Sciences & Techniques: Le siècle de l'aspirine
Publié le 22/02/2012
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En 1900, Felix Hoffmann obtient un brevet auprès du Bureau des brevets des Etats-Unis.
Le brevet d'exclusivité pour la fabrication dela marque Aspirin est confirmé en 1904.
Mais, en 1905, la Grande-Bretagne rejette le brevet : la Cour royale de justice conclutqu'Hoffmann n'a pas inventé la synthèse de l'acide acétylsalicylique mais a simplement repris les travaux de 1869 de Kraut.
Le jugedéclare, non sans humour, que, dans le but de dissimuler la similarité des deux méthodes, la demande de brevet de Bayer est rédigéedans un langage si obscur qu'aucun des experts désignés pour le procès n'a pu y comprendre quelque chose.
La décision suscite un autre procès, cette fois aux Etats-Unis.
Mais, à la surprise des concurrents potentiels de Bayer, la cour deChicago confirme le brevet de synthèse.
Désormais en situation de monopole aux Etats-Unis, la firme allemande va y faire fortune, nonsans lutter vigoureusement contre l'aspirine de contrebande (2).
En 1908, l'aspirine est commercialisée en France par la Sociétéchimique des usines du Rhône (SCUR).
En 1919, le nom de marque Aspirin tombe dans le domaine public.
En 1994, on a consommé dans le monde 11 600 tonnes d'aspirine, soit 36,25 milliards de comprimés, sachets, gélules ousuppositoires - en France, 1,73 milliard, soit environ 30 par personne et par an.
Comment agit l'aspirine ? On commence à le comprendre.
Son action est fort complexe, mais sa formule chimique est simple.L'aspirine (CH 3-CO-O-C 6H4-CO 2H) est construite à partir d'une molécule de benzène, dont la structure hexagonale - six atomes de carbone tétravalents et six atomes d'hydrogène - a été trouvée par le chimiste allemand August Kekule.
Il avait rencontré CharlesGerhardt vers 1853, au moment où celui-ci réussissait la synthèse de l'acide acétylsalicylique.
Mais comment cette petite molécule s'y prend-elle pour provoquer dans l'organisme humain des effets aussi divers que l'abaissementde la température du corps, le soulagement des douleurs, l'amélioration de la mobilité articulaire chez les arthritiques ou leralentissement de la coagulation sanguine ? En 1967, soixante-dix ans après l'irruption de la drogue miracle dans la pharmacopée, nuln'a encore fourni la moindre réponse.
C'est le pharmacologue britannique Henry Oswald Jackson Collier, du laboratoire pharmaceutique Parke Davis, qui va, le premier,soulever un coin du voile.
Il émet l'idée que l'aspirine s'oppose à un processus mis en branle par une réaction de l'organisme contrel'agression.
Mais il ne peut prouver ce mode d'action hypothétique.
Il y fait allusion devant John Vane, un chimiste et pharmacologuedu Royal College of Surgeons (Londres).
Vane et Priscilla Piper - une étudiante qui a travaillé avec Collier - ont découvert unesubstance naturelle, produite à la suite d'un choc, qui induit des contractions convulsives de l'aorte du lapin.
Ils constatent quel'aspirine inhibe la production de la substance en question : c'est la première fois qu'on établit un lien entre l'aspirine et lesmécanismes de défense de l'organisme.
Préventif des maladies cardio-vasculaires
Mais quelle est donc cette substance qui provoque la contraction de l'aorte du lapin et que Vane abaptisée RCS (pour rabbit aorta contracting substance, mais peut-être aussi pour Royal College ofSurgeons) ? La réponse avait été esquissée vers 1930, grâce à la découverte des prostaglandines,hormones produites par les cellules de tout l'organisme.
En 1962, le biologiste Sune K.
Bergström, del'Institut Karoline (Stockholm), et son collègue Bengt Samuelsson avaient déterminé la structure de deuxprostaglandines.
Et montré que, contrairement aux hormones " classiques ", telles que l'insuline et lathyroxine, produites par (et stockées dans) des glandes ou des organes comme le pancréas et la thyroïde, les prostaglandines sont excrétées par les cellules de n'importe quelle partie du corps en réponse à un stimulus spécifique, uneagression par exemple.
Les prostaglandines sont synthétisées en très petites quantités à partir de l'acide arachidonique, unesubstance graisseuse qui contribue à la flexibilité des parois cellulaires, où elle est située.
La RCS, se demande Vane, n'est-il pasl'une de ces prostaglandines ? Et, si oui, le rôle principal de l'aspirine ne consiste-t-il pas simplement à empêcher la synthèse desprostaglandines à partir de l'acide arachidonique ?
Vane produit en laboratoire quelques prostaglandines à partir d'acide arachidonique et d'extraits cellulaires de divers organes decobayes.
L'expérience est concluante : Vane peut même mesurer la quantité de prostaglandines ainsi synthétisées.
Il ajoute un peud'aspirine aux mélanges bioréactifs.
La synthèse cesse : on ne peut plus déceler une seule prostaglandine.
On est en 1971.
Vanevient d'expliciter le mode d'action de l'aspirine et, du même coup, celui de la plupart des autres anti-inflammatoires non stéroïdiens,tels que l'indométhacine, le phénylbutazone, l'ibuprofen, etc.
Sa conclusion sera rapidement vérifiée.
On identifie le site d'action del'aspirine, il s'agit de la cyclo-oxygénase : l'aspirine " acétyle " cette enzyme, qui transforme l'acide arachidonique en moléculesintermédiaires.
En 1982, Vane, Bergström et Samuelsson reçoivent le prix Nobel de médecine.
En 1988, le New England Journal of Medicine , l'une des plus influentes revues médicales du monde, confirme un effet de l'aspirine quiva bouleverser la médecine cardio-vasculaire.
La revue publie le résultat d'une étude systématique conduite auprès de 22 000médecins américains.
La moitié d'entre eux ont pris un comprimé de 324 mg d'aspirine un jour sur deux, l'autre moitié, un placebo , pilule ressemblant à l'aspirine mais dépourvue d'effet.
L'étude, qui devait durer cinq ans, a été interrompue au bout de la quatrièmeannée : on a alors dénombré dans " le groupe aspirine " 5 infarctus mortels et 99 non mortels, et dans " le groupe placebo " 18infarctus mortels et 171 non mortels.
En termes statistiques , cela signifiait que la prise régulière d'aspirine avait diminué de 47 % le risque d'infarctus..
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