(Seconds Analytiques I, 10, 76 a 31 - b 11) d'Aristote
Publié le 23/03/2015
Extrait du document
J'appelle principes dans chaque genre des vérités dont il est impossible de démontrer l'existence. La signification des notions premières est supposée, comme l'est celle de ce qui en dérive ; quant à l'existence, il est nécessaire de la supposer pour ce qui concerne les principes, mais pour le reste il faut la démontrer. Ainsi, [en mathématique] qu'est-ce que l'unité, la droite et le triangle ?, cela est supposé, et il en va de même pour l'existence des unités et de la grandeur, mais l'existence du reste doit être démontrée.
Parmi les principes auxquels on recourt dans les sciences démons-tratives, les uns sont propres à chaque science, les autres, communs — ils le sont toutefois par analogie, car leur usage se borne au genre [de choses] dépendant de la science en cause. Par exemple, les définitions de la ligne et de la droite sont des principes propres, alors que sont communs des [énoncés de principe] comme : « Si on retranche de choses égales des choses égales, les restes sont égaux « ; mais l'usage de chacun de ces principes communs se borne au genre en question, car il vaudra tout autant s'il n'est pas utilisé pour tout, mais seulement pour des grandeurs, ou, en arithmé-tique, pour des nombres.
Sont également propres les objets dont une science suppose l'existence, et dont elle considère les propriétés essentielles (comme l'arithmétique le fait des unités, la géométrie, des points et des lignes). C'est qu'en effet, on suppose l'existence et la signification de ces objets, tandis qu'on suppose seulement la signification de chacune de leurs propriétés essentielles (ainsi, en arithmétique, on suppose ce que signifient pair et impair, [nombre élévé au] carré et [au] cube ; et, en géométrie, l'incommensurabilité, la brisure ou la courbure, alors qu'en revanche on démontre l'existence de ces propriétés au moyen des axiomes communs ou de résultats déjà démontrés ; et l'astronomie fait de même).
(Seconds Analytiques I, 10, 76 a 31 - b 11)
«
Textes commentés 43
Au début des Seconds Analytiques, Aristote a souligné la nécessité
d'une « préconnaissance non démonstrative (anapodeiktos) », prélimi
naire obligé à toute connaissance scientifique des causes, puisque
assurément tout
n'est pas démontrable (cf.
1, 1-3).
Ceci étant, si «une
chose ne peut être démontrée qu'à partir de ses principes propres» (1, 9,
75 b 37-38), que peut-on dire de ceux-ci
? Le chapitre 1, 10 répond: pour
chaque genre d'objet, il y a des
définitions principielles et des hypothèses
principielles.
De plus, il existe aussi des axiomes communs à toutes les
sciences.
Détaillons ces points.
La
« définition » est un principe, en ce
qu'elle pose une
signification sans la démontrer, donc en ce qu'elle la
suppose:
«en arithmétique, on pose que l'unité, c'est l'indivisible selon
la quantité
» (1, 2, 72 a 22-23).
On définit ainsi « la signification des
notions
premières», mais il faut supposer
aussi que ces objets théoriques
premiers
sont, sinon on parlerait à vide.
Cette supposition d'existence est
une
« hypothèse » : « quant à l'existence (hoti esti), en ce qui concerne
les principes, il faut la supposer
».
On pose, par conséquent, à la fois la
signification et l'existence des « objets propres » à chaque science
démonstrative (unité, point, etc., mais aussi
"mouvement", en physique
ou en astronomie), en revanche, on démontre ensuite l'existence des
propriétés dérivées.
Mais, toutes les sciences requièrent aussi l'usage
d'axiomes communs
(ta koina)
tels que les principes de non-contradiction et du tiers exclu, qui
valent comme principes de l'énonciation sensée.
Le point important est
qu'on admet que ces axiomes (fondant la possibilité de la signification en
général)
sont, qu'ils existent, qu'il y a du logos sensé (cf.
1, 1,
71 a 12-17).
Dès lors, les axiomes sont onto-logiques.
Il reste que chaque
science
n'en use que dans les limites de son genre (poser qu'un nombre
ne peut pas être pair et impair,
c'est faire un usage régional du principe
de non-contradiction),
c'est pourquoi la communauté est dite ici «par
analogie » seulement.
Ce texte articule donc clairement le démontrable à
l'indémontrable, le sens nominal à l'existence effective, l'universel ou le
commun au particulier..
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