Sciences & Techniques: Bombe H, de l'épopée à la tragédie
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
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conteneur massif pour ralentir la dispersion des neutrons provoquée par l'explosion atomique.
Personne n'avait alors la moindre idée deces notions.
Un physicien de 27 ans nommé Sakharov...
A peu près au même moment, en avril 1946, se tient à Los Alamos (Nouveau-Mexique) une conférencesecrète de physiciens occidentaux autour du projet américain de bombe thermonucléaire.
L'un desparticipants, le physicien britannique d'origine allemande Klaus Fuchs en transmet les conclusions à desagents soviétique.
Sa trahison est essentiellement idéologique...
Ironie de l'histoire : l'approche des Américains est erronée.
Ils ont suivi l'idée du physicien d'originehongroise Edward Teller, qui préconise l'utilisation d'un cylindre de deutérium liquide chauffé par l'explosion d'une bombe atomique .
Le projet " tube ", ou " saucisse ", comme on l'appela par la suite, ne pouvait donner naissance à une bombe h transportable.
C'est seulement après l'arrestation de Fuchs, en 1950, que les savants américains s'en apercevront.
En possession des documents fournis par Fuchs, les physiciens soviétiques se lancent sur la piste du tube.
Un groupe de chercheursest désigné (par oukase !), sous la direction d'Igor Tamm, au sein de l'Institut de physique de l'Académie des sciences de Moscou.
Unlaboratoire est mis à leur disposition, dans l'ancien monastère de la petite ville d'Arzamas, à 400 km à l'est de Moscou.
Dirigé parYouli Khariton, Arzamas-16 va ouvrir la voie à la production des armes thermonucléaires.
En 1948, quelques semaines après le début des études théoriques, un jeune physicien propose une solution révolutionnaire.
AndreïSakharov , c'est son nom, a 27 ans...
Le futur prix Nobel de la paix suggère de remplacer le tube par un " sandwich " d'éléments légers (deutérium, tritium) et d'un élément lourd, l'uranium 238.
Il baptise cette structure sloïka (du russe sloï, " couche ").
Selon ses calculs,une explosion atomique peut parfaitement déclencher la réaction thermonucléaire recherchée.
Ses patrons décident de suivre lanouvelle piste, sans abandonner celle du tube.
En novembre 1952, les Etats-Unis testent sur l'île d'Eluglab de l'archipel Marshall, dans le Pacifique, un dispositif thermonucléaired'une puissance de plus de 10 mégatonnes, plus d'une centaine de fois celle des premières bombes atomiques.
L'engin, surnomméMike, n'est pas une bombe et ne peut constituer une arme opérationnelle.
C'est une structure de 65 tonnes, haute de deux étages,dont le combustible thermonucléaire (du tritium) est maintenu à une température proche du zéro absolu .
De leur côté, les Soviétiques ne chôment pas.
Quelques mois plus tard, le 12 août 1953, la " bombe Sakharov ", du type sloïka,explose sur l'île de Wrangel, dans l'océan Arctique, libérant une énergie de 400 kilotonnes.
Le combustible thermonucléaire est dutritium et du lithium, sous forme d'un composé chimique solide qui, bombardé par les neutrons produits par la " gâchette " atomique,forme aussi du tritium, augmentant la puissance de l'explosion.
Le procédé Sakharov permet de réussir du premier coup où lesAméricains ont échoué : la bombe est miniaturisée.
Le dispositif, de mêmes dimensions que la première bombe A soviétique de 1949,est transportable par avion.
Pour les ingénieurs et pour les militaires, il présente toutefois deux inconvénients majeurs : il requiertbeaucoup de tritium, dont la préparation est coûteuse, et doit être utilisé dans les six mois qui suivent sa fabrication.
Salaire des savants : 250 F par mois
En novembre 1955, on teste une autre version de la sloïka, qui n'emploie pas de tritium.
C'est une véritable bombe, larguée par aviond'une altitude d'un millier de mètres.
Certes, son rendement n'est pas idéal : elle n'utilise pas de façon optimale l'énergiethermonucléaire.
Mais c'est un atout politique considérable dans le contexte de la guerre froide : l'URSS a l'arme thermonucléaire, etles Etats-Unis ne la possèdent pas.
Un an plus tard, les atomistes russes, réunis à Moscou, renoncent définitivement à la méthode du tube d'Edward Teller.
La sloïkafonctionne, mais on peut faire mieux...
C'est alors que le physicien Victor Davidenko, directeur du département de physique nucléaire expérimentale de l'Institut, propose une " troisième voie ", qu'il appelle l'implosion atomique : elle consiste à emprisonner la chargethermonucléaire dans un conteneur massif, qui réfléchirait au moins une partie des particules engendrées par la première explosion, pour contribuer à l'" implosion " thermonucléaire.
La mise au point de cette arme redoutable sera un travail d'équipe, où Sakharov jouera un rôle décisif.
La fabrication des bombes est délocalisée, comme on dirait aujourd'hui, dans les " cités fermées " (c'est-à-direinterdites) d'Arzamas et de Tcheliabinsk, créées en 1955.
C'est à Tcheliabinsk que sera réalisée la version définitive de l'armethermonucléaire.
Les instituts sont agrandis et bénéficient de généreux budgets.
Les physiciens russes sont dorénavant les enfants chéris du pouvoir etjouissent de privilèges rares.
A Moscou, l'Institut de l'énergie atomique de l'Académie des sciences est rebaptisé Institut Kourtchatovd'énergie atomique en 1960, à la mort du savant.
Dans les années 80, il emploie 10 000 personnes ! L'Institut de physique théorique etexpérimentale de la capitale compte quelque 3 300 salariés, et on en dénombre 2 700 à l'Institut Yoffe de Leningrad (du nom duphysicien Abraham Yoffe).
Depuis la chute du régime soviétique, cette communauté de savants est quasiment clochardisée.
Les salaires ont dégringolé - ils sontde l'ordre de 250 000 roubles par mois, soit environ 250 F.
Payés avec retard, ils sont parfois immédiatement saisis par les banquespour combler les découverts.
Autrefois gratuite, l' électricité est maintenant facturée ; en cas de non paiement, il arrive qu'on la coupe. On grelotte dans les laboratoires....
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