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Sciences & Techniques: Le voyage de Darwin

Publié le 22/02/2012

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Fin 1831, un petit navire affrété par l'Amirauté britannique part pour un tour du monde qui durera cinq ans. Nul n'aurait gardé le souvenir de cet événement s'il ne s'était trouvé à son bord un jeune géologue appelé à révolutionner la pensée biologique. Il s'appelait Charles Darwin. Cinglant tout dessus vers la haute mer, alors que s'estompent déjà les côtes de Portsmouth, le Beagle, un brick de 240 tonneaux et 30 mètres de long, vient, ce 7 décembre 1831, de faire son entrée dans l'histoire des sciences : une entrée royale, mais nul ne le sait encore, car rien ne l'y prédestine. Pas ses missions officielles en tout cas, scientifiques, certes, mais de portée limitée : compléter le relevé des côtes argentines et chiliennes, recueillir des données chronométriques, tester un dispositif expérimental de sondage des fonds marins, et effectuer des mesures de la vitesse du vent. Rien là qui soit susceptible de faire inscrire Robert FitzRoy, le capitaine du Beagle, dans les prestigieuses pages d'un dictionnaire scientifique, même si le commanditaire de l'expédition, un hydrographe de l'Amirauté, Francis Beaufort, y figure en modeste place : une échelle porte encore son nom, dont les marins se servent pour caractériser l'état de la mer en rapport avec la vitesse du vent…
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« semaines n'ont rien d'une sinécure.

Supporter les dépressions hivernales de l'Atlantique Nord sur un bâtiment de 30 m réclame à toutle moins d'être amariné.

L'exiguïté aussi a ses contraintes : tout marin sait qu'elle rappelle sans cesse à l'ordre et à la discrétion.

Plustard, lorsqu'il travaillera à bord, il ne pourra étudier que de petits animaux et des plantes.

D'ici là, il fait route sur le Cap-Vert, unarchipel au large du Sénégal, étape classique pour aller prendre les alizés qui portent ensuite vers l'Amérique. C'est dans ces îles africaines, abordées le 16 janvier 1832, que Darwin fait ses premières observations. Elles le convertissent aux nouvelles théories géologiques de Lyell.

Dans une époque reculée, des flots delave ont coulé sur les fonds marins, puis ont été élevés au-dessus du niveau de la mer par une forcesouterraine.

Les bandes blanches horizontales qui strient la falaise de l'île de Saint-Jago témoignent depetits mouvements successifs et graduels d'élévation, interrompus par des périodes plus réduitesd'affaissement.

L'ensemble s'explique par des changements récents, graduels et limités.

Moinsheureuses, ou du moins plus naïves, sont ses observations zoologiques.

Il a " découvert ", écrit-il à Henslow, un poulpe luminescent et qui change de couleur : un phénomène, reçoit-il en réponse, qu'on connaît depuis longtemps… L'escale au Cap-Vert a duré quatre semaines.

De là le Beagle a traversé l'Atlantique en faisant route sur le Brésil.

Le premier contact avec le continent sud-américain, le 29 février 1832, est riche d'impressions contradictoires.

Si la beauté de la nature le ravit, letraitement des esclaves l'horrifie.

D'où une sérieuse prise de bec avec FitzRoy : ce ne sera pas la seule.

Il n'y a guère à dire del'expédition terrestre qu'il organise dans la région de Rio, si ce n'est qu'elle l'amène à retrouver le Beagle en Août 1832 à Buenos Aires. Entre-temps, de passage à Montevideo, la capitale de l'Uruguay, il a reçu de Henslow le second tome des Principes de géologie de Lyell.

L'auteur y traite des rapports entre couches géologiques et fossiles.

L'ouvrage va sous peu servir. Ouvrant sur l'immense Pampa argentine, une région à l'époque non pacifiée, le port de Bahia Blanca est situé à environ 600 milles ausud de Buenos Aires.

Non loin de Bahia, au bord de la mer, se trouve Punta Alta, le lieu de la première grande découverte du voyage :plusieurs squelettes incomplets d'énormes animaux inconnus, pétrifiés dans une petite formation de boue et de galets.

Au plangéologique, l'aspect général du terrain, celui de terres récemment émergées, apporte une preuve de l'élévation des côtes.

Le 24novembre 1832, il écrit à Henslow : " J'ai eu beaucoup de chances avec les ossements fossiles.

