Sciences & Techniques: Attraction terrestre : les succès de Newton
Publié le 16/02/2010
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Le 24 juin 1998, tard dans la nuit, à très précisément 23h16 GMT, un silence de plomb a subitement recouvert la salle de contrôle de l'Agence spatiale européenne (ESA). En raison d'une série intempestive de commandes contradictoires, tout contact venait d'être perdu avec le satellite SOHO, un complexe engin de plusieurs centaines de millions de francs, consacré exclusivement à l'étude du Soleil. Ce n'était pas le premier ni le dernier des échecs que pouvaient vivre les ingénieurs spatiaux, mais c'était sans doute le plus cuisant, car SOHO était le premier observatoire spatial à être placé à un endroit très particulier du Système solaire, où justement on ne pouvait pas le perdre. Les ingénieurs lui avaient trouvé un havre de repos à 1,5 million de kilomètres de la Terre. Ils l'avaient en quelque sorte mis à l'ancre sur une bouée interplanétaire invisible, un point particulier dit " point de Lagrange ", du nom du mathématicien français qui en a découvert l'existence, où l'attraction du Soleil équilibre très exactement l'attraction de la Terre. A cet endroit précis, le satellite pouvait se maintenir presque sans effort et sans mouvement, une situation sans égale pour observer le Soleil 24h sur 24h.
Pour arracher les satellites à l'attraction terrestre ou pour guider les sondes dans leur voyage interplanétaire, on s'appuie toujours sur ses lois, vieilles de trois siècles. |
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gravitationnel pour dévier et accélérer les satellites sur des orbites qui se transforment en élégantes et complexes arabesques.
Ainsi, le voyage de la sonde Galileo, qui a atteint Jupiter le 7 décembre 1995, et continue actuellement àfaire des ronds autour de la planète géante à la rencontre de ses satellites, avait débuté six ans plus tôt, le12 octobre 1989.
La sonde a d'abord visé Vénus, qu'elle a contournée le 10 février 1990 puis, par deux fois,le 8 décembre 1990 et 1992, elle est revenue prendre son élan vers la Terre avant de finalement s'engagersur sa trajectoire finale vers Jupiter.
A chaque fois, le même mécanisme de fronde gravitationnelle a opéré.En " tombant " vers les planètes, la sonde voit sa vitesse augmenter puis, captée dans le champ degravitation, elle est progressivement déviée jusqu'a être renvoyée avec un nouvel élan dans le sens inverse, comme une balle contre une raquette.
Vénus lui a ainsi communiqué 7 000 km/h supplémentaires et la Terre a ajouté 18 000km/h,puis 13 000km/h, pour atteindre un pécule amplement suffisant à la traversée vers Jupiter.
La même stratégie sera appliquée à la sonde Cassini qui vient de décoller en octobre dernier pour unvoyage de six ans vers Saturne.
Après deux passages vers Vénus et un retour vers la Terre, qu'elle frôle à500 km d'altitude très précisément, le 16 août 1999, elle s'aidera de la gravité de Jupiter, le 30 décembre 2000, avant de croiser vers Saturne qui sera atteinte le 1er juillet 2004.
Peu de temps après, le seulmodule Huygens, détaché de la sonde, devrait venir se poser le 27 novembre 2004 sur Titan, le seulsatellite de Saturne qui possède une atmosphère ayant quelque ressemblance avec celle de la Terre.
Surle pas de tir, Cassini pesait 5,5 t.
dont un record de 3 t.
de combustible, mais ce jeu de billard cosmique lui a permis l'économie de 70 t.
au décollage!
D'autres défis attendent les as des détours balistiques qui, à l'aide de la mécanique céleste, inventent ces nouvelles routescosmiques.
Un des projets européens majeurs du début du XXIe siècle est l'incroyable rendez-vous de la sonde Rosetta avec lacomète Wirtanen, prévu pour octobre 2012.
Comme pour les autres voyages interplanétaires, la sonde, qui devrait être lancée en janvier 2003, fera d'abord un détour par Mars, puis deux fois par la Terre pour gagner la vitesse requise.
De la routine en apparence,mais cette fois-ci la cible est incroyablement mouvante, car les comètes sont de très petits corps, essentiellement des noyaux deglace de quelques kilomètres de diamètre seulement, et leur trajectoire est sans cesse perturbée par de petites irrégularités.
Hormisla complication pour rattraper ce point minuscule qui file dans l'espace à quelque 30 000 km/h, la véritable difficulté sera dansl'ajustement infiniment précis de la vitesse de la sonde.
Car le projet des scientifiques est d'accompagner la comète sur son orbitevers le Soleil, pendant plusieurs centaines de millions de kilomètres à partir de mai 2012, puis d'effectuer une des manœuvres les pluspérilleuses jamais tentées, l'arrimage de deux modules, baptisés " Champollion " et " Roland ", sur le noyau de Wirtanen, un bloc de 3kilomètres de diamètre dont la gravité est 20 fois plus faible que celle de la Terre! Ce rendez-vous en microgravité sera une grandepremière de l'astronautique et le mouvement de la sonde sera suivi et assisté attentivement par les plus grandes stations d'écoute ausol, avec malheureusement le handicap d'un décalage de plus de 30 minutes, dû au temps de voyage de la lumière .
Toute la science de Newton , qui permet ces prodigieuses explorations, ne peut garantir contre les coups du destin dans cette mécanique bien huilée.
Récemment, la mission de la sonde Galileo a manqué être totalement compromise par le fonctionnementrécalcitrant d'une de ses antennes de communication, et des sondes comme Phobos et Mars Observer se sont perdues corps etbiens autour de Mars.
Pour Soho, égaré dans le marais gravitationnel de la Terre et du Soleil, les techniciens ont eu plus de chances.
Au bout de quatresemaines d'efforts incessants, ils ont réussi à remettre le satellite dans le droit chemin des antennes terrestres et, depuis le 25septembre dernier, Soho a repris son poste d'observateur privilégié du Soleil.
Malgré toute notre science de la gravitation, cesimpondérables font encore de la navigation spatiale un sport bien peu recommandé aux Terriens..
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