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Sciences & Techniques: Lamarck ressuscité ?

Publié le 22/02/2012

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La girafe a-t-elle vu son cou s'allonger au cours des générations à force de s'échiner à atteindre les plus hautes branches des arbres ? L'idée que le milieu façonne directement les êtres vivants fut, il y a environ deux siècles, vigoureusement défendue par le naturaliste français Lamarck. Plus connue sous le nom d'' hérédité des caractères acquis ", cette hypothèse ne constitue en fait qu'une partie de sa théorie de l'évolution. Le dogme darwinien, actuellement en vigueur, l'a petit à petit reléguée au domaine du folklore. Pourtant, des résultats récents militent en faveur de cette hypothèse. En septembre 1988, un biologiste américain de renommée mondiale, John Cairns, avance l'hypothèse que certaines bactéries disposeraient de mécanismes leur permettant de " choisir " leurs mutations. Ces résultats, publiés dans la revue Nature, remettent en question le principe selon lequel le milieu ne modifie pas de manière orientée l'information génétique portée par les chromosomes (l'ADN), qui commande au reste de l'organisme. C'est au nom de ce principe - presque érigé en dogme - que les néo-darwiniens écartent toute possibilité de transmission héréditaire des caractères acquis par un organisme sous l'influence du milieu.
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« Ce n'est toutefois qu'en 1793 que commence sa véritable carrière scientifique au Muséum d' histoire naturelle de Paris.

On lui confie alors la chaire des invertébrés...

dont personne ne veut ! Il faut dire que la charge est énorme : il s'agit de mettre de l'ordre dans levaste chaos des organismes " mous " ( insectes , crustacés, vers, oursins, éponges, protozoaires, etc.), qui représentent plus des neuf dixièmes du monde animal connu.

Lamarck l'évalue alors à 150 000 espèces ! Observant et classant sans relâche une quantitéénorme d'organismes actuels et de fossiles, il les répartit finalement en huit classes (qui correspondent presque à la classificationactuelle), alors que le " pape " de la classification des êtres vivants de l'époque, le naturaliste suédois Linné , n'en trouve que deux.

Ce faisant, Lamarck est confronté à la grande variabilité des espèces dans l'espace mais aussi dans le temps , et se met à douter de la notion d'espèce comme entité fixe.

Il envisage un monde en perpétuel changement (les classifications sont, par nature, transitoires -contrairement à l'idée que s'en fait Linné), et cherche à comprendre les lois qui régissent l'ordre de la nature. La vie, telle que Lamarck l'envisage, aurait donc une histoire : l'histoire naturelle.

" Le but d'une distribution générale des animaux n'estpas seulement de posséder une liste commode à consulter, mais c'est surtout d'avoir dans cette liste un ordre représentant le pluspossible celui même de la nature, c'est-à-dire l'ordre qu'elle a suivi dans la production des animaux, et qu'elle a mis entre les uns etles autres.

" (2).

Il pose ainsi les principes essentiels d'une transformation des organismes, exposés dans son discours d'ouverture auMuséum, le 21 floréal 1800.

Ce discours, dans lequel il remet en question la notion d'espèce - débat d'ailleurs toujours d'actualité - etintroduit la possibilité de changements au cours du temps, constitue le manifeste du transformisme.

Lamarck déclenche ainsi unepolémique qui l'oppose aux thèses fixistes officiellement en vigueur, soucieuses de respecter la création du monde telle que la Genèsenous la raconte.

Le fixisme, âprement défendu par les autorités religieuses, trouve son champion dans le brillant paléontologue Cuvier." Lamarck contre cuvier ": voilà l'affiche d'un des plus formidables débats du début du XIXe siècle. En fait, plus qu'une querelle de spécialistes, il s'agit de l'affrontement entre la science institutionnelle, qui, en d'ultimes mais violentssoubresauts, persiste à se maintenir dans le giron rassurant de la religion, et la démarche scientifique, fille du siècle des Lumières etde la Révolution.

Cette dernière a pour but la recherche des lois régissant le monde vivant en s'appuyant sur les seuls faits, en dehorsde tout cadre préétabli.

Quelles sont donc les théories en présence ? Surtout, ne pas contredire la Bible.

Pour les fixistes, les espèces sont toutes créées dès l'origine et se maintiennent identiques àelles-mêmes.

Cuvier, jeune et brillant paléontologue, n'ignore pas l'existence de fossiles, qui jettent le trouble sur la conception d'unecréation unique et immuable.

