Savoir et pouvoir.
Publié le 15/09/2014
Extrait du document
«
bien plus exigeant, lui qui voulait comprendre l'action même
de ces
causes: " Pour la physique, écrivait-il au P.
Mersenne,
je
croirais n'y rien savoir, si je ne savais que dire comment les
choses peuvent être, sans démontrer qu'elles ne peuvent être
autrement ,, (1).
Cette connaissance des rapports nécessaires,
caractéristique de
l'authentique savoir, n'est p8s impliquée dans
le pouvoir, tant s'en faut: à en croire J.
Rostand, "à proportion
que la science
élargit son pouvoir, elle se tient moins assurée
de son savoir
,, (2).
Que si nous passons du pouvoir sur les choses au pouvoir
sur les hommes et sur nous-mêmes, la réalité d'un pouvoir qui
ne
doit rien à un véritable savoir est plus indiscutable encore :
il
est une autorité naturelle et un don du commandement, une
sorte de sens
psychologique joint à l'art de se faire agréer,
qui ne
doivent rien à ce qu'on apprend dans les cours et dans
les livres.
On ne peut donc pas dire que tout pouvoir est conditionné
par
un savoir.
B.
Inversement, il y a diverses sortes de savoir qui ne pro
curent
pas eux-mêmes de pouvoir.
C'est le cas du savoir des
spécialistes des langues mortes et plus généralement des philo
logues ou de ceux qui possèdent des connaissances littéraires
fort étendues.
L'histoire peut bien servir à l'action politique;
mais l'historien lui-même ne tire pas des résultats de ses recher
ches un pouvoir particulier.
Les mathématiques, données, non
sans raison, comme le
type même du savoir, sont bien devenues
l'instrument universel des sciences qui augmentent le pouvoir
de
l'homme; mais, prises en elles-mêmes, elles ne procurent
pas un pouvoir particulier à celui qui consacre sa vie à les
étudier.
C.
Enfin, même lorsqu'il le conditionne, le savoir ne se
transforme
pas de lui-même en pouvoir.
Sans doute, l'homme
qui sait peut plus que l'ignorant, mais à science égale les
capacités d'action peuvent être fort inégales.
En effet, le savoir
abstrait et théorique doit être adapté aux situations concrètes
et pratiques.
Or cette faculté d'adaptation est un don naturel
que l'expérience peut
développer: il ne s'apprend pas comme
une
formule de chimie.
L'observation vaut dans
les activités qui supposent des
connaissances étendues dans le domaine des sciences de la
(1) Œuures, III, p.
39.
(2) Pensées d'1m biologiste, p.
139..
»
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