Science et métaphysique (dissertation)
Publié le 07/04/2023
Extrait du document
«
Comprendre signifie saisir par l’esprit, par l’intelligence ou par le raisonnement quelque
chose.
La science et la métaphysique sont deux manières complémentaires de
comprendre la réalité.
Les deux cherchent à expliquer le réel.
La science répond à la
question du comment en définissant les principes, alors que la métaphysique cherche la
structure la plus appropriée pouvant accueillir la ou les vérités scientifiques.
Pour
continuer ce devoir qui s’inscrit dans un cours sur Henri Bergson, nous nous arrêterons
aux définitions qu’il donne de la science et de la métaphysique, ou au moins ce que j’en
ai retenu.
La science est une approche systématique et empirique de la compréhension
du monde naturel tournée vers l’extériorité matérielle.
Elle s'appuie sur l'observation,
l'expérimentation et le raisonnement logique pour découvrir les lois et les principes sousjacents qui régissent l'univers.
La métaphysique est la branche de la philosophie qui
permet, lorsqu’elle est bien employée, de se tourner vers la vie intérieure, le travail sur
soi, pour saisir la réalité objective, dans l’immédiateté de la conscience, au-delà de toute
représentation.
Cette compréhension du réel par la science et la métaphysique est-elle
conforme à l’objet qui doit être saisi ? En d’autres termes nous permettent-elles de saisir
pleinement le réel au-delà des représentations que nous nous en faisons? Afin de
répondre à cette question nous verrons dans un premier temps que la science et la
métaphysique nous permettent de nous rapprocher du réel.
En effet toutes deux
travaillent à proposer des théories de plus en plus robustes, qui nous permettent de lui
donner un sens, de la maîtriser, de l’utiliser à des fins utiles.
Nous devrons cependant
rapidement admettre que cette photo de la réalité ne propose qu’un plan figé d’une réalité
mouvante et ne peut donc pas nous présenter le réel à l’état pur.
Enfin il nous faudra
considérer qu’ au-delà de la science et de la métaphysique c’est notre foi aveugle dans
l’une et/ou l’autre, la pensée arrêtée, immobile qui biaise notre compréhension du réel.
Selon la métaphysique aristotélicienne, la science et la métaphysique nous permettent
par un phénomène d’induction de passer du percept au concept.
C’est-à-dire que grâce
à un phénomène d’abstraction je vais pouvoir passer de l’objet perçu par mes sens à
l’idée de cette chose.
C’est une forme de posture qui me permet de comprendre la réalité
et de passer par exemple de l’objet « poing » au concept de « colère » ou encore de
l’objet « chat » `à celui d’ « affection ».
Selon Aristote le but de la science et de la
métaphysique n’est pas d’atteindre le réel mais de le connaître, de le comprendre en
général.
Et pour atteindre cet objectif le formalisme scientifique est utile, voire même
nécessaire pour comprendre la réalité objective.
Par un niveau d’abstraction de plus en
plus élevé, je vais pouvoir passer de l’abstraction physique, un « livre », à l’abstraction
mathématique, une
« forme géométrique », pour terminer par l’abstraction
métaphysique la « connaissance ».
Grâce à cette induction et ainsi que le soutient Descartes à la fin du Discours de la
méthode, la science et la métaphysique ont l’avantage de « nous rendre comme maîtres
et possesseurs de la nature ».
Le maître et possesseur de la nature voit dans la science
un intérêt pratique.
Elles sont utiles et nous permettent d’avoir un pouvoir sur la réalité :
augmenter l’espérance de vie, améliorer les conditions d’existence, lutter contre la rareté
des ressources.
Ce qui est exprimé ici c’est un rêve de libération de l’homme de l'emprise
d’explications magiques pour comprendre la nature.
Grâce à la science et à la
métaphysique l’homme peut maîtriser son environnement, il démystifie la nature, qui
n'est désormais plus toute puissante.
Cette formule marque le passage de la « Mère
Nature » aux « lois de la nature », qui sont accessibles à l’entendement humain.
Cette
vision du progrès scientifique est bien loin de celle que nous en avons aujourd’hui.
En
effet, aujourd’hui le progrès scientifique fait peur du fait des dérives de ses applications
techniques comme par exemple celles du ChatGPT qui pourrait servir des intentions
malhonnêtes, aider au piratage informatique, influencer l’opinion publique sur des
questions politiques, ou encore compromettre la sécurité des données personnelles.
Pour
Descartes la science et la métaphysique sont au contraire rassurantes.
Elles sont le
fondement d’une science admirable qui doit permettre de presque tout comprendre du
réel.
Elles nous permettent des découvertes de théories de plus en plus robustes dans le
sens où elles corrigent, complètent, améliorent les précédentes et expliquent
logiquement ce qui était jusque-là expliqué par le divin.
