Science, mythologie, métaphysique et philosophie
Publié le 21/03/2015
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La philosophie est-elle la somme des insuffisances de la science?
Introduction S'il est possible de mettre le mythe, la science et la philosophie en perspective, c'est qu'on s'accorde généralement pour penser qu'ils sont des formes de discours qui élèvent une prétention commune au sens et à la vérité.
Pourtant il faut reconnaître que le triomphe de l'esprit scientifique n'a pas fait disparaître les mythes qui persistent à habiter les sociétés les plus rationnelles, non plus qu'il n'ait persuadé les métaphysiciens à renoncer à leur conception du sens et de la vérité dans laquelle ils voient une force et non une faiblesse.
Une force car si la rationalité scientifique circonscrit l'espace du sens et de la vérité à l'empiricité, elle devrait non pas se prononcer sur le statut de réalités qui échappent par nature à son emprise mais plutôt se reconnaître assez impuissante pour concéder à d'autres types de savoir le privilège d'en faire état, et la métaphysique se donne précisément comme un de ces savoirs.
Dans l'Iliade, le soleil ordonne un champ lexical qui signale qu'il n'est jamais ce qu'il paraît être mais toujours virtuellement autre que ce qu'il est ; astre, il l'est certainement, mais aussi genèse de toutes choses et principe de vie, divinité et promesse de vertu que la chevelure blonde et la pureté des héros manifestent comme la signature physique et morale de son pouvoir.
À cet égard le principe d'identité joue un rôle fondamental dans ce dispositif car il permet de réduire les licences logiques auxquelles le mythe ne manque jamais de succomber.
Dire ainsi qu'une chose ne peut pas être elle-même et son contraire permet de fixer la référence c'est-à-dire la réalité dont on parle comme une unité substantielle qui résiste à la métamorphose que le mythe lui fait subir.
C'est de cette manière que Kant interprète, c'est-à-dire confère un sens aux tentations que le Christ doit affronter dans le désert ; le combat sensible qu'il livre contre le démon n'est pas incohérent, il est analogue en son principe à la lutte que notre liberté est toujours amenée à engager contre le mal qui est en nous, mais il n'y a pas de différence de nature entre le récit évangélique et l'explication rationnelle, le premier amorce simplement par des voies symboliques ce que la seconde restitue par des moyens rationnelsl.
Bien au contraire, car s'il faut en croire Descartes les mathématiques offrent ce modèle de la démonstration dont la philosophie doit pouvoir s'inspirer si elle veut donner à ses concepts la force nécessaire pour penser le réel dans son intégralités.
Comme tout être naturel un cheval est un être fini qui ne manque de rien, à moins de naître sans pattes, mais il est parfait en son genre si la nature l'a équipé de tout ce dont il a besoin pour être.
Si pour Spinoza il est vrai que la connaissance de l'homme dépend d'un principe explicatif dont les effets détermineront a priori le sens qu'il faudra accorder à ses comportements, on voit que ce n'est pas dans la liberté de choisir ce qu'il pourrait être, mais bien plutôt dans le fait de subir ou d'assumer des désirs qu'il n'a pas choisis que l'homme peut être adéquatement saisi dans son essence.
Mais souligner ces différences à vrai dire radicales, c'est aussi signaler que le caractère proprement métaphysique des systèmes se définit moins par les contenus qui les distinguent ou les opposent que par la méthode qui les rapproche.
plus rebelles à l'explication subissent les aménagements propres à en satisfaire les exigences.
Dire ainsi comme Leibniz que le mal n'est qu'apparent, qu'il est au pire un bien qui s'ignore et au mieux un moyen en vue d'un plus grand bien parce que son existence supposée serait incompatible avec la bonté divine revient à franchir la frontière qui commande la compréhension d'un concept.
Non seulement la science l'a progressivement dépossédée d'une partie de ses objets mais elle a fini par imposer l'idée que toute proposition prétendant à la vérité doit pouvoir être testée et dûment vérifiée dans une évidence empirique.
