Science et religion s'opposent-elles ?
Publié le 06/03/2004
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[Introduction]
La pensée scientifique repousse sans cesse les frontières du connu.
Ce faisant, comme le note le philosopheDominique Lecourt, sa démarche « implique un risque d'erreur» qui « retire donc par principe à cette pensée toutegarantie absolue de certitude».
La pensée religieuse, au contraire, se tourne « vers une vérité préalablementdonnée ».
Elle est profondément animée d'une certitude intérieure, dont témoignent ces mots du Christ : « Tu neme chercherais pas si tu ne m 'avais déjà trouvé.
»A tout le moins, ces deux formes de la pensée sont fort dissemblables.
Mais peut-on aller jusqu'à dire qu'il y aincompatibilité entre science et religion?On les voit parfois s'exclure mutuellement.
S'agit-il d'une véritable incompatibilité entre elles, ou plutôt d'unmalentendu? Nous essaierons dans ce devoir d'examiner à quelles conditions leur accord est possible.
[Partie I.
Le désaccord de la science et de la religion.]
Religieux et scientifiques ne saisissent pas toujours que la connaissance rationnelle et la croyance sont des formesd'esprit différentes, qui, à ce titre, peuvent tout à fait coexister pacifiquement au sein de l'humanité.
La querellesurvient lorsque l'une ou l'autre revendique exclusivement pour elle le domaine de la vérité et ne laisse aucune placepour l'autre forme de pensée.C'est le cas lorsque les vérités révélées, ou théologiques, sont présentées par les religieux comme des véritésscientifiques, comme des faits.
Les dogmes religieux ne sont pas alors seulement objets de croyance, ils se donnentaussi comme objets de connaissance, comme s'ils étaient sur le même plan et de même nature que les véritésscientifiques.
Alors, ces mêmes religieux ne peuvent manquer d'interpréter comme une contradiction avec leur véritéles résultats scientifiques qui ne la confirmeraient pas.Par exemple, on assiste de nos jours à une véritable offensive des courants religieux fondamentalistes (qu'ils soientcatholiques, protestants, islamiques) contre la théorie scientifique de l'évolution, contre les résultats de larecherche géologique ou paléontologique.
Que la terre soit en effet vieille de plusieurs milliards d'années, voilà quin'est pas compatible avec les estimations que l'on peut inférer de la Bible, et selon lesquelles elle aurait été crééepar Dieu il y a quelques milliers d'années seulement.
Que l'univers ait pour origine un big bang semble peu conciliableavec le dogme de sa création divine en quelques jours.
Que l'homme, enfin, soit le produit de transformationssuccessives à partir d'espèces animales, voilà un véritable scandale pour qui croit qu'il a été créé par Dieu à sonimage.Certains religieux en viennent donc à contester, au nom de ces différents dogmes, la véracité des résultats de larecherche scientifique, et leur caractère scientifique lui-même.
C'est sur le terrain scientifique qu'ils se placentapparemment, lorsqu'ils contestent la méthode employée, la valeur des raisonnements et des hypothèses.
La vraiescience est selon eux celle qui s'accorde avec les enseignements de la religion vraie.
Et si les sciences, tellesqu'elles sont faites actuellement par la communauté scientifique, n'apportent pas la confirmation des faits écritsdans la Bible ou le Coran, alors on les déclare fausses, incertaines.Dans ces conditions, le rapport de force est inévitable, car les sciences sont animées par un esprit de vérité soumisaux seules règles de la raison, et ne se soucient pas de corroborer les affirmations théologiques.
Elles ne sont pasmues par le désir de découvrir des vérités compatibles avec les vérités révélées, et c'est donc leur faire violenceque de les soumettre à ces dernières.
Le jugement d'incompatibilité, posé par tous ceux qui font une lecture littéraledes écritures saintes, de certaines découvertes scientifiques avec la religion peut donc déterminer une attitudeanti-scientifique qui assujettit la science aux vérités religieuses.
Ainsi, il y a quatre siècles déjà, Galilée dut serétracter, et affirmer publiquement que la terre ne tournait pas.
Et pourtant,...A l'inverse, il ne manque pas de philosophes pour penser que l'esprit scientifique finira par remplacer les vieillescroyances religieuses.
C'est une autre manière de considérer comme incompatibles sciences et religions.Ainsi, Auguste Comte (philosophe français, 1798-1857) établit une loi sur l'évolution intellectuelle de l'humanité,suivant laquelle l'espèce humaine comme les individus passent par trois âges différents, qu'il nomme théologique,métaphysique et positif.
Le premier, l'âge théologique, correspond au besoin primitif de rechercher avidementl'origine de toute chose, les causes essentielles des phénomènes.
On remonte pour cela jusqu'à une cause première,Dieu.
Le terme de l'évolution del'esprit humain est l'état positif «ou réel».
L'âge positif se caractérise par excellence par l'esprit scientifiquemoderne.
Pour ce dernier, il ne s'agit pas de raisonner à partir de simples idées, de spéculer sur l'existenceindémontrable d'un principe premier et d'une Cause transcendante.
Son principe est le suivant:« Toute proposition qui n 'est pas strictement réductible à la simple énonciation d'un fait, ou particulier ou général,ne peut offrir aucun sens réel et intelligible.
»(Discours sur l'esprit positif, 1844).L'esprit théologique et l'esprit scientifique se succédant dans le temps, le premier doit s'effacer devant le second; lerecours à des causes imaginaires ou transcendantes doit se subordonner à l'observation.
Il n'y a pas de place enmême temps pour l'attitude rationnelle et la conception religieuse du monde.
Là encore, une forme d'esprit estassujettie à une autre.
[Partie Il.
A quelles conditions science et religion sont-elles compatibles?]
Dans le conflit qui oppose science et religion, des solutions de compromis et des tentatives de conciliation existent.Comme le résume Dominique Lecourt, elles « reviennent toutes à délimiter strictement les domaines de certitude dechacune des formes de la pensée».En philosophie, un tel partage fut inauguré par Francis Bacon (1561-1626), dans son oeuvre Novum Organum (1605-.
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