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Si la technique est libératrice, de quoi nous libère-t-elle ?

Publié le 04/02/2004

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technique

Elle permet en effet une économie de l'énergie physique, et autorise une production plus abondante. De ce point de vue, l'histoire du travail est aussi celle des inventions techniques, progressivement capables d'utiliser des énergies empruntées à la nature, et non plus au corps de l'homme. Celui-ci, à en croire le Protagoras, est particulièrement peu apte à survivre : « nu, sans chaussures, ni couvertures ni armes «, il doit à Prométhée le don du feu, puis de la connaissance technique qui lui permet d'obtenir de la nature de quoi répondre à ses besoins.Dès la préhistoire, l'outil est un prolongement du corps, qui assure une meilleure efficacité des gestes : il accroît la puissance d'un coup, ou précise son impact. Au Moyen Age, l'invention du gouvernail, puis de la boussole, permet les voyages d'exploration et la « découverte « de nouveaux continents. Dans les temps modernes, le perfectionnement des moyens de communication détermine une meilleure circulation des marchandises, tandis que la multiplication des machines-outils augmente la production dans des proportions inédites. Marx soulignait ainsi que le monde humain avait davantage été modifié depuis les débuts du capitalisme, grâce à l'innovation technique, que durant toute l'histoire antérieure de l'humanité. Mais il notait aussi qu'une telle accélération de l'histoire n'était bénéfique qu'à la classe dominante, dans la mesure où elle garantissait avant tout un surcroît de profit, mais se soldait pour les travailleurs par une déshumanisation plus prononcée que jamais. Le progrès technique n'est donc pas sans ambiguïté.Toutes les sociétés en ont d'une certaine façon conscience - même si elles ne connaissent pas le concept de lutte des classes : dans de nombreuses sociétés « primitives «, les forgerons sont des personnages sacrés (admirables et redoutables) en raison même de leur savoir concernant la maîtrise du feu et des métaux, qui les met en contact avec des forces ou des puissances auxquelles les hommes ordinaires n'ont pas accès.

Pourquoi la question ?    Attention ! Le libellé du sujet peut inciter à produire un catalogue des misères et difficultés dont nous libère la technique. Il faut veiller à ne pas se contenter d'une énumération et donner au développement un tour véritablement interrogatif.  L'enjeu du sujet est de clarifier le rapport de la technique avec la liberté en regard de deux lieux communs contradictoires : l'apologie du progrès vante toujours le caractère libérateur de la technique, tandis que, de Rousseau à Heidegger, bien des critiques dénoncent la servitude de l'homme à l'égard de la technique. Il faut bien prêter attention à la forme hypothétique du sujet : « Si la technique est libératrice... « : on ne considère donc pas d'emblée qu'elle le soit.    De quoi la technique nous libère-t-elle ?    Ici les exemples sont nombreux et faciles à trouver; il ne faut pourtant pas se contenter d'une accumulation mais tenter de les organiser dans des catégories générales. La technique peut nous libérer dans notre rapport à un environnement naturel souvent hostile ou même par rapport à nos conditions de vie « naturelles « ;par rapport à l'espace, au temps, au travail, aux relations sociales.  

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« [II.

La technique libère des tâches les plus ingrates] On comprend dès lors que le xx siècle ait hérité d'une double attitude à l'égard de la technique.

D'un côté, onsouligne qu'elle libère des besoins les plus élémentaires et permet de sauver des vies — et l'on envoie alors despompes à eau et du matériel de forage dans les zones désertes.

De l'autre, on s'alarme de la gravité des problèmesécologiques que détermine l'exploitation technique non contrôlée des ressources naturelles ou la pollutionindustrielle.

Cette ambivalence se constate de différents points de vue : s'il est incontestable que l'innovationtechnique favorise la productivité, il l'est tout autant qu'elle risque de remplacer un nombre croissant de travailleurspar des machines, et ainsi de multiplier le chômage.

Là où les ouvriers du XIXe siècle avaient compris la possibilitéd'une plus-value augmentée (ce pourquoi il leur arrivait de briser les machines nouvelles), se profile aujourd'huiquelque chose de pire encore : le risque que le progrès technique tous azimuts finisse par ne laisser au travail del'homme qu'une portion congrue.

On sait par exemple qu'une secrétaire de direction, devant son ordinateur,accomplit désormais une tâche bien supérieure à ce qu'elle pouvait faire avant l'apparition de cette machine qui,sans doute, ne peut remplacer totalement l'initiative humaine, mais qui n'en met pas moins à sa disposition unemasse de données et de possibilités qui modifient ses performances. L'ouvrier spécialisé dans la grande industrie Chez MARX "[Dans la fabrique] la classitication fondamentale devient celle de travailleursaux machines-outils (y compris quelques ouvriers chargés de chauffer lachaudière à vapeur) et de manoeuvres, presque tous enfants, subordonnésaux premiers.

Parmi ces manoeuvres, se rangent plus ou moins tous lesfeeders (alimenteurs) qui fournissent aux machines leur matière première.

Acôté de ces classes principales prend place un personnel numériquementinsignifiant d'ingénieurs, de mécaniciens, de menuisiers, etc., qui surveillent lemécanisme général et pourvoient aux réparations nécessaires.

C'est uneclasse supérieure de travailleurs, les uns formés scientifiquement, les autresayant un métier placé en dehors du cercle des ouvriers de fabrique auxquelsils ne sont qu'agrégés.

Cette division du travail est purement technologique.«Tout enfant apprend très facilement à adapter ses mouvements aumouvement continu et uniforme de l'automate [...].

La rapidité avec laquelleles enfants apprennent le travail à la machine supprime radicalement lanécessité de le convertir en vocation exclusive d'une classe particulière detravailleurs.

Quant aux services rendus dans la fabrique par les simplesmanoeuvres, la machine peut les suppléer en grande partie et, en raison deleur simplicité, ces services permettent le changement périodique et rapidedes personnes chargées de leur exécution. « La spécialité qui consistait à manier pendant toute sa vie un outil parcellaire devient la spécialité de servir, sa viedurant, une machine parcellaire.

On abuse du mécanisme pour transformer l'ouvrier, dès sa plus tendre enfance, enparcelle d'une machine qui fait elle-même partie d'une autre.

[...] Dans la manufacture et le métier, l'ouvrier se sertde son outil ; dans la fabrique, il sert de machine.

Là, le mouvement de l'instrument de travail part de lui ; ici, il nefaitque le suivre.

Dans la manufacture, les ouvriers forment autant de membres d'un mécanisme vivant.

Dans lafabrique, ils sont incorporés à un mécanisme mort qui existe indépendamment d'eux.« [...] En même temps que le travail mécanique surexcite au dernier point le système nerveux, il empêche le jeuvarié des muscles et comprime toute activité libre du corps et de l'esprit.

La facilité même du travail devient unetorture en ce sens que la machine ne délivre pas l'ouvrier du travail, mais dépouille le travail de son intérêt.

Danstoute production capitaliste en tant qu'elle ne crée pas seulement des choses utiles, mais encore de la plus-value,les conditions du travail maîtrisent l'ouvrier, bien loin de lui être soumises, mais c'est le machinisme qui le premierdonne à ce renversement une réalité technique.

Le moyen de travail converti en automate se dresse devantl'ouvrier, pendant le procès de travail même, sous forme de capital, de travail mort qui domine et pompe sa forcevivante.

La grande industrie mécanique achève enfin, comme nous l'avons déjà indiqué, la séparation entre le travailmanuel et les puissances intellectuelles de la production qu'elle transforme en pouvoirs du capital sur le travail.L'habileté de l'ouvrier apparaît chétive devant la science prodigieuse, les énormes forces naturelles, la grandeur dutravail social incorporées au système mécanique, qui constituent la puissance du Maître.« La subordination technique de l'ouvrier à la marche uniforme du moyen de travail et la composition particulière dutravailleur collectif d'individus des deux sexes et de tout âge créent une discipline de caserne, parfaitement élaboréedans le régime de fabrique.

Là, le soi-disant travail de surveillance et la division des ouvriers en simples soldats etsous-officiers industriels sont poussés à leur dernier degré de développement." [Le Capital, I.

I, t.

2, p.

102-106.] C'est pourquoi les récits de science-fiction nous ont prévenus, bien avant l'apparition des ordinateurs, qu'unesociété régentée par la seule technique risquait de ne pas réserver une place suffisante pour la liberté humaine.L'imagination littéraire souligne amplement, depuis le Frankenstein de Mary Shelley, combien l'invention techniquepeut finir par écraser son propre inventeur.

C'est que la technique n'est plus le support d'une rêverie sereine commeelle pouvait l'être pour un Cyrano de Bergerac, elle est devenue un motif d'inquiétude.

D'autant qu'on ne peut plus laconcevoir comme une simple conséquence de la connaissance scientifique.

Les liens qu'elle entretient avec cettedernière sont désormais suffisamment étroits pour que l'on évoque à bon droit l'existence d'un véritable univers. »

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