Schopenhauer, Le Monde comme volonté et représentation, Livre IV
Publié le 19/03/2014
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« Entre les désirs et leurs réalisations s'écoule toute la vie humaine. Le désir, par nature, est souffrance; la satisfaction engendre rapidement la satiété : le but étant illusoire, la posses-sion lui ôte son attrait; sous une forme nouvelle renaît le désir, et avec lui le besoin : dans quoi, c'est le dégoût, le vide, l'ennui, adversaires plus rudes encore que le besoin.
Quand le désir et sa satisfaction se succèdent à des intervalles qui ne sont ni trop longs, ni trop courts, la souffrance, produit commun de l'un et de l'autre, baisse à son niveau le plus bas : et c'est là la plus heureuse vie. «
Schopenhauer, Le Monde comme volonté et représentation, Livre IV (1818), traduit par A. Burdeau, PUF, 1992.
L'homme oscille entre la souffrance et l'ennui
Schopenhauer constate que de toutes les formes de vie, c'est la vie humaine qui est la plus douloureuse et celle-ci « oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souf¬france à l'ennui «. Souffrance quand le désir n'est pas satis¬fait,
«
vie? l'espoir d'une vie meilleure? Ou tout simplement la
peur de la mort, qui est toujours là,« quelque part cachée»,
prête à se manifester à tout instant? La vie n'est-ell' pas, au
fond, une fuite continuelle devant cette même
mOi:t que
nous désirons parfois, qui nous attire irrésistiblement?
1 Comment se libérer de la tyrannie des désirs
L'intérêt de ce texte réside dans l'affirmation que toute la
souffrance que l'homme assume sur lui, est, au fond, le
résultat de cet effort incessant qui n'est autre que la volon
té de vivre.
C'est ce
Vouloir qui est à l'origine des innom
brables besoins de l'homme.
Si l'homme souffre, c'est donc
avec justice, pourrait-on dire, tant qu'il est identique à cette
volonté.
Y-a-t-il des moyens de
se libérer du Vouloir omni
présent? Au livre IV
du Monde, Schopenhauer nous indique
la voie.
Ce sont les fameuses trois étapes de la régéné
rescence spirituelle par détachement progressif
du « vouloir
vivre
» : l'art contemplatif, la morale de la pitié, et enfin
l'oubli total du Vouloir, atteint dans le nirvana.
Dans cet
itinéraire,
la joie de l'artiste ou celle de la contemplation
désintéressée de l'œuvre
d'art est toute négative.
Le plaisir
n'est pas de jouir
d'une œuvre mais de ne plus souffrir,
grâce à elle, de
sa propre volonté.
De même, la morale de
la pitié invite à une communion avec autrui qui permet de
transcender
sa vo l onté individuelle.
Enfin, le nirvana est le
détachement suprême, le moment suprême où la volonté se
retourne contre elle-même, état d'abnégation volontaire,
d'arrêt absolu de
tout vouloir.
L'homme qui réussit à nier
ce Vouloir qui est négatif atteint le ravissement et une jouis
sance libérée de
la tyrannie des désirs.
1 La voie proposée par Schopenhauer est
l'expression
du ressentiment
Il y a bien, dans cette possibilité affirmée de se libérer de
sa volonté, de se retourner même contre elle, un certain
optimisme chez Schopenhauer.
Mais dans cette vision de
la
libération, on retrouve les vertus chrétiennes d'ascèse et de
sacrifice.
Nietzsche ne manquera pas de voir, dans
l'esthé
tique
et la morale de Schopenhauer, l'expression du ressen
timent qui caractérise déjà
le judéo-christianisme •
21.
»
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- Arthur Schopenhauer "Le désir, de sa nature, est souffrance ; la satisfaction engendre bien vite la satiété ; le but était illusoire ; la possession lui enlève son attrait ; le désir renaît sous une forme nouvelle, et avec lui le besoin ; sinon, c'est le dégoût, le vide, l'ennui, ennemis plus rudes encore que le besoin." > Arthur Schopenhauer, Le Monde comme Volonté et comme représentation (1819-1859), livre IV, § 57, trad. A. Burdeau, PUF, p. 396. Commentez cette citation.
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