Si l'erreur est humaine, comment la science est-elle possible?
Publié le 17/03/2005
Extrait du document


«
1.
L'erreur, par nature, est opposée à la science.
· On dit que l'erreur est humaine.
S'il s'agit là, assez souvent, d'un prétexte, d'une justification presque enfantine, il n'empêche que le fait et tout de même là.
C'est vrai : l'erreur n'est qu'humaine.L'homme connaît l'erreur.
· Le problème de l'erreur, c'est qu'elle est involontaire.
Alors on peut la justifier, puisque l'on ne savait pas que l'on faisait erreur.
Et l'erreur est une connaissance fausse.
Au contraire de la science,connaissance vraie.
· Mais justement, l'erreur est reconnue, ou peut l'être.
C'est-à-dire que l'homme finit souvent par se rendre compte de son erreur.
Il prend conscience de l'erreur.
De la fausse connaissance.
Il fait làune première expérience.
« Errare humanum est, perseverare diabolicum », Sénèque.
· L'erreur est humaine.
D'accord.
Mais la répétition est diabolique ! Cela aussi est tout à fait valable.
Pourquoi ? Parce que l'erreur, dès l'instant où elle est reconnue, ne peut se répéter.
Car alorselle n'est plus involontaire, inconsciente.
· On peut donc éviter l'erreur.
Ou plutôt, on doit l'éviter.
Il est sûr que l'erreur est une expérience des choses, avec l'application d'un mauvais jugement.
Mais, lorsque l'expérience se renouvelle, on enpeut répéter la fausseté première.
IL faut rechercher une vérité.
2.
La science en soi n'est pas humaine, mais l'homme est bien la seul créature à la pratiquer.
Pourquoi ?
· La science est un fait.
Elle pause les connaissances comme vraies.
Ce qui est propre à l'homme, c'est la recherche de cette vérité.
On ne peut nier que l'homme est bien la seule créature à entamerla recherche de la vérité.
· Or, la recherche de la vérité ne peut se faire que si l'on n'a pas la vérité.
En effet, on ne recherche pas ce que l'on possède déjà.
Il faut donc bien que l'on parte d'une erreur, d'une fausseté,pour pouvoir rechercher ce qui est vrai.
· L'homme est la seule créature à pratiquer la science parce qu'il est aussi le seul à connaître, à pratiquer l'erreur.
Et il est aussi le seul à en avoir conscience, à reconnaître ses erreurs et, de ce fait,à avoir la capacité de ne pas les reproduire.
« L'erreur est un des temps de la dialectique qu'il faut nécessairement traverser.
Elle suscite desenquêtes plus précises, elle est l'élément moteur de la connaissance ».
Bachelard, Essai sur la connaissance approchée .
· L'erreur est, selon Bachelard, l'origine même de la recherche.
C'est le moteur de la connaissance. L'homme est ainsi seul à posséder l'erreur et, en même temps,le seul à pouvoir en tirer une expérience pour aboutir à lavérité.
Une hypothèse scientifique qui ne se heurterait à aucune contradiction est une hypothèse inutile.
De même, uneexpérience scientifique qui ne rectifie aucune erreur ne sert àrien.
Une expérience ne peut être scientifique que si ellecontredit l'expérience commune.
La pensée scientifique secaractérise par une succession d'erreurs rectifiées, à ladifférence de l'expérience commune, qui ne se contredit jamais,mais se contente d'établir de plates équivalences.
"C'est entermes d'obstacles qu'il faut poser le problème de laconnaissance scientifique." Ces obstacles ne sont passeulement et simplement externes, ils ne relèvent pas de lanaturelle complexité du monde et de ses phénomènes, maisprocèdent de l'acte même de connaître.
Les obstaclesépistémologiques qui motivent et font progresser laconnaissance, sont inhérents à l'esprit de connaissance.
Jamaison ne peut connaître pleinement et de manière immédiate laréalité.
Ce n'est pas tant que celle-ci se cache ou résiste à nosefforts d'appréhensions, mais c'est que la lumière que projettela connaissance sur les choses comporte une part d'ombreinévitable.
La vérité se donne toujours après coup, une fois quese sont dissipées toutes les erreurs et les opinions fausses,premières dans l'ordre de la connaissance, car immédiates et spontanées : "Le réel n'est jamais cequ'on pourrait croire, mais il est toujours ce qu'on aurait dû penser." Au premier abord, la penséeempirique se donne comme opaque, trouble et obscure.
La mise en oeuvre d'un appareil de raisons estnécessaire pour la clarifier, l'analyser, la dépouiller de l'inessentiel.
On ne peut trouver la vérité qu'enretournant sur un passé d'erreurs.
Dans le domaine de l'histoire des sciences, on peut voir que laconnaissance vraie ne s'établit qu'en s'opposant à une connaissance antérieure qu'elle corrige, et ce.
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