Plus tard William James prétendra même dans Le Pragmatisme qu’avec la science et la
métaphysique nous « inventons la vérité pour utiliser la réalité, comme nous créons des
dispositifs mécaniques pour utiliser les forces de la nature ».
Autrement dit un énoncé
est vrai s'il accroît notre emprise sur les choses sans troubler nos vérités acquises.
Henri
Bergson essayant de synthétiser la pensée de William James dans La pensée et le
mouvant prend l’exemple de la vérité « la chaleur dilate les corps ».
Cet énoncé
scientifique rend l’homme efficace dans ses actions futures.
« Si telle ou telle
affirmation relative à un phénomène nous permet de maîtriser ceux qui le suivront ou
même simplement de les prévoir, nous disons de cette affirmation qu'elle est vraie.
Une
proposition telle que "la chaleur dilate les corps", proposition suggérée par la vue de la
dilatation d'un certain corps, fait que nous prévoyons comment d'autres corps se
comporteront en présence de la chaleur ; elle nous aide à passer d'une expérience
ancienne à des expériences nouvelles : c'est un fil conducteur, rien de plus.
La réalité
coule ; nous coulons avec elle : et nous appelons vraie toute affirmation qui, en nous
dirigeant à travers la réalité mouvante, nous donne prise sur elle et nous place dans de
meilleures conditions pour agir.
».
Autre exemple révélateur de cette pensée, le concept
de calorie.
Elles sont un transfert conceptuel pour comprendre le transfert d’énergie.
Ou
encore le concept d’atome.
L’atome, dans l’antiquité, n’avait qu’une utilité pratique.
Il
était une construction de l’esprit pour expliquer ce qui nous dépasse.
Nous l’avons vu plus haut ce que nous prenons pour la réalité est fondé sur des concepts,
des idées, qui elles-mêmes reposent sur des percepts, objets perçus par nos sens.
Or
concepts et percepts ont en commun le fait d’hypostasier la réalité.
Autrement dit la
science et la métaphysique par le biais de l’intelligence, de l’esprit ou encore du
raisonnement, abstractisent, solidifient, figent la réalité par le passage du percept au
concept.
En effet, en superposant des images singulières nous universalisons la nature
changeante du percept pur.
C’est-à-dire que nous universalisons, uniformisons
l’hétérogénéité du réel.
Ce constat laisse sous-entendre
que la science et la
métaphysique par la conceptualisation nous rapprochent de la réalité sans en rendre
pleinement compte.
La science et la métaphysique par le biais cognitif nous conduisent parfois à une
mauvaise interprétation du réel.
C’est-à-dire que certains raisonnements qui nous
semblent évidents, produisent sur nous des effets, qui nous conduisent à des jugements
erronés.
Henri Bergson utilise le paradoxe d’Achille et de la tortue de Zénon d’Elée pour montrer
les limites de l’intelligence humaine à atteindre le réel.
Zénon imagine la course entre
Achille, réputé être un très bon coureur, et une tortue.
La tortue part quelques mètres
devant Achille, et celui-ci doit courir pour tenter de la rejoindre.
Nous aurons tendance
à penser spontanément qu’Achille va rattraper la tortue.
C’est pourtant faux nous dit le
paradoxe.
Achille devra dans un premier temps atteindre le point sur lequel la tortue a
commencé la course.
Mais pendant ce temps, la tortue aura elle-même avancé.
Achille
devra donc une fois de plus atteindre ce nouveau point, temps durant lequel la tortue
aura encore avancé.
Ainsi, et dans l’hypothèse d’une répétition à l’infini de ce
mouvement, Achille se rapprochera infiniment de la tortue sans jamais parvenir à
l’atteindre.
Pour expliciter son propos Henri Bergson donne l’image de la mélodie.
À travers
l’exercice de l’intelligence nous ramenons la mélodie à une partition, un enchaînement
logique de notes déjà connues que nous juxtaposons ensuite afin de maîtriser une réalité.
Cette partition fige la mélodie dans le réel à travers la perception de notes séparées,
spatialisées, comptables.
Penser intelligemment consiste donc à exprimer la mélodie en
fonction de ce qui n'est pas elle, une partition.
C’est ce phénomène de spatialisation de
la durée qui va nous éloigner de la perception pure de la mélodie.
La partition de par son
abstraction devient étrangère à la mélodie dont elle est pourtant issue.
Elle fige une
réalité en devenir, la mélodie, qui ne peut cependant être entendue véritablement que
comme un tout dans l’immédiateté de l’intuition.
L’intuition est un rapport de l’esprit avec lui-même, un retour sur soi dans la simplicité,
dans un état de sympathie avec le monde.
La notion de sympathie est introduite par
Henri Bergson dans la quatrième conférence de la Pensée et du mouvant.
Elle doit être
comprise comme....
»
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