Sénèque: Vertu, plaisir et bonheur
Publié le 27/06/2012
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Si la vertu doit procurer le plaisir, ce n'est pas pour cela qu'on la recherche; car ce n'est pas lui qu'elle procure, mais lui en plus, et ce n'est pas pour lui qu'elle s'efforce, mais son effort, quoique ayant un autre but, atteint aussi celui-là. Dans un champ labouré pour la moisson, quelques fleurs naissent çà et là; ce n'est toutefois pas pour ces brins d'herbe, si agréables soient-ils à l'oeil, que l'on a pris tant de peine (autre était le but du semeur, ceci est venu en plus). De même le plaisir aussi n'est pas le prix de la vertu, sa raison d'être, mais son accessoire. Ce n'est point parce qu'il a des charmes qu'il est admis, mais, s'il est admis, ses charmes s'ajoutent. Le souverain bien consiste dans le jugement même et dans la tenue d'un esprit excellent qui, sa carrière 1 remplie et ses limites assurées, a réalisé le bonheur parfait, sans rien désirer de plus. En effet, il n'y a rien hors du tout, pas plus qu'au-delà de la limite. C'est donc une erreur que se demander la raison pour laquelle j'aspire à la vertu. Car c'est chercher le supra-suprême. Tu veux savoir ce que je demande à la vertu? Elle-même. Aussi bien n'a-t-elle rien de mieux: elle-même est son prix. Est-ce là trop peu? Quand je te dirai: « Le souverain bien est la rigidité d'une âme inébranlable, sa prévoyance, son sublime, sa santé, son indépendance, son harmonie, sa beauté «, exiges-tu encore une grandeur plus haute à quoi rattacher tout cela? Pourquoi me prononces-tu le nom de plaisir? C'est de l'homme que je cherche le bien, non du ventre, qui chez les bêtes et les brutes est plus élastique.
Sénèque, Le Bonheur.
«
Corrigé
Introduction
Dans ce texte, Sénèque entend montrer que la vertu est le bien suprême et sou
verain; par conséquent, elle vaut par elle-même et doit être recherchée
pour
elle-même, et non pour le plaisir qui peut bien l'accompagner.
Il faut donc dif
férencier vertu et plaisir: c'est
ce que va faire l'auteur dans la première partie du
texte.
Il ne s'agit pas de dire que la vertu est déplaisante, mais bien qu'elle ne
tire pas
sa valeur d'un plaisir qui n'est finalement au pire que son« accessoire»,
au mieux son acolyte, et certainement pas
sa« raison d'être ».
Les coquelicots
rendent peut-être
le champ plus agréable à regarder; peut-être profitent-ils des
labours
pour s'épanouir -mais enfin, ce n'est pas pour faciliter leur floraison
que
le semeur a travaillé.
En d'autres termes, le plaisir peut fort bien se surajou
ter à la vertu, mais
ce n'est pas en vue de l'obtenir qu'il faut s'efforcer d'être
vertueux.
Qu'est-ce alors que la vertu? La seconde partie
du texte a précisément
pour objet de la définir: elle
consiste« dans le jugement même et dans la tenue
d'un esprit excellent», c'est-à-dire dans le bon usage que nous pouvons faire
de notre volonté.
La vertu est à soi seule
le « souverain bien »: cela signifie-t-il
que l'homme vertueux, parce qu'il ne
se soucie pas du plaisir mais veut la vertu
en
tant que telle, se condamnera du même coup au malheur? Au contraire,
l'homme vertueux n'a plus rien à désirer,
il a atteint le « bonheur parfait », pré
cisément parce que la vertu est
ce qui est souverainement désirable.
Obtenir ce
qu'il y a de plus désirable, c'est cela être heureux: si la vertu est le bien sou
verain, alors
sa possession fera à elle seule notre bonheur, même si ce n'est pas
pour obtenir le bonheur que nous devons être vertueux.
Ce qu'il reste donc à
démontrer, c'est l'identification de la vertu au souverain bien,
etc' est l'objet de
la dernière partie
du texte: la vertu est le bien suprême, c'est-à-dire celui au-delà
duquel il n'y a plus rien.
Rien n'est plus désirable que la vertu ; par conséquent,
on ne peut la vouloir pour autre chose qu'elle-même.
Ce que nous voulons avec
la vertu, c'est la
vertu« elle-même», puisqu'il n'y a rien de plus élevé qu'elle,
dont elle pourrait dépendre.
Mais comment obtient-on la vertu? En étant soi
même vertueux: à elle-même sa propre récompense, la vertu est également à
elle-même son propre prix.
Rien n'est plus élevé qu'une âme
« inébranlable » et
indépendante; c'est d'elle que dépend
le bonheur, et non des plaisirs.
Cette identification
du bonheur et de la vertu, qui est le thème central de.
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