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Se débarrasser du passé ?

Publié le 30/08/2014

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Le passé d'un homme n'a rien d'inerte ; il est au contraire sans cesse retravaillé, réinterprété à partir des exigences de chaque projet, c'est-à-dire de l'avenir tel que peut le construire une liberté dans le réel. La liberté d'un homme sans passé serait illusoire, ce serait une liberté vide, sans réalité, élémentaire et pauvre, qui n'aurait pas plus d'efficacité que la colombe de Kant, s'imaginant qu'elle volerait plus librement si elle ne devait pas lutter contre la résistance de l'air.

« sons de se morfondre, d'être la proie de repentirs et de remords qui ris­ quent au moins de freiner, sinon d'interdire, l'initiative et l'ouverture vers l'avenir.

Le poids du passé pourrait ainsi être ~ccusé d'amoindrir la liberté, ou même de la faire presque disparaître : comment entreprendre quoi que ce soit si accourent immédiatement les avertissements qu'impliquent mes échecs antérieurs, les accusations, conséquences de mes mauvais compor­ tements passés, les leçons négatives de mes expériences? Comment m'af­ firmer insouciant et léger si chaque geste, à peine entamé, rameute un cor­ tège de souvenirs ou de connaissances de l'histoire qui m'invitent à la prudence, à une réflexion plus approfondie, et finalement à un retrait dans l'inaction? Et même s'il ne s'agit pas nécessairement d'envisager une action, comment pourrais-je me sentir intimement libre si mon esprit est sans cesse envahi par les multiples témoignages de ce qui fut ? On comprend que, pour qui espère la venue du « surhomme » comme homme se réalisant pleinement dans l'insouciance et la non-culpabilité, la présence du passé puisse apparaître insupportable, et que l'oubli puisse au contraire être affirmé comme une vertu positive ..

[Il -Les apprentissages du passé] On peut aisément objecter à une telle interprétation du passé (et de la liberté) que sa suppression ne peut être intégrale.

L'hypothèse d'un « homme sans passé » doit nécessairement lui accorder un minimum de références au passé de son groupe, sans lesquelles il serait démuni au point d'être ramené au niveau de la simple animalité : langage, connais­ sances communes, attitudes conventionnelles en 1' absence desquels les conditions d'exercice de la liberté ne seraient pas présentes.

Car du passé, on ne retient pas que du négatif, loin s'en faut : les expé­ riences antérieures peuvent être déprimantes, mais elles sont aussi -et peut-être plus généralement -des apprentissages absolument néces­ saires.

Chaque geste accompli, chaque relation vécue par rapport à un autre ou à la société, chaque dialogue authentique sont les éléments d'une « expérience acquise » à partir de laquelle seulement 1' action est conce­ vable, maintenant, au présent, et comme anticipatrice du futur que je désire.

De plus, la mémoire et la conscience collective instaurent un ensemble de relations avec le groupe ou la société qui constituent le cadre néces­ saire où peut et pourra s'exercer la liberté.

Robinson, seul sur son île, bénéficie d'une indépendance qui n'est limitée que par les besoins de sa survie : il n'est pas sûr que cette indépendance soit synonyme de liberté authentique- qui ne commence à se manifester qu'avec la présence de Vendredi, soit d'une autre conscience.. »

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