ROUSSEAU: Malheur a qui n'a plus rien a desirer !
Publié le 27/04/2005
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questions indicatives • Comment comprendre cette affirmation paradoxale « l'homme n'est heureux qu'avant d'être heureux « ? La conscience commune ne pense-t-elle pas que le bonheur consiste dans la satisfaction immédiate de tous ses désirs ? L'idée du bonheur est-elle supérieure à la réalité dont elle est le signe ? à sa réalisation ? • Pourquoi la chose désirée procure-t-elle plus de jouissance que la chose possédée ? • Quelle est cette « force consolante « que l'homme a a reçu du ciel ? • Pensez-vous que l'on puisse définir l'homme comme étant essentiellement un être de désir ? (Cf. Hegel). • Croyez-vous que Rousseau fasse ici l'apologie du manque, de l'insatisfaction ?

«
à se changer lui-même parce qu'il est un être de désir, c'est-à-dire un are éternellement insatisfait ? Que manque-t-il à l'homme pour qu'il désire tant ?
«Malheur à qui n'a plus rien à désirer » (l.
1), déclare Rousseau la phrase sonne comme une sentence et une mise en garde.
Or elle semble heurter le sens commun.
En effet, le désir est généralement considéré comme le moment quiprécède la satisfaction, moment fait d'angoisse mais aussi de doute car tant qu'on n'a pas obtenu ce qu'on désirait,on n'a rien et on est donc, sinon malheureux, tout du moins dans l'attente d'un bonheur à venir.
Ce sens communest hérité de l'étymologie du mot « désir».
«Désir» vient en effet de « desiderare » en latin, qui signifie « le regretde l'absence du ciel étoilé », l'avenir étant lu dans les étoiles, alors, par certains devins.
Or Rousseau nous prédit lemalheur non pendant le désir, ce qui s'accorderait avec l'idée d'angoisse et d'attente contenue dans le mot « désir», mais au contraire malheur si l'on « n'a plus rien à désirer » (l.
1) Il faut donc comprendre que le bonheur est dansle désir.
Comment expliquer ce paradoxe ? La phrase suivante propose une première explication celui qui n'a plus rienà désirer « perd (...) tout ce qu'il possède» (l.
1-2).
Le paradoxe semble s'accroître: car que peut perdre celui quidésire, c'est-à-dire celui qui ne possède pas encore ce qu'il souhaite ? Apparemment, il ne peut rien perdre.
Plusencore, on pourrait penser que celui qui n'a plus rien à désirer est ainsi libéré de tout désir, de toute attente, detoute angoisse quant à l'obtention de ce qu'il désire : il devrait non pas perdre mais gagner en bonheur, enindépendance et en liberté...
Les lignes suivantes fournissent un complément d'explication.
(On remarque à cepropos que Rousseau s'explique non pas de manière directe mais par le biais d'une suite de phrases qui contribuent àinstaller une logique sous-jacente.) « On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère » (l.
2):
Rousseau a bien en vue la notion de jouissance, qui peut s'apparenter an plaisir.
Mais cette jouissance,curieusement, ne vient pas avec l'obtention, « on obtient » (l.
2) de ce qui était désiré mais elle surgit avecl'espérance « on espère » (l.
2), c'est-à-dire lors de l'attente qui caractérise le désir de quelque chose ou dequelqu'un.
Ainsi, Rousseau semble privilégier seulement le sens optimiste de l'étymologie du mot « désir», c'est-à-dire l'attente emplie d'espoir.
Le sens pessimiste associé aussi à l'étymologie du mot, avec l'idée d'angoisse,n'apparaît pas.
Jean-Jacques serait-il un optimiste né, un optimiste à toute épreuve?!
Il affirme, dans la suite logique de ce qui précède, que « f on n'est heureux qu'avant d'être heureux » (L .
2-3),c'est-à-dire que le véritable bonheur n'est pas celui que l'on croit, à savoir le bonheur lors de l'obtention de ce qui aété désiré ; le véritable bonheur est dans l'attente, pleine d'espérance, c'est-à-dire dans le désir
Ceci appelle au moins deux remarques d'ordre logique.
