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Schopenhauer sur le bonheur et le désir

Publié le 23/01/2012

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schopenhauer

 

 

Texte étudié :

« La satisfaction, le bonheur, comme l'appellent les hommes, n'est au propre et dans son essence rien que de négatif , en elle, rien de positif. Il n'y a pas de satisfaction qui, d'elle-même et comme de son propre mouvement, vienne à nous , il faut qu'elle soit la satisfaction d'un désir. Le désir, en effet, la privation, est la condition préliminaire de toute jouissance. Or, avec la satisfaction cesse le désir, et par conséquent la jouissance aussi. Donc la satisfaction, le contentement, ne sauraient être qu'une délivra

nce à l'égard d'une douleur, d'un besoin , sous ce nom, il ne faut pas entendre en effet seulement la souffrance effective, visible, mais toute espèce de désir qui, par son importunité, trouble notre repos, et même cet ennui qui tue, qui nous fait de l'existence un fardeau. Maintenant, c'est une entreprise difficile d'obtenir, de conquérir un bien quelconque , pas d'objet qui ne soit séparé de nous par des difficultés, des travaux sans fin , Sur la route, à chaque pas, surgissent des obstacles. Et la conquête une fois faite, l'objet atteint, qu'a-t-on gagné ? Rien assurément, que de s'être délivré de quelque souffrance, de quelque désir, d'être revenu à l'état où l'on se trouvait avant l'apparition de ce désir. Le fait immédiat pour nous, c'est le besoin tout seul, c'est-à-dire la douleur. Pour la satisfaction et la jouissance, nous ne pouvons les connaître qu'indirectement : il nous faut faire appel au souvenir de la souffrance, de la privation passées, qu'elles ont chassées tout d'abord. Voilà pourquoi les biens, les avantages qui sont actuellement en notre possession, nous n'en avons pas une vraie conscience, nous ne les apprécions pas , il nous semble qu'il n'en pouvait être autrement , et en effet, tout le bonheur qu'ils nous donnent, c'est d'écarter de nous certaines souffrances. Il faut les perdre, pour en sentir le prix , le manque, la privation, la douleur, voilà la chose positive, et qui sans intermédiaire s'offre à nous. «

Schopenhauer, Monde comme volonté et représentation

 

schopenhauer

« insatisfaction ? C'est en substance la question que pose implicitement Schopenhauer - et la réponse est évidemment contenue dans cette qu estion purement rhétorique.

Toutefois, c'est par un autre procédé que Schopenhauer nous fait comprendre pourquoi le désir est essentiellement négatif : lorsque nous satisfaisons un désir, ce désir, naturellement, disparaît, et donc avec lui la satisfaction qui en résultait.

Le procédé est ici de type aporétique : nous sommes dans une impasse.

Nous recherchons une satisfaction qui s'évanouit aussitôt que nous l'avons obtenue.

La quête est inutile.

Nous nous épuisons dans une recherche sans objet.

Le philosop he en arrive à la conclusion selon laquelle toute satisfaction est la résultante d'une "délivrance à l'égard d'une douleur, d'un besoin".

Non seulement le désir naît de la douleur, mais encore il n'est finalement que l'expression d'un "besoin" : ici également, Schpenhauer ne s'embarrasse pas de la disctinction classique entre "désir" et "besoin" - le désir relèverait d'une quête en quelque sorte spirituelle, tandis que le besoin, coïncide avec la partie biologique ou physiologique du fonctionnement de notre corps.

Le besoin est ce qui nous lie à la partie naturelle animale de nous -même : comme les animaux, nous avons besoin de manger, de boire, de nous protéger des dangers extérieurs, de posséder un habitat, pour survivre.

Le besoin serait donc lié à la surv ie, tandis que le désir serait lié à la vie, au sens noble du terme : nous accédons à la vie authentique lorsque nous avons satisfait tous nos besoins.

Schopenhauer, pour définir le désir, livre à la fin de ce premier moment du texte une précision supplém entaire : le désir n'est pas seulement une souffrance, il est encore ce qui peut troubler "notre repos"; il peut être aussi "l'ennui, qui nous fait de l'existence un fardeau".

Le désir revêt donc plusieurs facettes, toutes également négatives.

Le désir est un tourment, il nous arrache à la sérénité à laquelle nous prétendons.

Il est un trouble.

Mais il est aussi, de manière presque opposée, ce qui nous plonge dans la torpeur.

A l'opposé du trouble en effet, ou de l'agitation qui menace notre tranquillité, i l y a l'ennui, qui nous installe dans un état léthargique.

Agitation quasi névrotique d'un côté, pourrait-on dire, ou désoeuvrement pathologique et mortifère, qui ne ressemble en rien à l'"ataraxie" des Epicuriens : voilà quels sont les états dans lesquels nos désirs nous plongent.

Partie II Mais ce n'est pas tout : la poursuite d'un bien est en elle- même épuisante.

Nous travaillons vainement à acquérir des biens en eux -mêmes quasiment inaccessibles.

Quand bien même nous finirions par les atteindre, ils sont de toute façon en eux -mêmes incapables de nous procurer la satisfaction que nous en attendions.

C'est une grande et forte illusion que dénonce Schopenhauer à travers l a critique du désir qu'il établit; l'argumentation qu'il développe vise à nous débarrasser de cette illusion.

Les biens que nous recherchons ne sont pourtant jamais définis.

En effet, de quoi s'agit-il ? Nous l'ignorons.

