Sciences & Techniques: Tirer des nombres au hasard
Publié le 22/02/2012
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Le " crible " ou table de Galton, du nom de son inventeur, Francis Galton (1822-1911) est une machine
buter sur un des clous de chaque ligne, puis sur un clou de la deuxième ligne et ainsi de suite jusqu'en bas.
A chaque choc avec le clou, elle est rejetée vers la droite ou vers la gauche avec une même probabilité 1/2.
Question : si je laisse échapper 1000 billes de la caisse, comment vont-elles se répartir dans les réservoirs ?
Ne cherchez pas : le résultat défie notre intuition.
Les réservoirs ne se remplissent pas de la même façon.
Peu à peu, à mesure que lenombre de billes roulant sur la table augmente, on voit que les deux réservoirs du centre se remplissent à ras bord ; et que lesréservoirs situés à droite et à gauche se remplissent d'autant moins qu'ils sont plus proches des extrémités.
Maintenant, si voustracez une courbe joignant les niveaux de remplissage de tous les réservoirs, vous obtenez la silhouette de la plus célèbre vedette detoute la science : la courbe en cloche !
Cette courbe est encore appelée courbe de Gauss, ou simplement " gaussienne ", en l'honneur de CarlFriedrich Gauss, un grand savant allemand du siècle dernier.
Cette courbe illustre la seconde loifondamentale du hasard dite " loi de distribution normale " ou " théorème central-limite ".
En gros, cethéorème affirme que si un phénomène aléatoire est la somme d'un très grand nombre de phénomènesaléatoires élémentaires et indépendants, alors la distribution du phénomène aléatoire global a la formed'une courbe en cloche.
La nature ressemble à un immense capharnaüm de nombres , de formes, de couleurs, de masses, de longueurs, de vitesses différents.
De quoi donner le tournis à l'esprit le mieux ordonné.
Le hasard semble partout.
Et pourtant, encore une fois, beaucoup deces éléments obéissent à une loi, en l'occurrence la loi de distribution normale.
Bref, dame Nature est folle des courbes en cloche.Elle n'est pas la seule : les créations de l'homme adorent aussi se ranger sous sa bannière.
Un SVJ entier ne suffirait pas à enrecenser les exemples.
Citons pêle-mêle : les tailles des individus dans une population humaine ou animale, leur couleur de peau, lenombre de taches sur un léopard ou de rayures sur un zèbre, les vitesses des molécules d'un gaz, les résultats des mesures faites enlaboratoire, les dimensions d'un objet fabriqué par une machine, le rendement d'une action cotée en Bourse, la densité d'estivants surune plage, etc.
Comment imiter le hasard ?
En 1946, les Américains réfléchissent au moyen de fabriquer une bombe atomique plus puissante que celle d' Hiroshima : la bombe thermonucléaire.
Le point crucial est d'observer le comportement d'une certaine particule – le neutron – dans le matériau fissile, uranium ou plutonium.
L'objectif est de trouver undispositif qui donne à ce neutron le maximum de chances d'entrer en collision avec un atome d'uranium ou de plutonium.
Or, la trajectoire individuelle d'un neutron ressemble fort à une partie de dés.
Sachant qu'il ya des milliards de milliards de milliards de ces particules dans une bombe, il était exclu d'observer le résultat de toutes ces " parties " une par une.
Le mathématicien John von Neumann a alors l'idée géniale de faire jouer quelques millions de parties auhasard par un ordinateur nouvellement construit, l'ENIAC.
La méthode de simulation dite méthode deMonte-Carlo était née. Mais comment demander à une machine fabriquée par l'homme de simuler le hasard ? Précisons pour commencer que, dans un ordinateur, les nombres sont codés par des suites de 0 et de 1, les bits.
Par exemple, 0,75 pourrait s'écrire avec les 16 bits 1011011100101100.
D'où unepremière idée pour fabriquer un nombre au hasard : jetons 16 fois en l'air une pièce de monnaie équilibrée.Notons 1 le côté pile et 0 le côté face.
Ainsi, nous avons en main un nouveau nombre parfaitement aléatoire.
Mais ce système est affreusement lent.
Pour obtenir 1000 nombres avec une machine à lancer des pièces, il faudrait au basmot… dix heures ! Quand on sait que les besoins quotidiens des ingénieurs se comptent en milliards de nombres aléatoires, on voitque cette méthode ne vaut pas un clou.
John von Neumann, encore lui, eut une idée : adieu la machine à lancer, c'est l'ordinateur, tout justeinventé, qui fabriquera des nombres aléatoires ! Il imagina un algorithme (un programme de calcul) quidonna des résultats… catastrophiques ! Pour une fois, le grand homme s'était planté : son procédé s'estrévélé une des plus piètres imitations du hasard jamais proposée ! Les mathématiciens faisaient grisemine.
Ils frisèrent l'attaque d'apoplexie quand,en1966, un théoricien du nom de Martin Löf démontraqu'aucun algorithme ne donnerait jamais une suite de nombres aléatoires ! Tout simplement parce qu'unalgorithme ne sait qu'exécuter des instructions dont chacune dépend de la précédente : le hasard ne peut se glisser dans ces opérations logiques.
Bref, ordinateur et nombres aléatoires sont fâchés à jamais.
Alors, que faire ?
Un tour de passe-passe ! Les utilisateurs de nombres aléatoires décidèrent d'ignorer purement et simplement les théoriciens.
Ils.
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