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Sciences & Techniques: Lucy : l'épopée de la vallée du Rift

Publié le 22/02/2012

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En 1974, une expédition paléontologique en Éthiopie a permis l'extraordinaire découverte d'un squelette fossilisé presque entier : celui d'une jeune femelle australopithèque, préhumaine, qui a, depuis, brillamment éclairé l'histoire de nos origines. Il faut imaginer un paysage quasi lunaire, un bout du monde fait, à perte de vue, d'une roche nue que la lumière dore le matin et rend rougeoyante à la tombée du jour. Dans ce désert tourmenté par les dépressions et les érosions, coule une mince rivière, l'Awash, qui ne semble être là que pour étancher la soif de quelques troupeaux de passage, voire rappeler à travers les plantes le long de ses rives, l'existence, somme toute précaire, de la vie végétale. Près de cette rivière, quelques tentes de toile. La plus grande est ouverte aux quatre vents, les autres, individuelles, soigneusement fermées pour empêcher scorpions, serpents ou insectes de s'y loger. Tandis que Bakete fait cuire le pain, quelques femmes s'affairent à traire chèvres et chamelles….

« Dans un endroit aussi isolé, la coexistence de cultures, de fonctions, de disciplines si différentes ne va pas toujours sans difficultés,mais accroît évidemment les chances de réussite de la mission.

Les moments de solitude et de découragement alternent avec lesmoments de rires et d'espoirs.

Il y a d'abord la dureté du milieu : le travail de fouilles qui s'effectue par plus de 40°, la rivière qui setransforme en un torrent boueux à l'occasion d'une de ces pluies diluviennes qui s'abattent parfois sur la région.

Il y a ensuite lamultiplicité des tâches quotidiennes : après les journées passées à sillonner les alentours, à dégager les fossiles de leur gangue, àsonder les couches de terrain pour qu'elles révèlent leur âge, il faut, sous la tente, classer, numéroter, emballer les découvertes avantde les envoyer vers les laboratoires où elles seront étudiées. Le montage de la mission Afar 1974 n'a pas été sans problèmes.

Outre les tracasseries administratives auxquelles Johanson, Taieb etCoppens ont dû faire face, il leur a fallu compter avec quelques rancœurs, somme toute rares, de ceux qui n'ont pas été acceptésdans l'expédition et qui pouvaient exercer des " représailles " en faisant bloquer les autorisations de fouilles.

Enfin, à l'automne 1974,l'Éthiopie est en pleine ébullition.

L'armée prépare le coup d'État qui, sous peu, entraînera la chute d'Hailé Sélassié.

Les remous qui enrésultent au sein de la bureaucratie d'Addis Abeba ont eu pour effet de retarder plusieurs fois le départ de la mission vers le triangledes Afars.

De surcroît, de fréquentes querelles politiques ou tribales, la guerre en Érythrée ou la rébellion de l'Ogaden, rendent larégion peu sûre. A ce contexte, s'ajoute un facteur d'inquiétude propre à toute expédition paléontologique : l'incertitude du résultat, couplée à lacertitude que la mission prendra fin si elle n'est pas fructueuse.

A l'automne 1974, l'argent collecté pour deux années de recherche adéjà bigrement diminué et jusque-là, les fouilles n'ont pas livré de résultats extraordinaires.

Les chercheurs sur le terrain le savent :dans cette chasse au trésor, la compétence est essentielle mais le facteur chance considérable.

C'est cette chance qui va sourire àJohanson, Coppens et Taieb le 30 novembre 1974.

Une chance de taille! Un conte de fée scientifique Ce matin-là, Johanson a quitté la tente où il classait les fossiles pour rejoindre Tom Gray, le jeune étudiant chargé de noter et dedécrire les sites de fouilles.

Peu après midi, alors qu'il fait plus de 40°, Tom s'approche d'un objet qu'il a vu non loin de là, brillant dansles graviers, sur une petite déclivité.

La suite s'enchaîne comme un conte de fée scientifique : Johanson, appelé par Tom, identifie l'osd'un bras, puis un bout de crâne, des vertèbres, un fémur d' hominidé .

