Rousseau, L'Émile ou de l'éducation, L. II, Pléiade, p. 311. Commentaire.
Publié le 29/09/2012
Extrait du document
« Il y a deux sortes de dépendances : celle des choses, qui est de la nature ; celle des hommes, qui est de la société. La dépendance des choses, n'ayant aucune moralité, ne nuit point à la liberté, et n'engendre point de vices : la dépendance des hommes étant désordonnée les engendre tous, et c'est par elle que le maître et l'esclave se dépravent mutuellement. S'il y a quelque moyen de remédier à ce mal dans la société, c'est de substituer la loi à l'homme, et d'armer les volontés générales d'une force réelle, supérieure à l'action de toute volonté particulière. Si les lois des nations pouvaient avoir, comme celles de la nature, une inflexibilité que jamais aucune force humaine ne pût vaincre, la dépendance des hommes redeviendrait alors celle des choses ; on réunirait dans la république tous les avantages de l'état naturel à ceux de l'état civil ; on joindrait à la liberté, qui maintient l'homme exempt de vices, la moralité, qui l'élève à la vertu. «
Rousseau, L’Émile ou de l’éducation, L. II, Pléiade, p. 311.
Ce passage est extrait de l’Émile ou de l’éducationdont la version définitive paraît en 1762, en même temps que le Contrat social. Cet écrit sur l’éducation fut brûlé sur ordre du Parlement de Paris, interdit à Genève, et son auteur poursuivi. Ce texte est crucial pour l’intelligence du traité d’éducation que veut être l’Émile qui expose non une technique mais des principes ; et qui plus est, est incontournable pour la compréhension des thèses politiques de Rousseau. La réflexion sur la loi et la liberté qui s’y trouve est éclairante puisqu’elle articule le lien qui doit être établi entre l’Émile et le Contrat social.
«
modèle ou de paradigme que joue l’ordre naturel à l’égard de l’ordre social : la
loi naturelle eu égard à la loi civile, faite par les hommes.
Dans un premier
mouvement en effet, Rousseau définit corrélativement deux sortes de
dépendance : la « dépendance des choses » et la « dépendance des hommes ».
Il
insiste dans une seconde phase sur la nécessité d’ériger la loi naturelle en
modèle pour enfin décrire un projet politique dont la vérité et la légitimité
repose dans la nature elle-même.
N’oublions pas que le début du livre I s’ouvre
comme suit : « Tout est bien sortant des mains de l’Auteur des choses, tout
dégénère entre les mains de l’homme ».
Rousseau oppose la « dépendance des choses » à celle « des hommes ».
La première est celle où se trouve naturellement l’homme dans la mesure où il
est soumis, comme tout être naturel, aux lois de la nature, par exemple à la loi
de la pesanteur.
La « dépendance des hommes » est celle où se situe l’homme
dès l’instant qu’il vit en société parmi d’autres hommes.
Cette double
dépendance doit être rapprochée de ce que dit Rousseau au commencement du
livre I : qu’il y a trois sortes d’éducation, celle de la « nature », celle des
« hommes » et celle des « choses ».
Ces trois formes éducatives doivent
« tendre aux mêmes fins ».
La distinction principielle est réduite à l’opposition de deux termes : les
« choses » et les « hommes ».
La dépendance des choses se caractérise par la
totale étrangeté à l’égard de ce qu’on peut appeler la « morale ».
Elle est en
deçà du bien et du mal, ou plutôt elle n’a aucun rapport avec eux.
Il n’est ni bon
ni mauvais d’être soumis à la loi de la nature.
La dépendance des choses se
confond avec le règne de la stricte nécessité.
Le mot de « nécessité » auquel fait
écho dans le texte celui d’« inflexibilité » est absolument capital dans la pensée
rousseauiste.
Ce qui caractérise la loi de la Nature, c’est qu’il n’est pas possible
de s’y soustraire ni de la détourner, encore moins de la pervertir.
L’homme est
nécessairement dépendant des choses et cette dépendance est celle de la
nécessité, de la « dure loi de la nécessité ».
C’est pourquoi l’éducation définie
par Rousseau voulant que « rien ne soit fait » par l’homme est une éducation
conforme à la nature : une éducation par la nécessité.
Seuls « des obstacles
physiques » doivent être opposés aux désirs et volontés de l’enfant.
« L’expérience ou l’impuissance doivent seules lui tenir de loi.
» Le vrai maître
de l’enfant n’est pas celui dont la volonté peut être arbitraire mais la nécessité.
»
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