Sciences & Techniques: La naissance de la psychanalyse
Publié le 22/02/2012
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Dès sa jeunesse, il s'était révélé un "rat de bibliothèque", ainsi qu'il l'écrivit un jour, passionné de littérature et de philosophie, fierd'avoir été désigné lors de l'équivalent de notre Baccalauréat comme un "styliste allemand".
Il avait un moment hésité à entreprendredes études de droit mais en 1873, après l'audition d'un Essai sur la nature alors faussement attribué à Goethe, il s'était dirigé vers lamédecine, cette voie d'élévation sociale qui, comme le droit, s'ouvrait aux juifs doués de son époque.
Quelques années plus tard, il avait donné suite à son attrait pour les sciences de la nature et s'étaitspécialisé dans des recherches en zoologie qui lui avaient valu ses premières publications scientifiques etses premiers succès universitaires : confirmation de l'existence de testicules chez l'anguille mâle ettravaux sur les cellules spinales du pétromyzon (larve de la lamproie) qui furent immédiatement présentéesà l'Académie des sciences par ses maîtres, les professeurs Brücke et Claus, en mars 1877, alors qu'iln'avait pas encore 21 ans.
Ses activités au microscope le conduisirent à plusieurs autres découvertesdans le domaine de l'anatomie et de l'anatomo-pathologie du système nerveux central de l'homme ainsi qu'à la mise au point des méthodes de préparation et de coloration des tissus qui le firent connaître des milieux scientifiques.
C'est aussi dans le laboratoire d'Ernst Brücke qu'il affermit son appartenance à l'école de penséescientiste que ce savant avait fondée avec Hermann Helmholtz et Emil Du Bois-Reymond.
Ils affirmaientque seules des forces physiques et chimiques agissaient dans la nature et que la science devait rejetertoute explication vitaliste ou théologique.
Les théories de Darwin leur servaient de référence et Freud adhéra solidement à leurs principes positivistes, attitude qu'il continua d'appliquer à la recherchepsychanalytique et conserva jusqu'à la fin de sa vie.
Cependant son goût des lettres et de la spéculationphilosophique demeurait vif, comme en témoigne la traduction qu'il entreprit durant son année de service militaire, entre 1879 et 1880, d'essais de John Stuart Mill tels Sur l'émancipation de la femme , Platon , La question sociale et Le socialisme .
De telles qualités lui avaient permis l'obtention de bourses bien nécessaires étant donné la pauvreté dans laquelle sa famille et lui setrouvaient.
En mars 1881, il devint docteur en médecine, tout en poursuivant ses recherches et ses communications sur des sujetsaussi éloignés de la clinique humaine que les cellules nerveuses des écrevisses.
N'avait-il pas écrit à un ami en 1878 qu'il préférait "écorcher des animaux plutôt que de torturer des hommes "? Mais son destin allait alors prendre une toute autre direction.
L'apprentissage de la clinique
En avril 1882, en effet, ce chercheur opiniâtre auquel on ne connaissait aucune attache sentimentale, tomba éperdument amoureux deMartha Bernays qui allait devenir sa femme après plus de quatre années de fiançailles dont on peut suivre les épisodes passionnésdans les centaines de lettres qu'il lui adressa.
Il devait s'organiser pour assumer la prise en charge matérielle de son futur foyer, maisnul avenir ne lui était ouvert en ce sens dans le domaine de la recherche.
Ernst Brücke ne lui cacha pas, dès juin 1882, qu'il devaitrenoncer à une carrière universitaire dans son laboratoire et se préparer à l'exercice plus rentable de la médecine en pratique privée.
Pour parfaire sa formation clinique, le jeune homme de vingt-six ans entreprit une série de stages dans différents services de l'Hôpitalgénéral de Vienne, parmi lesquels celui de Psychiatrie que dirigeait le célèbre professeur Meynert.
Il s'installa dans une chambre del'hôpital comme médecin résident non appointé, avec l'espoir d'acquérir les titres qui lui permettraient d'être un jour nommé professeur,tout en continuant à s'intéresser aux recherches histologiques.
Ses dissections de cerveaux de fœtus humains et d'enfants lui vaudront d'ailleurs quelque dix années plus tard d'être reconnu comme un expert en neurologie infantile.
Durant cette longue période de maturation, Freud se montra fébrilement à l'affût de la découverte qui lui apporterait, outre la gloire - caril était à juste titre ambitieux et persuadé d'un grand destin - l'aisance financière indispensable pour mettre un terme à sesinterminables fiancailles.
Il frôla le succès en 1884 lorsqu'il découvrit les vertus de la cocaïne sur les états dépressifs qu'il rencontraitdésormais dans les services hospitaliers.
Il crut que son usage pouvait également représenter une méthode sans danger dedésintoxication pour les morphinomanes et ne se rendit compte que tardivement, après la mort dramatique d'un de ses amis, Ernstvon Fleischl-Marxow, qu'il avait ainsi voulu sevrer, des effets d'accoutumance et d'assuétude qu'elle entraînait également.
Ne l'utilisa-t-ilpas lui-même durant plusieurs années à petites doses, pour vain-cre sa timidité et surmonter ses moments de découragement ?
Il passa à côté de la gloire tant espérée lorsqu'il laissa en septembre 1884 à l'un de ses amis, l'ophtalmologue Leopold Konigstein, lesoin de vérifier ses hypothèses concernant les propriétés anesthésiques de la coca.
Il voulait en effet absolument rejoindre pourquelques jours de vacances sa fiancée qu'il n'avait pas vue depuis deux ans.
A son retour, un autre collègue à qui il en avait parlé, KarlKoller, avait expérimenté le produit sur l'œil de l'animal et annoncé au monde scientifique sa découverte de l'anesthésie locale par lacocaïne dont on sait combien elle bouleversa la pratique de la chirurgie oculaire comme celle de la petite chirurgie en général.
" Mais je n'ai pas gardé rancune à ma fiancée de l'occasion manquée ", commenta Freud un jour, dénégation dont un psychanalyste pourrait mettre en doute l'absolue franchise...
Josef Breuer et Anna O.
A côté de ces épisodes formateurs, quelques moments sont plus particulièrement liés à la naissance de la psychanalyse elle-même. Josef Breuer, médecin réputé à Vienne, avait été conquis par les dons et le courage du jeune Freud qu'il avait connu dans lelaboratoire d'E.Brücke, et l'avait pris en amitié.
Comme cela se faisait dans la communauté juive, il l'aidait financièrement etscientifiquement.
Un soir de juillet 1883, Breuer évoqua pour la première fois l'histoire d'une de ses anciennes malades, nomméeBertha Pappenheim, et la façon tout à fait nouvelle dont il l'avait traitée de décembre 1880 jusqu'au mois de juin de l'année précédente..
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