Rousseau, Du contrat social, livre IV, chapitre II, des suffrages
Publié le 03/01/2021
Extrait du document
«
des « privilèges » : nul titre avancé pour justifier l’assujettissement d’un homme, que ce soit
l’intelligence, la force, ou la naissance, ne peut être légitime.
On ne naît point roi ou esclave,
contrairement à ce qu’on a pu affirmer chez les grecs de l’antiquité notamment.
Ainsi « décider
que le fils d’un esclave naît esclave » est une décision qui place l’auteur de celle-ci hors du bon
sens.
Il n’y a, il ne peut y avoir, de contrat d’esclavage : l’assemblage de ces deux mots est
absurde.
On voit donc que selon Rousseau, si le pacte social n’était pas basé sur un consentement
unanime, il serait « contre-nature » ; le contraire reviendrait en effet à enlever à l’homme
l’exercice de sa volonté libre ; or nul ne peut sans son consentement être privé de ce droit qu’il
tient de sa nature.
Mais alors que faire, s’il se trouve, lors de ce contrat social, des opposants ?
Il y a un réel problème ici, puisque normalement, si ce pacte social exige, comme nous l’a dit
Rousseau, un consentement unanime, alors, s’il y a ne serait-ce qu’un seul opposant, un seul
avis contraire, il devrait s’ensuivre que le contrat s’écroule, qu’il n’est plus valide.
Bref, que la
société, soit n’est plus possible, soit est mise à mal dans ses fondements .
En fait, le problème
se résout de lui-même.
C’est justement parce que cette loi qu’est le pacte social exige un consentement unanime, qu’il
n’est pas invalidé.
L’unanimité en question n’est pas mise à mal par l’existence d’un opposant
ou même de plusieurs, seulement, nous dit-il, ce sont plutôt ceux-ci qui ne font pas partie du
contrat.
En effet, qu’est-ce qu’un opposant ? C’est quelqu’un, ici, qui refuse de s’associer, qui
se met hors de l’association civile, de la société.
Ce n’est donc effectivement pas la légitimité
de la loi qui est alors en jeu, mais c’est l’individu « réfractaire » qui est considéré comme ne
faisant pas partie de cette association.
(On notera que cela s’explique aussi par ce qui a été dit
dans le premier §, à savoir, qu’on ne forcera pas, au nom de sa liberté, l’individu à entrer en
société contre son gré).
Rousseau fait ici usage, pour la première fois dans ce texte, du terme de « citoyen ».
On peut
dire qu’est citoyen, selon lui, celui qui accepte d’être membre du contrat social.
Celui qui
n’accepte pas le contrat n’est qu’un étranger.
En effet, la phrase « quand l’État est institué » signifie bien, semble-t-il, que nous ne sommes
plus au niveau du pacte originel qui avait pour charge d’instituer une société (et non à
proprement parler, il faut le noter, un État, puisque chez Rousseau l’acte fondateur d’un État
est un acte différent de l’acte primitif par lequel un peuple est un peuple).
Ici, le consentement
unanime est, certes, toujours présent, mais sous une forme implicite : Rousseau dit en effet que
quand j’habite un territoire délimité par tel état, c’est que, implicitement, je donne mon accord
à la loi ou au pacte social.
En d’autres mots : j’accepte les règles du jeu social.
Évidemment, on
ne peut que préciser que ce que dit Rousseau ne vaut que des États libres, démocratiques.
De
plus, il y a bien des États dans lesquels le silence ne peut être considéré comme
consentement !- Mais il ne faut pas oublier que Rousseau ne parle que des principes d’une
société juste et légitime, et que son propos n’est donc pas naïf.
Mais on pourra se demander comment il se fait que Rousseau parle de liberté, et dise pourtant
que le citoyen est « soumis à la souveraineté » -même s’il y a acceptation, on trouve ici une
certaine difficulté.
Difficulté qui s’évanouit si on regarde le vocabulaire utilisé par de
Rousseau:d’abord, les termes de « citoyen » et de « peuple » sont en majuscule ; et ensuite,
Rousseau sous-entend que c’est le peuple assemblé qui fait la loi, c’est-à-dire, qui est
souverain, qui commande.
Ainsi on peut dire que se soumettre à la souveraineté ne signifie rien
d’autre que se soumettre à soi-même (comme citoyen) ; la soumission n’est donc pas réelle.
Dans une second temps, Rousseau commence par dire« Hors ce contrat primitif, la voix du plus
grand nombre oblige toujours les autres ».
Cette thèse est présentée explicitement comme.
»
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