Russel, Problèmes de philosophie
Publié le 16/09/2018
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«La valeur de la philosophie doit en réalité surtout résider dans son caractère incertain même. Celui qui n’a aucune teinture de philosophie traverse l’existence, prisonnier de préjugés dérivés du sens commun, des croyances habituelles à son temps ou à son pays et de 5 convictions qui ont grandi en lui sans la coopération ni le consentement de la raison.
Pour un tel individu, le monde tend à devenir défini, fini, évident; les objets ordinaires ne font pas naître de questions et les possibilités peu familières sont rejetées avec mépris. Dès que nous commençons à 10 penser conformément à la philosophie, au contraire, nous voyons, (...), que même les choses les plus ordinaires de la vie quotidienne posent des problèmes auxquels on ne trouve que des réponses très incomplètes. La philosophie, bien qu’elle ne soit pas en mesure de nous donner avec certitude la réponse aux doutes qui nous assiègent, peut tout de même 15 suggérer des possibilités qui élargissent le champ de notre pensée et délivre celle-ci de la tyrannie de l’habitude. Tout en ébranlant notre certitude concernant la nature de ce qui nous entoure, elle accroît énormément notre connaissance d’une réalité possible et différente; elle fait disparaître le dogmatisme quelque peu arrogant de ceux qui n’ont jamais 20 parcouru la région du double libérateur, et elle garde intact notre sentiment d’émerveillement en nous faisant voir les choses familières sous un aspect nouveau. »
A. Sans philosophie, on reste prisonnier du sens commun
Russel lève immédiatement l'ambiguïté dans la deuxième phrase: il ne s'agit pas de ne croire en rien, mais de dénoncer les croyances liées aux habitudes du sens commun, c'est-à-dire les croyances qui sont inscrites dans un temps et un espace (un «pays») déterminés. La philosophie entend au contraire approuver ses affirmations par la «raison», faculté de produire des jugements qui peuvent être universaux. Celui qui n'a donc jamais goûté à la philosophie reste rivé à ses particularités, et donc demeure «prisonnier de préjugés», opinions imposées par l'époque et le lieu.
B. Vivre sans philosophie, c'est vivre sans questionner le quotidien
Le second paragraphe (de «Pour un tel individu» à «des réponses très incomplètes») oppose le non-philosophe (non pas celui qui n'est pas philosophe mais celui qui n'a jamais côtoyé la philosophie) au philosophe par la capacité à se poser des questions sur les choses les plus ordinaires. Le non-philosophe conçoit le monde sous le signe de l'évidence.
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