ROUSSEAU: Sentiment et désir de justice
Publié le 28/04/2005
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Suis-je assuré d'être toujours animé par un authentique sentiment ou désir de justice ? Au-delà des nobles déclarations d'intention, n'est-il pas possible que mon attitude change dès que mon intérêt personnel entre en jeu ? C'est ce qu'affirme ici Rousseau, avant d'indiquer qu'une telle attitude peut mener à une authentique « méchanceté «, c'est-à-dire à une position dans laquelle toute notion de justice se trouve radicalement bafouée, dès lors que disparaît toute réciprocité dans les relations avec autrui et dans les attentes que l'on exprime à son égard.
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Ainsi décrit, ce « méchant » n'a en fait rien d'exceptionnel : il est seulement l'aboutissement de ce que fait chacunen préférant le mal qui lui profite, au bien qui lui coûterait quelque effort ou sacrifice.
C'est bien n'importe quelhomme qui, animé par son intérêt, exige que les autres agissent dans son sens, tout en se gardant bien de songer àlui-même respecter la justice.
[III.
Justice et réciprocité]
Ce qui caractérise le « méchant », c'est, globalement, la non-réciprocité des situations qu'il privilégie : créditeurdans un monde de débiteurs, non vertueux dans un univers de vertu, injuste (qui se veut) entouré de justes.
Cettenon-réciprocité est dans la suite de l'inégalité naturelle, dans laquelle Rousseau voit la source de toutes les autresformes d'inégalités : du fort au faible, il n'y a pas davantage de réciprocité, pourvu que le fort ne pense qu'à sonintérêt.Dès lors, il apparaît que la justice ne peut être attendue de la nature elle-même.
Seules pourront l'instaurer des lois,dans la mesure où ces dernières s'adressent de la même façon à tous les hommes et établissent ainsi une formeradicale d'égalité.
Pour sa part, le « méchant » conteste l'idée même de loi puisqu'il met en cause l'idée d'universalitéd'une conduite : tout le monde doit agir de telle ou telle façon, sauf lui.
Se concevant comme en dehors de lanorme, il pervertit la notion même de norme en y incluant son exception.
Si l'on admet que le « méchant » n'est quele prolongement de tendances présentes en tout homme, on en vient à considérer qu'il y a dans tout individu nonencore soumis à la loi la source d'un rejet de l'universel.Par ailleurs, la loi, par définition, est indifférente à l'intérêt individuel.
En ce sens, elle est forcément toujours «droite », comme pourrait l'être le coeur de l'homme si l'intérêt ne venait pas en corrompre les effets : à sa façon, laloi est ce qui doit se substituer au coeur.Il n'y faut qu'une condition : que l'on parvienne à garantir que la justice qu'elle pourra mettre en place sera conçueindépendamment de toutindividu, et de tout pouvoir de décision individuel.
La loi doit donc émaner de tous, de la volonté de tous, autrementdit de ce que Rousseau nomme la « volonté générale ».
[Conclusion]
Ce qu'affirme ici Rousseau ne trouve de solution que dans une approche politique du problème : c'est dire à quelpoint la morale et la politique sont liées dans sa réflexion.
Si, en effet, le « méchant » croit pouvoir se considérercomme en dehors de l'humanité ordinaire, ce n'est qu'en redéfinissant celle-ci comme ordonnée par la loi et par laréciprocité qu'elle implique, que son exclusion, au lieu d'être implicitement affirmée par lui-même, se transforme ensanction..
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