ROUSSEAU, Lettre à d'Alembert sur les spectacles
Publié le 11/10/2013
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C'est une réponse à l'article "Genève" de l'Encyclopédie, dans lequel d'Alembert, inspiré par Voltaire, demandait l'établissement d'un théâtre à Genève où, depuis Calvin, les représentations étaient interdites. Rousseau répond en présentant son point de vue sur le théâtre. Selon lui, la tragédie est condamnable, parce qu'elle excite les passions, et la comédie parce qu'elle ridiculise la vertu. En outre, les comédiens, dont les mœurs sont dépravées, offrent un exemple déplorable aux honnêtes citoyens. Rousseau s'oppose encore une fois à Voltaire, lui-même auteur dramatique, et à Diderot qui a élaboré le drame bourgeois. L'une des cibles principales de sa critique est Le Misanthrope de Molière : la vertu ridiculisée aux yeux du public mondain. On ne peut s'empêcher de penser à Rousseau, si mal à l'aise dans les salons et si maladroit dans les conversations mondaines… Je trouve que cette comédie nous découvre mieux qu'aucune autre la véritable vue dans laquelle Molière a composé son théâtre, et nous peut mieux faire juger de ses vrais effets. Ayant à plaire au public, il a consulté le goût le plus général de ceux qui le composent : sur ce goût, il s'est formé un modèle, et sur ce modèle un tableau des défauts contraires, dans lequel il a pris ses caractères comiques, et dont il a distribué les divers traits dans ses pièces. Il n'a donc point prétendu former un honnête homme, mais un homme du monde, par conséquent il n'a point voulu corriger les vices, mais les ridicules ; et, comme j'ai déjà dit, il a trouvé dans le vice même un instrument très propre à y réussir. Ainsi, voulant exposer à la risée publique tous les défauts opposés aux qualités de l'homme aimable, de l'homme de société, après avoir joué tant d'autres ridicules, il lui restait à jouer celui que le monde pardonne le moins, le ridicule de la vertu : c'est ce qu'il a fait dans Le Misanthrope. La Lettre à d’Alembert, publiée en 1758 par les soins de M. M.Rey, a longtemps été considérée comme un simple écrit de circonstance donnant réponse à l’article Genève de d’Alembert paru dans le volume VII de l’Encyclopédie. On devrait bien plutôt y voir un précipité de la pensée de Jean-Jacques Rousseau liant ...
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l'Encyclopédie.
On devrait bien plutôt y voir un précipité de la pensée de Jean-Jacques Rousseau liant indissolublement
politique, morale et esthétique.
C'est cette unité qui constitue le motif d'insistance de ce recueil de dix articles
publié sous la direction de Blaise Bachofen et Bruno Bernardi, également rédacteurs d'une longue introduction.
La Lettre à d'Alembert fut écrite dans la fièvre entre Février et Mars 1758, Rousseau ayant été piqué à vif par
l'intervention de son ancien ami dans les affaires politiques genevoises.
Sa réplique est l'occasion d'une mise
en branle passionnée de la totalité de sa pensée.
C'est ce que rappelle Jacques Berchtold qui articule cet écrit à
l'ensemble du système rousseauiste.
La Lettre n'est pas étrangère à son anthropologie et peut être considérée
comme le dernier volet d'un triptyque comprenant les Discours de 1750 et 1755 dont les résonnances
s'étendent jusqu'aux dialogues de Rousseau juge de Jean-Jacques écrits entre 1772 et 1776.
En effet, la Lettre
pourrait être elle-même le lieu d'un dédoublement où « l'ami d'Alembert » figurerait le « Rousseau
encyclopédiste » avec lequel Jean-Jacques règlerait ici ses comptes.
Florent Guénard s'attache plus
précisément à la querelle qui a opposé Rousseau et d'Alembert pendant près de dix ans (1750-1759) sur la
question de la civilisation et des moeurs ouverte par la publication du premier Discours et s'achevant avec la
Réponse de d'Alembert à la lettre sur les spectacles.
Rousseau s'est employé à renverser les arguments de son
ancien ami en montrant notamment que le théâtre dévalorise les plaisirs naturels et introduit un goût décadent
pour le luxe et la distinction dans les moeurs.
Loin de contribuer au progrès de la civilisation, le théâtre
moderne en accélère bien plutôt la corruption.
Les hommes y viennent applaudir à leurs propres désordres.
La
contribution suivante, écrite par Blaise Bachofen, porte sur la fonction politique du théâtre.
Son auteur dresse
un parallèle tout à fait éclairant entre le projet du Contrat social par lequel Rousseau se propose de rechercher
les principes qui fondent le droit politique et le projet de la Lettre à d'Alembert où il cherche à fonder les
principes du droit poétique.
Le théâtre est politique parce qu'il est chose publique.
Toutefois il est dans
l'incapacité de renforcer le sentiment d'appartenance communautaire même s'il voulait s'y essayer.
La raison
en est qu'on n'y communie pas mais qu'on s'y juxtapose, chaque spectateur étant renvoyé à sa propre solitude.
Mais Jean-Jacques ne condamne pas pour autant tous les spectacles puisqu'il fait l'éloge de la fête
républicaine, moment de communion du peuple rassemblé par-delà toutes ses partitions sociales qui, à la fois.
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