il souhaite dans la mesure où ils ne troublent pas l'ordre public.
Si l'égalité de droit protège les droits des individus et n'implique pas la prescription d'un usage identique de ces droits, on ne voit quel besoin on aurait de se réclamer d'un droit à la différence.
Cependant on peut sedemander si une égalité de droit plaquée sur des êtres qui sont différents de fait n'engendre pas des inégalitésrésultants d'une absence de considération des différences.
II Le Droit à la Différence
_ La différence est ce qui distingue un individu d'un autre.
Si mon identité individuelle désigne ce qui fait que je suis moi et pas un autre, cela signifie que mon identité se fonde sur un écart différentiel aux autres : c'est parla différence que je suis ce que je suis.
Or le droit comme institution sociale ne distingue pas les individus les unsdes autres, mais les traite tous dans l'indifférenciation, c'est-à-dire sans la considération de leurs différencesspécifiques.
C'est ce que l'on pourrait appeler le paradoxe démocratique : le droit, fondé sur l'affirmation del'individu à l'état de nature, engendre la négation même de l'individualité dissoute dans l'indifférenciation résultantde l'égalité.
C'est ce que l'on peut soutenir avec Tocqueville dans la Démocratie en Amérique : la démocratie américaine fondée sur la passion de l'égalité rend tous les hommes semblables les uns aux autres.
Or si je ne suisce que je suis que par la différence, l'égalité de droit tend à masquer et même à effacer les contours de monidentité différentielle.
Ainsi il serait légitime pour corriger l'indifférenciation résultant de l'égalité de droit derevendiquer un droit à la différence.
_ Le droit à la différence serait le droit que chacun a d'être soi dans sa singularité individuelle.
L'individualité s'ancre par exemple dans la participation à une culture particulière.
Si des citoyens ont une identité culturellediverse, peuvent-ils être présentés comme égaux si les institutions publiques ne reconnaissent pas cette identitéparticulière, mais seulement leur participation commune et générale aux libertés civiles et politiques ? C'est leproblème que soulève Charles Taylor dans son livre Multiculturalisme, différence et démocratie : si les individus se définissent par leur différence, il s'agirait de penser un droit à la différence que ne prévoit pas l'égalité de droitqui nous traitent tous comme si nous étions identiques.
Cette égalité de droit serait alors trop formelle et tropabstraite lorsque elle choisirait de négliger les différences ethniques, religieuses, raciales ou sexuelles.
Aussi sil'égalité de droit néglige nos différences, il s'agirait de penser une politique de la différence fondée sur lareconnaissance.
La reconnaissance désigne l'acceptation et l'approbation des différences avec la possibilité d'uneaide aux minorités défavorisés pour préserver leur culture contre les intrusions des cultures majoritaires.
Puisque l'égalité de droit néglige des différences qui constituent notre identité singulière, il faudrait penser un droit à la différence qui nous éviterait le risque de l'uniformité.
Si l'exigence de reconnaissance des différencesest légitime, on peut toutefois se demander si une telle revendication peut s'inscrire dans la sphère du droit.
III Il n'y a pas de sens de parler d'un droit à la différence
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La différence de traitement se fait en conformité au principe d'égalité.
Le principe d'égalité du droit n'a jamais exclu les différenciatrices juridiques commandées par des différences de situation.
Ainsi le Code civil dit que « le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situationsdifférentes ».
Ainsi il est évident que si tous les contribuables devaient acquitter le même impôt quelques soientleurs revenus et leur charge, l'égalité de droit serait créatrice d'inégalité.
De même l'égalité du droit à l'éducationn'aurait aucune consistance si les étudiants des milieux les plus défavorisés ne recevaient des bourses dont n'ontpas besoin ceux qui viennent de milieux plus favorisés.
Mais cet aménagement ne se fait pas en vertu d'un droit àla différence, mais au contraire en conformité de l'égalité du droit.
C'est parce que nous avons posé commeprincipes que les hommes naissent libres et égaux en droits que la loi prévoit de compenser des inégalités de fait,qui seraient la cause de discrimination.
Ainsi il appartient au législateur de déterminer les différences qu'il entendconsacrer sur le plan juridique et celles qu'il décide d'ignorer dans l'intérêt de tous comme la religion ou la racepar exemple, et ce pour mieux servir le principe d'égalité.
_ La revendication du droit à la différence est le désir contradictoire de s'excepter de la sphère du droit qui permet lui-même la coexistence des différences.
L'égalité de droit produit une sphère impersonnelle où lesindividus sont traités comme des égaux.
Aussi en tant que sujet de droit, je ne suis pas différent des autres.Mais cette absence de différenciation n'est pas l'interdiction faite aux individus d'être différents, elle est aucontraire la condition de la réalisation et du développement de leurs différences individuelles.
En effet l'égalité dedroit permet aux individus de rechercher leur propre bien, et de développer leur propre identité indépendammentles uns des autres.
C'est par l'égalité de droit que les individus ont le droit d'être différents.
Aussi il fautdifférencier le droit d'être différents du droit à la différence.
Si le droit d'être différent est une différence permisepar le droit et légitimée en son sein, le droit à la différence tend à vouloir à s'excepter du droit lui-même.
En effetsi le droit à la différence désigne la reconnaissance d'une différence particulière et l'exigence d'un traitementadéquat à cette différence, il conduit à s'excepter de la sphère du droit où les individus sont tous égaux.
En guise de conclusion : dans son livre le Racisme , A Memmi donnait pour définition du racisme « la valorisation généralisée et définitive de différences réelles ou imaginaires, au profit de l'accusateur et au.
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