Saint Augustin: Lorsqu'on déclare voir l'avenir…
Publié le 26/03/2005
Extrait du document
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La suite répond à une objection implicite que l'on pourrait formuler ainsi : “ Pourtant nous croyons bien que lefutur est là, j'ai bien l'impression que lorsque je regarde l'aurore, c'est comme si je pouvais voir ce qui vasuivre, le lever du Soleil ”.
Certes, répond l'auteur, nous croyons le voir, mais c'est parce que nous saisissonsune image mentale de ce qui doit se produire.
Cette image mentale correspond à ce que le signe annonce.
Eneffet, quand nous pensons que telle chose est le signe d'une autre, il suffit que nous percevions le signe de lapremière pour que nous rappelions à notre souvenir l'image de la seconde.
Cette image, qui est seulementrappelée à l'imagination, est bien perçue directement, et sans cette deuxième perception, je ne pourrais pasprédire l'avenir.
La dernière phrase du paragraphe précédent s'éclaire : ce que nous “ voyons en nous-mêmes”, ce sont ces images.Cependant, ni le signe perçu (l'aurore), ni l'image mentale (l'image que je porte dans mon esprit), ne doiventêtre confondus avec l'événement lui-même : le Soleil, quand il se lève, ne se lève pas dans mon esprit, maissur le monde lui-même.
Aurore et lever du Soleil sont présents, je peux les “ voir ”, et à partir cette double “vision ” projeter l'avenir.
En revanche, l'événement réel du soleil qui se lève n'est pas encore devant mes yeux.À la fin de ce deuxième paragraphe, la première zone d'ombre est dissipée, je sais exactement ce que je voislorsque je prédis l'avenir.
Il ne s'agit aucunement de l'événement lui-même, contrairement à ce que pourraitpenser un voyant, mais seulement la conjonction d'un signe et d'une image mentale.
La seconde zone d'ombredemeure : pourquoi insister ainsi sur le verbe “ être ” ?
3.
Ce qui n'est pas ne saurait se voir (“ L'avenir n'est donc ...
et qui se voient.
”)La dernière phrase du texte, si elle en est la conclusion, est aussi l'occasion d'une dernière explication.
Il s'agitd'approfondir encore la définition de ce qui est présent.
Nous savons que ce qui est présent, c'est ce qui estdevant nos yeux.
Mais l'image mentale n'est pas à proprement parler devant nos yeux, elle est directementperçue en notre esprit.
On doit donc élargir la définition de ce qui est présent.L'auteur indique alors que le présent a un double sens : il désigne certes ce qui est actuel, au sens temporel,mais il désigne aussi ce qui existe, au sens de la réalité.
Nous savons que le futur n'est pas présent (au senstemporel), il “ n'est pas encore ”.
Mais si “ présent ” signifie “ existant ”, alors “ n'être pas encore ”, signifie “ne pas être du tout ” (s'il n'est pas encore, il n'est pas).Cette dernière définition de ce qui est présent permet de réfuter définitivement ceux qui croient voir l'avenir,au moyen de cet argument : comment pourrait-on voir ce qui n'existe pas ? (“ s'il n'est pas, il ne peutabsolument pas se voir ”).Par conséquent, l'avenir n'est que le résultat d'une opération à laquelle nous nous livrons, à partir de ce quiexiste, en anticipant sur ce qui doit exister.
ConclusionL'intérêt philosophique de ce texte peut à présent être dégagé : la définition rigoureuse du présent, commeétant à la fois ce qui est actuel et ce qui existe, permet de montrer que l'événement futur n'existe pas, il estsimplement anticipé.
Cet argument permet de comprendre que le temps lui-même est une production de notreesprit, et ne correspond à rien dans les choses elles-mêmes, pour qui il n'y a qu'existence ou non-existence.
Letemps s'explique par le fonctionnement de notre esprit, qui investit l'avenir de toutes ces images suscitées enlui par la perception des signes..
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