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Sciences & Techniques: Voyages au bout de la Terre

Publié le 22/02/2012

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La quête des pôles fut longtemps un rêve inaccessible. Le pôle Nord (en 1909) et le pôle Sud (en 1911) furent atteints au terme d'une formidable épopée philosophique et scientifique. Glaciologues et autres climatologues prennent aujourd'hui la relève des pionniers de l'extrême. Tout commence au Ve siècle, par une double énigme. Pour les penseurs grecs d'alors, la Terre est sphérique. L'Hyperborée, terre virginale et lieu de bonheur, devrait se trouver au nord. Au sud, les explorateurs devraient logiquement accoster l'Antichtone (qualifiée plus tard de Terra Australis Incognita) qui, selon les philosophes Pythagore et Platon, est chargée d'équilibrer les masses terrestres, maintenant ainsi notre monde en équilibre. Cette terre australe serait peuplée d'habitants étranges, les Antipodes, " ceux qui marchent les pieds en l'air ".

« Le pôle n'a pas encore été atteint que déjà la science se mêle à l'aventure : quand le physicien allemandKarl Friedrich Gauss publie une formule qui permet déterminer le champ magnétique terrestre en tout pointde la Terre , le géographe Alexandre von Humboldt préconise des campagnes de mesure pour la vérifier.

Et, en 1839, sir James Clark Ross dirige une expédition vers le pôle Sud à bord du Terror et de l'Erebus (ildonnera le nom de ces navires aux deux monts qu'il découvrira dans la région de Terre Victoria). Le navigateur britannique parvient à déterminer la position du pôle magnétique mais, en fait, Jules Dumont d'Urville l'a précédé dans cetexercice au cours de son expédition de 1837-1840.

Lorsqu'il arrive en mer de Wedell en 1838, le navigateur français, déjà célèbre pouravoir rapporté de Grèce la Vénus de Milo, se rappelle l'inscription de la porte de l'enfer de Dante : " Laissez toute espérance, vous quipérirez en ces lieux.

" Epargné, il découvrira deux ans plus tard la Terre Adélie - ainsi nommée en l'honneur de sa femme - et rejoindraToulon, auréolé de gloire. S'il n'y a pas vraiment d'intérêt scientifique à atteindre le pôle Nord géographique, les aventuriers sont légion.

L'Académicien RaymondLatarjet écrit : " La valeur symbolique d'être le premier à atteindre l'axe de rotation de notre planète Terre a donné lieu à de formidablesépopées, et savoir qu'elles ne furent couronnées de succès que trois générations à peine avant que l'homme ne marche sur la Lune donne une idée de l'ampleur des difficultés pour y parvenir et du lent et patient travail d'approche.

" En 1896, l'ingénieur suédois Salomon Andrée opte pour le ballon, qui présente l'avantage d'éviter la progression sur la banquise,rendue périlleuse par les chenaux d' eau libre et les hummocks (monticules de glace marine).

A cette époque, en effet, point d'avion ; les ballons, en revanche, ont déjà plus de cent ans.

Andrée convainc facilement le roi de Suède et un mécène, un certain Alfred Nobel.Il part à bord de l'Aigle, un ballon de 4 800 mètres cubes, accompagné de Knut Fraenkel et Nils Strindberg - le neveu d'August,l'écrivain.

Mais l'épopée connaît une issue tragique sur l'île Blanche en octobre 1897. Après que l'Américain Robert Edwin Peary et Frederick Albert Cook se sont disputé la découverte du pôleNord (en 1909), la conquête du 90°N par les airs n'est pas enterrée pour autant.

Jugés plus sûrs que lesballons, les dirigeables font leur apparition.

Le Norge, dirigeable semi-rigide construit par Umberto Nobile,s'envole en mai 1926 et atteint le pôle.

Surprise : l'équipe prévoyait la présence d'un continent entre le pôleet l'Alaska ; elle n'aperçoit que les icebergs qui recouvrent ce qu'on appellera désormais l'océan Arctique.On sait dorénavant que la banquise, qui se fait plus dense à partir du 88°N, dérive en un mouvementcirculaire autour du 90°N. Premiers enseignements scientifiques Malgré l'installation d'une première base par le Norvégien Carsten Borchgrevink à l'aube de l'année 1900,l'Antarctique reste toujours à explorer et le pôle Sud à atteindre.

En 1911, le Britannique Robert FalconScott et le Norvégien Roald Amundsen entreprennent la course au 90°S ; outre son engagement dans ceduel, Scott espère pouvoir y réaliser des études de géophysique et de sciences naturelles.

Lors del'hivernage à Cap Evans, l'équipe multiplie les découvertes en météorologie, glaciologie, géologie et cartographie .

C'est ainsi que trois membres de l'état-major de Scott sortent dans le froid glacial et rapportent, au péril de leur vie, des embryons de manchots empereurs.

A l'époque, personne n'avait encore approché ces oiseaux, que l'on croyait être le chaînon manquant entre les reptiles et les oiseaux. Vaincus par Amundsen qui atteint le pôle Sud deux semaines avant eux, Scott et son équipe meurent sur le chemin du retour.

Quantau Français Jean-Baptiste Charcot, parti lui aussi explorer l'Antarctique à bord du Pourquoi-Pas ?, il reconnaît 3 600 km de côtes, enphotographie 200 km grâce à une nouvelle technique qui utilise du gélatino-bromure (1), dessine des cartes et rapporte des échantillons, des collections et des relevés qui seront exploités pendant des années.

Pourtant, en 1910, à son retour à Punta Arenas(Terre de Feu), Charcot envoie un télégramme quelque peu déconfit à l'Académie des sciences : " Avions rêvé davantage.

Avons fait dumieux possible.

" Les pôles Nord et Sud atteints, la science sert de moteur - et d'alibi - aux expéditions polaires.

Les aventuriers cèdent la premièreplace aux scientifiques.

Dès la fin du XIXe siècle, ceux-ci se savent bien que les efforts isolés des nations ne suffiront pas à résoudreles problèmes posés par la circulation atmosphérique, le magnétisme ou l'évolution de la banquise.

La mise en commun descompétences est l'objectif des deux premières Années polaires internationales.

La première remonte à 1882-83 : elle permet degrands progrès en climatologie et en géophysique, et fournit une moisson de photographies - depuis la fin des années 1870, laphotographie est de toutes les expéditions, utilisée pour produire des documents géographiques, ethnographiques, zoologiques, etc. La deuxième Année polaire se déroule en 1932-33 : c'est l'inlandsis du Groenland, en Arctique, qui est à son tour l'objet de recherchesscientifiques approfondies.

Il faut dire que l'enjeu est de taille : alors que Costes et Bellonte ont réussi le premier pont aérien ParisNew York sans escale, le Groenland devient le point de ravitaillement obligatoire des liaisons transatlantiques.

Or, pour faire passerles avions, il est nécessaire de comprendre le régime atmosphérique de l'inlandsis.. »

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