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Rousseau, Du contrat social (1762), Livre I, Chapitre 8 : « De l'état civil »

Publié le 19/03/2014

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« Ce passage de l'état de nature à l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l'instinct et en donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant. C'est alors seulement que, la voix du devoir succédant à l'impulsion physique et le droit à l'appétit, l'homme, qui, jusque-là n'avait regardé que lui-même, se voit forcé d'agir sur d'autres principes et de consulter sa raison avant d'écouter ses penchants. Quoiqu'il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu'il tient de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés s'exercent et se dévelop¬pent, ses idées s'étendent, ses sentiments s'ennoblissent, son âme tout entière s'élève à tel point que, si les abus de cette nou¬velle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l'instant heureux qui l'en arracha pour jamais et qui, d'un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme. «

Rousseau, Du contrat social (1762), Livre I, Chapitre 8 : « De l'état civil «.

L'état civil fait de l'homme un citoyen et un être capable de moralité

Rousseau distingue deux états successifs : état de nature, état civil. L'état de nature n'a jamais existé. II s'agit d'une hypothèse. Tout se passe donc comme s'il y avait l'avant et l'après. L'avant, c'est l'instinct. L'après, c'est la justice, qui implique de peser un pour et un contre selon des principes. La substitution de la justice à l'instinct ouvre un champ 

rousseau

« lui-même.

Maintenant il prend des distances avec l'instinct et l'impulsion physique irrépressibles.

Il consulte la raison, consultation qui vient se substituer au discours muet du penchant qu'il suffit d'écouter pour le suivre.

1 Dans l'état civil, l'homme peut actualiser sa perfectibilité Dans le commerce que les hommes entretiennent entre eux, leurs facultés se développent Les avantages dont l'homme naturel se prive, Rousseau ne les indique pas.

Au contraire les avantages regagnés sont affirmés être si grands que le bilan est nettement positif.

Les facultés, qui n'étaient qu'en germe, s'exercent dans le com­ merce que les hommes entretiennent entre eux.

L'âme, composée à la fois des idées -l'homme est un être de rai­ son - et des sentiments - l'homme est aussi un être de cœur -« s,élève ».

L'homme tenait à la nature, comme à un sol, il s'en détache et opère une élévation toute spirituelle : le haut est valorisé, comme si l'homme accédait à la divinité.

Cette signification religieuse est marquée par le « il devrait bénir ».

L'homme devrait, dans un regard rétrospectif sur sa propre histoire, « louer » ce passage, responsable de tant de changements.

L'homme est responsable de son élévation comme de sa chute Mais la symbolique de l'élévation ne va pas sans la chute , qui est la dégradation forgée par l'homme lui-même et dont il est entièrement responsable.

Autrement dit l'homme peut faire, fait «souvent » un mauvais usage de sa condition nou ­ velle.

Il n'est pas inscrit comme un développement néces­ saire que s'installent l'inégalité, l'opposition, ou la licence : au contraire l'homme est responsable de son histoire, de son élévation, comme de sa chute.

Plus il s'élève, plus il réa­ lise l'humanité en lui; plus il s'abaisse, plus il dégrade son humanité, au point d'attendre une inhumanité inférieure même à l'animalité.

L'intérêt de ce texte est de montrer que dans l'état civil, ce qui est « borné » devient ouvert.

Ce qui montre bien que Rousseau n'a jamais affirmé que l'état de nature avait existé ni a fortiori prôné un retour à un tel état.

C'est seulement dans l'espace social que les hommes peu­ vent actualiser leur perfectibilité et accéder à une existence d'une plus grande moralité • 95. »

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