Tout d'abord, il e bien fallu que Rousseau fasse au moins unefois dans sa vie l'expérience du désir puis, de la concrétisation de ce désir, c'est-à-dire qu'il a bien fallu qu'ilobtienne au moins une fois dans sa vie ce qu'il désirait pour pouvoir, de la sorte, nous affirmer que le moment del'obtention était finalement un moment moins heureux que le moment de l'attente, c'est-à-dire le moment du désir.La théorie que nous propose Rousseau est une théorie issue manifestement d'une expérience personnelle: ce nesont pas de purs principes qui la sous-tendent.
Ensuite, seconde remarque d'ordre logique mais sous forme dequestion il a bien fallu que son expérience se soit soldée par un résultat qu'il a jugé.
Il a obtenu ce qu'il désirait,donc son désir a été exaucé au moins une fois dans sa vie (Jean-Jacques n'est pas un homme absolument frustré...): mais cette concrétisation a-t-elle été une bonne on une mauvaise expérience ? Ce fut une bonne expérience(logiquement parlant) au sens où ce fia le réalisation de son désir, mais ce M peut-être une mauvaise expériencepuisque.
rétrospectivement, il nous affirme que le vrai bonheur a été celui de l'attente.
Alors : Jean-Jacques est-ilun éternel insatisfait ou bien serait-il vrai que le véritable bonheur est dans le désir et non dans la réalisation dudésir?
Dernière remarque: s'il s'avère que le vrai bonheur est dans le désir et non dans sa réalisation, ceci semble tellement aller à l'encontre du sens commun que ce ne sera une vérité que pour ceux qui l'auront éprouvée, c'est-à-dire pour ceux qui auront vraiment expérimenté le désir, sa réalisation, et qui se seront donnés la peine de comparerles deux moments afin de s'être rendus compte de ce phénomène pour le moins paradoxal.
Les ligues qui suiventnous proposent la comparaison de ces deux moments ; leur portée, par ailleurs, est très générale (Rousseau évoque« l'homme ») : il s'agirait donc non pas d'un sentiment propre à l'auteur mais d'une vérité universelle...
Rousseau s'explique «En effet, l'homme avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir » (l.
3-4) : il faut comprendre cette phrase de la sorte : l'homme est ainsi fait qu'il est avide, borné et finalement jamais satisfait.
Ilserait donc dans la nature de l'homme, de ses instincts ou de sa génétique, d'être avide, c'est-à-dire de vouloir toutavoir et d'être borné, c'est à dire d'être limité dans la conception de son vouloir.
Par borné, il ne faut pascomprendre que l'homme est intelligent mais plutôt que le domaine d'expression de sa volonté est restreint ; par quoi? La suite du texte nous permettra peut-être d'y répondre.
Il est aussi dans la nature de l'homme de « tout vouloir»(l.
3-4) (on retrouve son avidité fondamentale) et de « peu obtenir» (l.
4).
Cette dernière caractéristique semblemoins évidente, tout d'abord parce qu'elle est en contradiction avec les précédentes : si l'homme est fait pour toutvouloir, cornent se fait-il qu'il n'obtienne pas ce qu'il désire? Est-ce dû à sen état de bêtise originelle (l'homme seraitné stupide) ou bien à une malédiction d'origine divine peut-être ? La suite du texte, qui évoque « une forceconsolante » (l.
4) venue « du ciel » (l.
4) ne semble pas accréditer cette idée de malédiction qui viendrait de Dieupuisque, justement, ce Dieu a donné à l'homme une « force consolante » (l.
4).
On ne voit pas bien quelle logique ily aurait à ce que d'une part Dieu maudisse le genre humain et d'autre part le console...
L'idée que l'homme obtient peu trouve peut-être son origine dans la mythologie grecque selon laquelle l'homme estun être nu, sans griffes, ni cornes, ni carapace, ni fourrure et qui ne doit sa survie qu'au feu et à l'intelligenceindustrieuse (l'intelligence technique), deux choses qui auraient été volées aux dieux (voir te mythe d'Épiméthée,.
»
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