Il propose alors la théorie du catastrophisme : les différences entre les êtres fossiles et actuelss'expliquent par des catastrophes successives, dont le Déluge serait la dernière, détruisant les êtres vivants des périodesprécédentes, et chaque fois suivies de nouvelles créations : " Le fil des spéciations est rompu, la marche de la Nature a changé.

" Parailleurs, fortement marqué par le protestantisme, il concilie les faits scientifiques avec ses convictions religieuses.

Cuvier donne ainsiun statut scientifique aux événements bibliques - et un cadre religieux aux faits scientifiques.

Par la même occasion, il s'attire lesgrâces de Napoléon, qui aurait dit : " Surtout, ne touchez pas à ma Bible.

" En outre, selon Cuvier, l'homme est une création parfaiteque l'on ne peut rapprocher des animaux.

Dans le contexte de l'époque, c'est un argument de plus pour bénéficier d'une vasteaudience favorable.

Il s'impose comme le chef de file des fixistes. Lamarck, pour sa part, émet d'abord l'hypothèse d'une transformation progressive des animaux les reliant au sein d'une histoirecommune.

Il conceptualise ainsi la notion de classification naturelle, progressant des êtres les plus simples aux plus élaborés, etrompt avec la tradition biblique en introduisant l'idée de temps infini nécessaire à la transformation des espèces. Le temps et les circonstances constituent aux yeux de Lamarck " (...) les deux principaux moyens que la Nature emploie pour donner l'existence à toutes ses productions.

" Ils permettent à eux seuls d'expliquer l'ampleur de la variabilité des formes animales, puisque "le temps est sans limites " et " les circonstances en quelque sorte inépuisables.

" La fonction crée l'organe.

Dernier élément du transformisme, Lamarck propose comme moteur de l' évolution un mécanisme fondé sur l'usage et le non-usage des organes.

La variété des milieux et des modes de vie provoque une diversification des facultés qui "s'étendent et se fortifient par l'usage (...), se conservent et se propagent par la génération.

" Selon ce principe, c'est une adaptation deplus en plus grande à la course qui a provoqué, au fil de révolution, la modification des membres (allongement de ceux-ci, réduction dunombre de doigts, passant progressivement de cinq à un seul, et apparition du sabot) chez les ancêtres de notre cheval actuel.

C'estce que l'on appelle l'hérédité des caractères acquis, illustrée au début de cet article par les exemples de la girafe et des oiseauxaquatiques. Il faut reconnaître que l'observation de la Nature et des adaptations multiples des êtres vivants paraît, à première vue, étayersolidement cette hypothèse.

Lamarck refuse l'origine divine des formes adaptatives (cécité des animaux habitant dans les cavernes,disparition des dents chez les baleines, forme adaptée à la progression dans l'eau des mammifères aquatiques, etc.) : " Je pourraisprouver que ce n'est point la forme du corps, soit de ses parties, qui donne lieu aux habitudes ; mais que ce sont au contraire leshabitudes, la manière de vivre et toutes les circonstantes influentes qui ont, avec le temps, constitué la forme du corps et des partiesdes animaux.

" Du temps de Lamarck, cependant, les fixistes n'en sont pas encore à débattre des mécanismes de l'évolution : c'est le conceptd'évolution lui-même qui leur pose un problème.

Le combat de Lamarck est donc de faire admettre que les espèces ne sont pas toutesapparues en même temps à l'origine de la création.

Il s'insurge contre le dogmatisme et la prétention : prétention de Linné à vouloir fixer une fois pour toutes les êtres vivants en une classification statique ; dogmatisme de l'Eglise qui veut imposer à la science savision des origines telle qu'elle apparaît dans la Genèse. Au catastrophisme de Cuvier, Lamarck répond par les notions de " temps géologique " et d'" espèces analogues ".

Ces dernières sontdes formes qui se ressemblent, bien que vivant à des périodes géologiques différentes.

Si l'on peut constater l'existence de sériessuccessives d'espèces analogues parmi les êtres vivants fossiles et actuels, c'est qu'il n'y a pas eu de rupture dans la chaîne de lavie.

Lamarck apparaît ainsi comme le fondateur de la paléontologie évolutive.

Il fit alors beaucoup d'émules chez les spécialistes desinvertébrés, qui possèdent de nombreux exemples de séries graduelles (c'est-à-dire de transformations progressives d'espèces au. »

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