Devoir de Philosophie

ROUSSEAU: Association et contrat social

Publié le 29/04/2005

Extrait du document

rousseau
Je suppose les hommes parvenus à ce point où les obstacles qui nuisent à leur conservation dans l'état de nature l'emportent par leur résistance sur les forces que chaque individu peut employer pour se maintenir dans cet état. Alors cet état primitif ne peut plus subsister, et le genre humain périrait s'il ne changeait sa manière d'être. Or comme les hommes ne peuvent engendrer de nouvelles forces, mais seulement unir et diriger celles qui existent, ils n'ont plus d'autre moyen pour se conserver que de former par agrégation une somme de forces qui puisse l'emporter sur la résistance, de les mettre en jeu par un seul mobile et de les faire agir de concert. Cette somme de forces ne peut naître que du concours de plusieurs : mais la force et la liberté de chaque homme étant les premiers instruments de sa conservation, comment les engagera-t-il sans se nuire, et sans négliger les soins qu'il se doit? Cette difficulté ramenée à mon sujet peut s'énoncer en ces termes : « Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant. » Tel est le problème fondamental dont le contrat social donne la solution. Les clauses de ce contrat sont tellement déterminées par la nature de l'acte que la moindre modification les rendrait vaines et de nul effet; en sorte que, bien qu'elles n'aient peut-être jamais été formellement énoncées, elles sont partout les mêmes, partout tacitement admises et reconnues; jusqu'à ce que, le pacte social étant violé, chacun rentre alors dans ses premiers droits et reprenne sa liberté naturelle, en perdant la liberté conventionnelle pour laquelle il y renonça. Ces clauses bien entendues se réduisent toutes à une seule, savoir l'aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté. Car, premièrement, chacun se donnant tout entier, la condition est égale pour tous, et la condition étant égale pour tous, nul n'a intérêt de la rendre onéreuse aux autres. De plus, l'aliénation se faisant sans réserve, l'union est aussi parfaite qu'elle peut l'être et nul associé n'a plus rien à réclamer : car s'il restait quelques droits aux particuliers, comme il n'y aurait aucun supérieur commun qui pût prononcer entre eux et le public, chacun étant en quelque point son propre juge prétendrait bientôt l'être en tous, l'état de nature subsisterait et l'association deviendrait nécessairement tyrannique ou vaine. Enfin chacun se donnant à tous ne se donne à personne, et comme il n'y a pas un associé sur lequel on n'acquière le même droit qu'on lui cède sur soi, on gagne l'équivalent de tout ce qu'on perd, et plus de force pour conserver ce qu'on a. ROUSSEAU
rousseau

« validité du contrat.

Mais, si nous regardons de plus près, il apparaît très vite que ce contrat est d'une natureexceptionnelle et ne saurait être aligné sur le modèle des contrats juridiques ordinaires.

En effet, l'originalité ducontrat proposé par Rousseau réside en ce que l'échange ne se fait pas entre deux parties distinctes et extérieuresl'une à l'autre.

Dans et par ce contrat, les individus séparés deviennent citoyens et le peuple se constitue commepeuple à partir des sujets particuliers.

Autrement dit, le peuple ne contracte qu'avec lui-même; chaque particuliercontracte avec l'ensemble considéré comme un tout.

Il s'agit donc d'un contrat qui a ceci d'exceptionnel que ladeuxième partie prenante du contrat ne préexiste pas à l'échange, comme c'est le cas dans tout contrat juridique,mais elle en est le produit.

Cela permet de résoudre une difficulté qui surgit dès l'énoncé de la clause unique ducontrat : «l'aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté ».

Comment cettealiénation totale peut-elle se faire sans l'assujettissement des individus ? Comment la liberté peut-elle êtrepréservée ? N'est-ce pas conférer à l'État un pouvoir absolu sur les individus particuliers ? En fait, le contrat n'a paspour effet la suppressionde la liberté naturelle des individus mais sa transmutation en liberté civile.

Il faut ici se souvenir que, pour Rousseau,la liberté n'est pas l'indépendance, mais la soumission à la loi qu'on s'est à soi-même prescrite.

Comme le faitremarquer Robert Derathé à propos de l'individu qui souscrit au contrat : «il est libre, non seulement parce que leslois le protègent contre l'arbitraire des volontés individuelles, mais surtout parce qu'il est l'auteur des lois et que lavolonté souveraine est en réalité la sienne ».

L'autorité politique a donc son fondement dans l'acte par lequell'individu s'engage à obéir à la volonté générale et soumet les volontés qu'il peut avoir en tant que personne privée àla volonté qu'il a comme citoyen, membre d'un état politique.Ainsi se trouvent théoriquement fondés et déterminés les réquisits fondamentaux de l'établissement d'une autoritépolitique légitime.

Rousseau a traité ici, non de l'origine historique des États mais de leur légitimité; non des faits,mais du droit.

Le contrat social constitue une règle, un prototype qui permet de juger et de mesurer.

Comme diraKant, « ces idéaux, bien qu'on ne puisse leur attribuer de réalité objective, ne doivent pas cependant êtreconsidérés comme des chimères.

Ils fournissent au contraire à la Raison une mesure qui lui est indispensablepuisqu'elle a besoin du concept de ce qui est absolument parfait dans son espèce pour apprécier et mesurer, en s'yréférant, jusqu'à quel point l'imparfait s'en rapproche ou en est éloigné ». ROUSSEAU (Jean-Jacques). Né à Genève en 1712, mort à Ermenonville en 1778. Il n'est pas dans notre propos de résumer la vie de Rousseau, sou séjour aux Charmettes chez Mme de Warens, àMontmorency chez Mme d'Épinay, ses travaux de musique, sa persécution par les catholiques comme par lesprotestants, son voyage en Angleterre après sa fuite de Suisse ou l'hospitalité du marquis de Girardin à Ermenonville.Non plus que la mise à l'Assistance Publique des cinq enfants qu'il eut de Thérèse Levasseur, ou sa brouille avecGrimm et Diderot.

Jean-Jacques Rousseau fut seul, chassé de partout, et c'est en méditant sur son existencemalheureuse, qu'il a pu énoncer sa doctrine de philosophe.

Sa philosophie n'est pas un système, mais une vision dela condition humaine.

— Contrairement aux Encyclopédistes, l'homme, pour Rousseau, est naturellement bon etjuste.

Il fut heureux lorsqu'il vivait sans réfléchir, au milieu de la nature, uniquement préoccupé des soins matérielsde la vie quotidienne.

Puis, il a cherché à paraître, à dominer.

Il a inventé la propriété.

Sont venus l'inquiétuded'esprit, le goût du luxe, l'ambition, l'inégalité, les vices, la philosophie.

La société a corrompu l'homme, en l'élevant àla moralité.

La vie idéale n'est pas le retour à l'état de nature ; mais elle doit se rapprocher le plus possible de la vienaturelle.

C'est le coeur qui fournit à l'homme la preuve des vérités morales et religieuses, qui lui permet de goûteraux plaisirs de la générosité, de la bienfaisance, de l'amitié.

L'enfant, naturellement bon, doit être éduqué de façon«négative».

Il faut laisser libre cours à son propre développement.

Rousseau prône les vertus de l'intuition et del'émotion.

— Le fondement de toute société, c'est le contrat social, par lequel chaque contractant renonce à sapropre liberté au profit de la communauté, et se soumet à la volonté générale.

Rousseau pose ainsi le principe de lasouveraineté populaire.

Tant en littérature qu'en philosophie ou en politique (la Révolution française le revendiqua),l'influence de Rousseau fut considérable.

Il a véritablement transformé la sensibilité humaine.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles