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Si la liberté est une menace, comment s’en protéger ?

Publié le 22/01/2020

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pourquoi la plupart des théoriciens de la morale ont affirmé, chacun à sa façon, que la volonté de l’individu devait être déterminée par un principe extérieur — ce que Kant nomme une détermination « hétéronomique ». Le recours au divin n’est pas la seule solution : on peut également admettre que ce qui nous oblige à bien agir provient de la société, de l’éducation, des sentiments, etc. Dans tous les cas, il reste notable cependant que la loi, d’où qu’elle vienne, implique par définition la possibilité de lui désobéir, parce que cette possibilité marque l’existence de la liberté, en l’absence de laquelle aucune moralité ne serait possible. Le choix de ma conduite doit être libre, faute de quoi on ne pourrait en aucun cas me la reprocher : lorsqu’il élabore son interprétation de la moralité par l’autonomie de la volonté, Kant réaffirme, plus fortement peut-être encore que ses prédécesseurs, le lien

« 176 LA PRATIQUE ET LES FINS normes sur lesquelles il prendrait appui, ne pourrait-il ressentir sa propre liberté, plus encore que comme un fardeau encombrant, comme un véri~ table danger ? Peut-on alors avoir peur de la liberté ? [I.

La liberté implique des valeurs] Le jeune enfant ne peut être libre, il ne peut même pas revendiquer de l'être.

Il ignore le sens de l'expression, et sa conduite demande à être gui­ dée.

Ce n'est donc que lorsque l'individu est capable de se diriger seul, que la liberté commence à prendre pour lui du sens.

On pourrait considérer, pour reprendre un terme kantien, qu'il se débarrasse alors du «tutorat» et devient apte à déterminer sa propre conduite.

Généralement, ce moment d'accès à la «maturité» est vécu comme une sorte de délivrance - celle que ressent, par exemple, l'adolescent lorsqu'il n'a plus à obéir en tout à ses parents : on lui fait désormais confiance et on n'aura plus besoin de le surveiller sans arrêt, cela signi­ fiant aussi que c'est bien à lui désormais que ses parents demanderont des comptes s'ils apprennent qu'il s'est «mal» conduit.

L'autonomie va de pair avec une responsabilité.

Puisque le sujet ne dépend plus d'autrui, il devient le seul responsable de sa conduite.

C'est d'ailleurs ce qui justifie l'éducation, comme moment d'apprentissage nécessaire des normes sociales qui devront être respectées, même lorsqu'aucun ordre ne sera plus reçu d'une autorité extérieure.

Réussir l'éducation d'un enfant, c'est ainsi le préparer à exercer sa propre liberté; l'être mal éduqué ne saura pas utiliser cette dernière: on lui en fera reproche, ainsi qu'à ses parents.

Obéir est assez simple ; se décider par soi-même peut être complexe, ou déroutant.

Il n'est pas étonnant dès lors que certains individus se réfugient dans l'application systématique de ce qu'ils ont appris : plus la morale acquise est rigide, plus ils agiront facilement, puisqu'ils n'auront plus besoin de réfléchir avant de se décider et que d'autres continueront, d'une certaine façon, à penser et décider pour eux.

Dans de telles situations, c'est la morale la plus impressionnante, celle qui semblera s'imposer av'èc le plus de force, qui sera du plus grand secours, par exemple une morale d'origine religieuse.

Et l'on sait que certains esprits déplorent précisément que Dieu ait accordé la liberté aux hommes : s'ils étaient mécaniquement dirigés vers le bien, le monde serait infiniment plus beau ! C'est qu'avec la liberté surgit la tentation, la possibilité du péché : n'y a­ t-il pas là de quoi avoir peur? [Il.

Liberté et loi morale] «Si Dieu n'existe pas, alors tout est permis».

La formule de Dostoïevski résume magistralement la situation : une liberté absolue, pri­ vée de normes transcendantes, peut faire le mal comme le bien.

C'est. »

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