Selon cette manière de voir, nous pouvons saisir intuitivement certaines vérrités par ailleurs indémontrables comme le principe de non-contradiction ou certaines propositions de la géométrie parce que leur nécessité s'impose si bien à la pensée que nous les supposons constitutifs de l'esprit humain.
C'est l'existence de ces vérités qui donnent à la philosophie la conviction qu'il lui revient de droit un domaine réservé d'objets irréductibles à la science sans lesquels le monde ou l'homme ne seraient pas pensables.
Par exemple l'idée qu'on ne pourrait pas saisir le sens et la moralité des actions humaines si on ne les supposait pas commandées par une causalité qui échapperait au mécanisme des lois naturelles, autrement dit par une liberté qui n'est évidemment pas prouvable mais dont on devrait supposer l'existence si on veut sauvegarder ce qui fait proprement l'humanité de l'homme.
Ou encore l'idée que la science ne serait pas autre chose qu'une somme désordonnée de savoirs empiriques si elle n'était fondée sur une nécessité inconditionnelle qui en établirait les conditions de possibilités et si elle n'était pas soutenue par un idéal d'unité et de systématicité sans lequel elle serait dépourvue de sens.
L'évidence intuitive n'est pas intuition des principes constitutifs du monde mais un simple sentiment humain susceptible de se modifier avec le temps, et si la géométrie euclidienne a été la première à être élaborée, c'est moins parce qu'elle correspond au réel que parce qu'elle dérive de notre expérience perceptive et qu'en ce sens elle est la convention qui heurte le moins notre vision familière du monde.
Comme le souligne Aristote lorsque nous ne sommes plus dans le domaine du nécessaire mais du contingent les raisonnements ne sont plus analytiques mais dialectiques.
Ainsi en est-il en philosophie où à la différence d'un système formel l'assertion d'une proposition et de sa négation n'a pas valeur de contradiction mais de problème car la richesse du réel autorise des interprétations multiples qui peuvent également avoir valeur de vérité.
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Introduction
S'il est possible de mettre le mythe, la science et la philosophie en
perspective, c'est qu'on s'accorde généralement pour penser qu'ils sont
des formes de discours qui élèvent une prétention commune au sens et
à la vérité.
À première vue, cette prétention n'a rien d'illégitime puisque
la richesse du réel autorise des programmes hétérogènes de vérité qui
ne sont pas réductibles les uns aux autres.
Ainsi l'art dévoile-t-il une
vérité sensible et symbolique aussi rebelle à la généralisation
conceptuelle qu'à la formalisation scientifique et c'est de son
impossibilité à se réduire à l'une comme à l'autre qu'il tire toute
l'originalité de sa démarche.
Selon la formule consacrée, il donne une
forme à l'invisible et une voix à l'indicible en suggérant que le réel
dispose toujours d'une réserve de sens qui déborde les contextes
pragmatiques où nous avons l'habitude de l'enfermer.
Autrement dit,
l'art enrichit notre perception
du monde en montrant qu'il est toujours
plus que ce qu'il paraît.
En ce sens le mythe et la philosophie semblent
nourrir une même ambition, car l'un et l'autre se proposent de dépasser
le monde des apparences pour rendre compte de la totalité de
l'expérience.
Certes, leurs moyens divergent si leur fin les rapproche.
Le mythe unit dans des images ce que la philosophie sépare dans des
concepts, mais l'un et l'autre partagent une même volonté explicative.
Or c'est cette volonté qui fait problème, car à la différence de l'art qui
montre mais ne démontre pas, le mythe et la philosophie ne
se bornent
pas à donner un sens au monde, ils prétendent encore en fonder
l'intelligibilité sur des principes fabuleux pour le premier, mais assez
rationnels pour la seconde pour qu'elle se sente en droit de revendiquer
le titre de science dès lors que de philosophie elle devient
métaphysique.
Mais ce que nous entendons par science paraît n'avoir
rien de commun avec ce que la métaphysique désigne habituellement
sous ce nom ; car la science ne se contente pas d'être un domaine
cohérent de description ; si son discours est vrai c'est qu'il est
inséparable de procédures de vérifications qui supposent des
possibilités de tester, de contrôler et de corriger ses hypothèses qui.
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