Il sait que si tous ces éléments vont ensemble, ils formeront le squelette d'un individu apparemment très primitif.

Une stupéfiante découverte, car jusqu'ici nos ancêtres du même âge ne nous avaientlivré de leurs restes que quelques bribes.

Or, trois semaines plus tard, l'équipe, qui se consacre, cette fois tout entière, à la fouille dusite, parvient à dégager des centaines de fragments d'os qui complètent le squelette.

La chance était venue des pluies.

Tombées avecforce peu de temps auparavant, elles avaient exhumé ces restes en érodant la couche d'argile qui les recouvrait.

Un mois avant, ilsétaient enterrés, un mois après, ils le seraient à nouveau. C'est ainsi que bien longtemps après l'avoir quittée, cet ancêtre de l'humanité était réapparu au jour sous le nom scientifique de Al.288 (1).

Mais c'est sous un autre nom plus lyrique, emprunté à une chanson des Beatles en vogue à l'époque, qu'il allait devenircélèbre : Lucy (2).

Un prénom féminin car tel était son sexe. Sitôt la découverte annoncée, elle fit le tour du monde.

Lucy n'était pas encore objet de laboratoire qu'on en parlait déjà.

Il restait à lafaire parler, elle, ce qui prit plusieurs années et fut l'affaire de nombreux scientifiques des laboratoires de Coppens à Paris et deJohanson à Cleveland. D'abord une adulte de la taille d'un enfant de quatre ans, haute de 106 cm.

Ensuite un être intermédiaire entre Primates (les ancêtres communs des chimpanzés et des hommes) et Humains. Des premiers, Lucy présente une boîte crânienne petite et étroite, au front fuyant et plusieurs traitsindiquant qu'elle grimpait aux arbres : des membres supérieurs très stables, des bras longs, une cagethoracique en forme de cône avec des attaches aux épaules et au cou lui permettant de s'accrocher etd'aller de branche en branche.

Ses membres inférieurs, au contraire très libres, facilitent la locomotion.Ces traits, toutefois, ne sont pas aussi prononcés que chez le chimpanzé.

Du genre humain, elle a lamorphologie du bassin, les courbures du rachis ainsi qu'un fémur oblique, le tout traduisant unredressement du corps et une locomotion de bipède.

Lucy n'était probablement pas très stable sur ses jambes courtes, elle marchait en se dandinant et avançait en effectuant de grandes rotations des hanches.

Ce qui a fait dire à YvesCoppens que la bipédie n'aurait pas commencé par la transformation des pieds mais par celle du bassin.

Lucy pouvait parcourir degrandes distances mais le mouvement chaloupé de sa démarche ne devait pas favoriser la course.

La position de son bassin fut aussiétudiée pour savoir comment Lucy pouvait accoucher.

Était-ce dans la souffrance, comme les femmes actuelles? La question n'estpas encore tranchée.

Néanmoins, plusieurs scientifiques le pensent puisque c'est le redressement du corps qui est à l'origine de notreparturition si particulière. Ses dents sont plus loquaces : ses canines, dont la petite taille confirme qu'il s'agit d'une hominidé et ses molaires, plus larges, quil'apparentent à l'humain.

La présence de toutes ses dents dévoila ses vingt ans, leur forme et l'épaisseur de l'émail révéla sonalimentation.

Lucy était avant tout végétarienne.

Elle grignotait des fruits et des racines, croquait des noix qu'elle brisait avec uncaillou, avalait aussi des larves d'insectes et de temps en temps du petit gibier. Elle vivait dans un paysage de savane arborée, près d'un lac ou d'une rivière et non loin d'une forêt.

Dans un climat bien plus humidequ'aujourd'hui, elle marchait parmi les impalas, une antilope ne se nourrissant que des feuilles des arbres, mais aussi parmi leséléphants, les girafes, les autruches et les cochons, une faune dont bon nombre de fossiles furent trouvés dans les sites environnants.. »

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