J'ai des fragments d'au moins six animaux distincts.

j'ai prêté toute l'attention dont je suis capable à leur site géologique.

Si cela vous intéresse assez pour que vousouvriez les caisses, je serai très curieux de savoir ce qu'on en pense ".

Et il ajoute, à l'adresse de sa sœur : " Certains des animaux ont dû être de grande dimension : je suis sûr que certains sont tout à fait nouveaux ; cela est toujours agréable, mais avec lesanimaux antédiluviens ce l'est deux fois plus ".

D'autres ossements vont bientôt s'ajouter.

Étudiés et classés à Londres par le paléontologue Richard Owen, ils se révéleront être ceux d'un Macrauchenia (un ongulé proche des camélidés), d'un Toxodon et d'unparesseux géant, le Megatherium. Les fossiles argentins Des années plus tard, Darwin revenu en Angleterre, ces fossiles joueront un rôle important dans son adhésion aux théoriesévolutionnistes.

Ainsi qu'en témoignent des notes inscrites dans des Carnets de 1837, le cas du Macrauchenia, un animal apparenté àl'actuel Lama, lui fera un moment réfléchir à la possibilité d'évolutions par mutations brusques.

Les théories de Lyell, qui expliquaientl'extinction d'une espèce par des modifications du milieu, ne pouvaient en effet rendre compte de l'histoire de cet animal.

La Patagonie,où il avait vécu, n'avait connu ni bouleversements climatiques, ni géologiques.

De surcroît, le Lama ne semblait pas présenterd'avantage sélectif par rapport au Macrauchenia.

L'idée de mutations brusques aurait permis d'expliquer ces faits.

Elle fut toutefois viteabandonnée. Un autre animal de la pampa, appartenant celui-là à une espèce vivante, aura également son rôle dans la genèse ultérieure de lathéorie de l'évolution : l'Autruche " Petise ", différente de l'Autruche commune par sa couleur, grise, et sa taille, plus petite.

Darwin enavait entendu parler par des gauchos, et il l'avait recherchée des mois durant.

Par quel miracle n'en reconnut-il une qu'après l'avoirchassée et mangée ? On ne le sait pas.

Toujours est-il que le squelette en fut reconstitué, puis envoyé à Londres.

Des années plustard, en 1837, l'animal fera l'objet d'une communication conjointe de Darwin et de l'ornithologue S.

Gould devant la société zoologique.Dans les termes du compte rendu, on lira que " M.

Gould a attiré l'attention de l'assemblée, dans la collection de M.

Darwin, sur une nouvelle espèce de Rhea de Patagonie.

Il a fait remarquer que la nouvelle espèce se distinguait de la Rhea Americana des auteurs,car elle est un cinquième plus petite, avec un bec plus court que la tête, et les tarses réticulés au lieu d'être scutellés, avec plusieurscentimètres de plumes sous les genoux.

Pour commémorer cela, il a proposé de désigner cette intéressante espèce du nom de Rheadarwini.

En conclusion, M.

Darwin a affirmé que la Rhea Americana habite le pays de La Plata jusqu'à un peu au sud du Rio Negro etque la Petise a son habitat dans le sud de la Patagonie ". Darwin cependant était resté perplexe sur un point, qu'il avait gardé pour lui : qu'une zone existât où les deux espèces d'Autruchecohabitaient.

A bord du Beagle , il les a probablement considérées comme deux variétés.

Mais le fait que Gould les aient ensuite classées comme des espèces distinctes posait un sérieux problème : l'idée d'une adaptation parfaite des êtres vivants à leursconditions d'existence était remise en question.

De là à penser que les espèces n'étaient pas fixes… Retrouvons le Beagle loin de la pampa, en Terre de Feu. Lors d'un précédent voyage dans ces parages désolés de l'extrême sud de l'Amérique, FitzRoy avait eu une idée : celle de capturer,pour la " bonne cause ", trois Patagons – deux hommes, York Minster et Jemmy Button, et une femme, Fuegia Basket.

Il s'était alorsmis en tête de les emmener en Angleterre pour les éduquer et les civiliser, puis de les rendre à leur tribu, armés de quelques outils etaccompagnés d'un missionnaire, Richard Matthews.

De fait, si en décembre 1832, le Beagle cingle vers la Terre de Feu, c'est, entre autres choses, pour les ramener chez eux. Tout au long des semaines passées à bord, Darwin les a observés.

Il écrit : " Les Aborigènes américains, les Noirs et les Européens. »

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