S'agit -il de désirer la gloire, les honneurs, l'argent, la possession d'une femme, la santé, une maison luxueuse, des me ts raffinés, des boissons exquises ? S'agit-il de désirs naturels et nécessaires (ceux qui correspondent à des "besoins", et qui doivent être satisfaits), de désirs naturels non nécessaires (boire du vin et non d e l'eau, ou manger plus que notre corps n'en a besoin), ou de désirs non naturels et non nécessaires (la richesse et les honneurs) ? Epicure en effet, dans la "Lettre à Ménécée" hiérarchisait les désirs en en établissant trois sortes - afin de montrer, principalement, que tous les désirs n'avaient p as à être satisfaits - qu'il en existait de nobles et de moins nobles.

Pour Schopenhauer, tous les désirs sont négatifs, pour la simple raison que la réalisation d'un désir ne peut jamais correspo ndre à un avantage ou à un gain.

Nous sommes toujours perdants.

Nous revenons toujours à "l'état où l'on se trouvait avant l'apparition de ce désir".

Nous savons par avance que tous nos efforts pour obtenir les biens convoités seront vains.

A quoi bon s'agiter ? Nous en sommes finalement réduits à une seule expérience, à un "seul fait immédiat" : celui du "besoin", c'est -à -dire de la "douleur".

Pour ce qui concerne leurs contraires, la "satisfaction et la jouissance", nous ne serons jamais en présence d'un "fait immédiat", mais tout au co ntraire d'un fait, en quelque sorte, "médiat" : c'est en effet "indirectement", c'est -à -dire de façon médiate, par l'intermédiaire de quelque chose d'autre, que nous accédons à la satisfaction ou à la jouissance.

Nous pouvons alors, à ce stade, imaginer que nous pourrions quand même y accéder, même indirectement.

Mais il n'en est finalement pas question, puisque cette médiation correspond en fait au "souvenir de la souffrance".

C'est par l'intermédiaire de ce souvenir que nous accédons au bonheur.

Autrement dit - et Schopenhauer réaf firme à la fin de ce second paragraphe la thèse annoncée au début de cet extrait -, c'est par la médiation de la souffrance que nous pouvons prétendre atteindre la jouissance.

Partie III Ce troisième moment du texte correspond à la conclusion à laquelle conduit la thèse suivante : les désirs sont essentiellement négatifs, et privés de toute positivité.

Les désirs ôtent la satisfaction qu'ils sont censés nous apporter, par le mécanisme qu'a précédemment décrit Schopenhauer.

Le négatif engendre le positif, lequel ne peut être compris lui -même que comme résidu d'une négativité.

S'il existe une positivité du désir, c'est dans un résultat, qui correspond à une sorte de bénéfice secondaire.

Celui -ci s'apparente malgré tout à une sorte de satisfaction, à un ersa tz de plaisir : le seul bonheur auquel nous pouvons prétendre, c'est celui que nous procure la cessation d'une souffrance.

Nous ne devons pas, en d'autres termes, tenter de trouver un plaisir ou un bonheur en tâchant d'être en bonne san té, laquelle correspondrait à un état positif.

Il ne faut pas, dans cet exemple, tenter de mobiliser certaines forces ou de mettre en oeuvre certaines stratégies afin d'y parvenir, en mangeant moins, en cessant de fumer, en pratiquant un sport; nous devons au contra ire attendre ce bonheur en fonction d'un état négatif, celui de la maladie.

Malades, nous pourrons trouver un certain bonheur en cessan t de l'être et en recouvrant la santé.

Pour être heureux, toujours dans le cadre de cet exemple, il ne faut donc pas désirer vainement la santé, ou la conservation de celle-ci, mais désirer que cessent les souffrances liées à la maladie.

On peut à travers cette illustration comprendre la phrase suivante : "Voilà pourquoi les biens, les avantages qui sont actuellement en notre possessi on, nous n'en avons pas une vraie conscience, nous ne les apprécions pas".

Nous sommes, de toute façon, incapable de donner une positivité quelconque au fait d 'être en bonne santé.

Nous n'avons en fait conscience de cette bonne santé qu'à travers l'expérience de la maladie, c'est-à -dire de la souffrance.

Nous ne pouvons pas considérer une bonne santé comme un état positif, puisqu'elle n'est que la conséquence du passage d'un ét at négatif à un état qui ne l'est plus.

Autrement dit, seule la souffrance peut nous faire apprécier la jouissance.

Il n'existe de plaisirs, en tant que tels, que ceux qui résultent de l'absence de douleurs.

Schpenhauer insiste finalement sur ce fait : de manière très paradoxale, seuls "le manque, la privation, la douleur" peuvent être considérés comme des biens authentiques.

Evidemment, il ne s'agit pas de nous mobiliser pour désirer ces biens.

Il s'agit tout simplement de comprendre que la souffrance, le malheur sont à la base de not re existence, et constituent le lot de la condition humaine.

Parce qu'ils nous sont donnés "sans intermédiaire", autrement dit parce qu'ils sont immédiats, parce que nous n'avons pas oeuvré pour les obtenir, et nous ont dispensé d'efforts inutiles, ils sont en cela positifs.

En tenant compte de cette donnée, nous souffrirons beaucoup moins que ceux s'imaginent pouvoir être heureux en cherchant à satisfaire leurs désirs.

Discussion de la thèse de l'auteur Plan dialectique Le désir : la satisfaction d'un manque.

La définition du désir comme "recherche d'un manque", tel que le définit Schopenhauer dans ce texte, est classique dans l'histoire de la. »

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