Si le devoir suppose l’existence de la loi, les passions sont-elles nécessairement en contradiction avec celle-là ?
Publié le 22/01/2020
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qu’à vouloir censurer le jeu passionnel dans l’homme, on risque d’amputer gravement l’existence — ce qu’admettent, par exemple, la plupart des grands romantiques. C’est négliger aussi le fait que la valeur des passions peut être estimée en fonction des buts qu’elles visent. Or, il est des passions « nobles » (la générosité cartésienne ou, plus banalement, l’attachement à la vérité, le dévouement pour les autres) dont le déploiement semble parfaitement compatible avec l’accomplissement du devoir.
Peut-on admettre sans réserve une telle compatibilité ? Est-il concevable que l’accomplissement du devoir s’accompagne d’une intense satisfaction pour le sujet ?
«
,
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LA PRATIQUE ET LES FINS
nent des conséquences semblables relativement au devoir, et si faire son
devoir, avec la satisfaction qui peut en être ressentie, n'aurait pas quelque
point commun avec ce que nous apportent les passions.
[1.
Froideur apparente du devoir]
La définition la plus simple du devoir est sans doute de le comprendre
comme ce qui est « à faire », par opposition à ce qui est déjà donné.
Mais
il faut ajouter que le devoir, pour être authentiquement perçu ou saisi, doit
prendre l'aspect d'un impératif, et même de celui que Kant qualifie de
« catégorique » ; il se réfère donc à une loi, dont la forme est immédiate
ment en accord avec les capacités rationnelles de lêtre humain.
Évoquer ces capacités rationnelles semble éloigner sans attendre toute
intervention possible des passions.
N'admet-on pas, classiquement, que
les passions dérangent tout ce qui participe de la raison ? Elles troublent
la pensée et la réflexion, parviennent à élaborer des apparences de justifi
cations, et, mettant à leur profit des raisonnements plus ou moins accep
tables, elles dévoient ainsi la raison elle-même, en la pervertissant au
point de lui faire soutenir ce qui la contredit.
Les philosophes de la tradi
tion rationaliste de Platon à Kant sont en conséquence unanimes
dans leur condamnation des passions.
C'est aussi qu'elles semblent contredire, par leur nature même, l'exer
cice de notre volonté que suppose le devoir : elles nous emportent, alors
que la loi morale est sereine ; elles nous brûlent, alors que le devoir paraît
synonyme d'une nécessaire froideur; elles nous enthousiasment, tandis
qu'il est rare que l'on se sente exalté par le devoir à accomplir.
L'insensibilité de la loi est d'ailleurs telle que l'on peut craindre qu'elle
soit incapable d'agir sur notre propre sensibilité et, donc, de nous déterminer.
C'est bien pourquoi Kant lui-même précise que le devoir se formule aussi
bien par des maximes (à condition bien entendu qu'elles soient bonnes, c'est
à-dire universalisables) qu'à travers des lois l'avantage des premières
étant qu'elles s'adressent mieux à notre sensibilité en proposant des versions
« subjectives >> des lois, qui sont ainsi, en quelque sorte, plus à notre portée.
[Il.
Versant sensible du devoir]
On peut ainsi concevoir la possibilité d'un accord entre le devoir et la
sensibilité, et l'opposition théoriq1,1e entre devoir et passions commence à
s'affaiblir.
Cela semble d'autant plus normal que certaines passions sont bien de
nature à nous pousser dans le sens même du devoir.
Condamner globale
ment les passions comme contraires à toute attitude rationnelle, c'est
oublier que, pour certains (Rousseau par exemple, cf.
le texte du sujet
n° 12), la raison elle-même prédispose à ressentir des élans passionnels, et.
»
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