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Sciences & Techniques: La pilule

Publié le 22/02/2012

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A grands effets- car la pilule en eut de grands -, causes multiples et parfois minimes. L'invention du contraceptif oral ne tenait fondamentalement qu'à la position de quelques carbones dans une molécule stéroïde. Mais il fallut aussi trouver la bonne source, assembler la bonne hormone, la rendre aussi digeste qu'un bonbon, découvrir et tester ses effets sur l'animal et sur l'Homme. Quelques chimistes inventifs, trois biologistes compétents et une poignée de médecins ont suffit à tout faire. Aussi valait-il mieux que l'un de ceux qui les ont rencontrés rappelle cette histoire.

« Mais l'avortement "folliculinique", comme on l'appelait alors, ne donnait pas de résultats expérimentaux réguliers.

Sur la femme, sonefficacité a toujours été douteuse.

Pourtant, pendant de nombreuses années, les injections de Benzogynestryl (benzoate d'œstradiol),commercialisé par les laboratoires Roussel, ont été clandestinement pratiquées par des milliers de femmes qui attendaient vainementleurs règles.

Courrier, lui, se demandait si la folliculine n'aurait pas plus d'efficacité avant la nidation.

On a appris depuis que lesœstrogènes empêchent effectivement l'implantation de l'œuf fécondé.

Ils seraient même utilisables comme constituants d'une "piluledu lendemain", si leur administration répétée ne présentait pas, par ailleurs, de nombreux inconvénients. La chimie des hormones sexuelles Toutes les expériences d'endocrinologie antérieures aux années trente avaient été menées avec des "hormones" contenues dans desextraits d'organes plus ou moins bien purifiés.

La recherche endocrinologique prit une autre tournure lorsqu'on sut isoler des hormonessexuelles chimiquement définies, les cristalliser et les produire en quantités suffisantes. La première hormone féminine découverte, l'œstrogène responsable du rut (ou œstrus, d'où sa dénomination) chez les animaux, estsécrétée par les ovaires pendant la partie du cycle menstruel qui précède l'ovulation.

Elle fut isolée, de façon indépendante, en 1931,par Adolf Butenandt en Allemagne et par Edward A.

Doisy en Amérique.

Après l'identification en 1932 de l'hormone mâle,l'androstérone, la seconde hormone féminine, la progestérone, que sécrète le corps jaune pendant la grossesse , fut à son tour obtenue à l'état cristallisé en 1934, par plusieurs équipes différentes. L'isolement de ces composés était une performance remarquable si l'on considère la faible concentration de ces substances dans lesorganismes vivants.

Les quinze premiers milligrammes d'œstrone (œstrogène naturel), par exemple, exigèrent le traitement de 15 000litres d'urine.

Mais les biologistes et l'industrie pharmaceutique, qui avaient immédiatement reconnu l'intérêt de ces produits, nepouvaient se satisfaire de ces prouesses académiques.

Il était urgent de rendre ces substances plus faciles à obtenir et ce souci allaitrapidement donner une nouvelle impulsion à la recherche en chimie organique. Le problème de la préparation industrielle de l'œstrone fut assez vite résolu sans avoir recours à des méthodes compliquées.

AndréGirard et Georges Sandulesco, deux chimistes de chez Roussel, brevetèrent en 1934 un réactif original qui leur permettait d'isolercette hormone à partir de l'urine de jument gravide, qui en produit en effet près de 30 grammes au cours de sa gestation.

Cetteméthode d'extraction assura pendant de nombreuses années la prééminence des laboratoires Roussel sur le marché mondial desœstrogènes d'origine naturelle. Cependant, les chimistes s'étaient rapidement rendu compte que ces hormones mâles et femelles qu'ils venaient d'isolerappartenaient à la même classe de composés que le cholestérol et les acides biliaires.

Or, en 1932, on avait, après plusieurs décennies de laborieuses études, réussi à déterminer la structure de ces derniers.

Toutes les molécules dites "stéroïdes" ont encommun un "squelette" caractérisé par la présence de quatre cycles carbonés.

Dans le cas des hormones sexuelles en question, cesquelette comporte cependant de notables différences.

Dans l'œstrone, il n'est constitué que de 18 carbones, et le premier cycle estbenzénique.

Dans la testostérone et dans la progestérone, le squelette possède 19 carbones, dont deux appartiennent à desméthyles dits "angulaires" situés à la jonction de deux cycles. Cette reconnaissance du squelette commun à ces divers stéroïdes eut presque immédiatement d'heureuses conséquences.

Dès1935, les suisses Léopold Ruzicka et Albert Wettstein réussirent à transformer le cholestérol en hormone mâle.

Le rendement decette tranformation était dérisoire mais, compte tenu de l'abondance du cholestérol fourni par les moelles épinières des animaux deboucherie, il était suffisant pour que l'opération fut rentable.

Ce procédé resta le meilleur jusqu'à la découverte de nouvelles matièrespremières d'origine végétale, et de la diosgénine en particulier, extraite de certaines plantes mexicaines. La synthèse partielle de la progestérone, l'hormone de la grossesse , fut résolue, sur le plan académique tout au moins, quelques mois à peine après sa laborieuse extraction des ovaires de truies.

Presque ensemble, mais parallèlement, Adolf Butenandt et EhrardtFernholz avaient pu l'obtenir en transformant le stigmastérol contenu dans les graines de soja.

Mais cette transformation exigeait unesérie de dix réactions successives, difficilement praticables à grande échelle.

La préparation de progestérone en grande quantité et àbas prix ne sera vraiment rendue possible que par la découverte et la transformation de la diosgénine mexicaine, dont nousreparlerons.

Mais en attendant ces solutions définitives, le problème suscita des recherches qui aboutirent, comme cela arrive souventdans l'histoire des sciences, à des résultats imprévus.

En ce qui concerne la contraception , leurs conséquences furent d'une importance décisive. La molécule de progestérone diffère essentiellement de celle des hormones mâles par la présence, rattachée à un des cyclescarbonés du noyau stéroïde, d'une chaîne de deux atomes de carbones supplémentaires (Co - CH3).

Les chimistes pensèrent trouverun moyen d'introduire ces deux carbones manquants sur l'hormone mâle de la testostérone (obtenue à partir du cholestérol) en lesempruntant à la molécule d'acétylène.

Malheureusement, on ne tarda pas à s'apercevoir que le produit obtenu, l'éthinyl-testostérone(ou éthistérone) ne permettait pas d'obtenir de la progestérone.

Déception ! L'échec, en réalité, ne concernait que les chimistes.

Car les physiologistes de deux firmes pharmaceutiques, l'une suisse (Ciba, deBâle), l'autre allemande (Schering A.G., de Berlin), qui se disputaient âprement le sujet, découvrirent en effet presque en même tempsque l'éthinyl-testostérone présentait le même genre d'activité hormonale que la progestérone.

Mieux encore, ce progestatif desynthèse était le premier à conserver son activité, faible il est vrai, par voie buccale, à la différence de l'hormone naturelle, qui estdégradée dans l'estomac.

Découverte essentielle, dont on se souviendra plus tard lorsque l'on se mettra en quête des composants dela pilule contraceptive... Telle était, rapidement résumée, la situation de la chimie des hormones à la veille de la Seconde guerre mondiale.. »

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