Robin George Collingwood, The Ides of History, 1946, Oxford University Press, 1994, p. 429 sv., trad. pers.
Publié le 23/03/2015
Extrait du document
« La thèse de la doctrine de l'idéalité de l'histoire, c'est que le fait historique, en tant qu'il est connu par l'historien, est essentiellement relatif à la pensée qui le connaît. Mais il convient peut-être dans cette préface de considérer un aspect particulier de ce problème : la philosophie de l'histoire est-elle une théorie de la pensée historique ou une théorie du fait historique ? autrement dit, sa visée est-elle méthodologique ou métaphysique ?
La philosophie de l'histoire au sens que cette expres¬sion avait au XVIlle siècle était une philosophie métaphy¬sique. Elle tentait de construire une théorie de la nature et de la structure du fait historique [...] C'est seulement au tournant de ce siècle que cette idée fut abandonnée [...], et ce fut seulement avec l'oeuvre consacrée par Croce à cette question qu'une philosophie de l'histoire méthodologique fut systématiquement substituée à celle qui était métaphysique. Ce fut le premier progrès vraiment décisif de la philosophie de l'histoire depuis Hegel.
Mais quand le point de vue méthodologique de la philosophie de l'histoire est combiné à la doctrine de l'idéalité de l'histoire, toute objection à l'encontre d'une philosophie métaphysique de l'histoire se dissout. Car on comprend alors que toutes les formes et les conditions nécessaires de la pensée historique déterminent celles de son objet. Tout ce qui est dit de l'histoire a parte subjecti peut donc être répété mutatis mutandis au sujet de l'histoire a parte objecti [...].
Le gouffre qui, pour une philosophie empiriste ou positiviste, sépare la pensée historique du fait historique a disparu. La pensée historique et son objet apparaissent inséparables, ce dernier ayant seulement une existence idéale pour, et à l'intérieur de la pensée ; par conséquent une théorie méthodologique des formes nécessaires de la pensée historique est aussi une théorie métaphysique des formes nécessaires du fait historique. «
Robin George Collingwood, The Ides of History, 1946, Oxford University Press, 1994, p. 429 sv., trad. pers.
«
Textes commentés
La distinction entre l'histoire comme ce qui advient et l'histoire comme
historiographie semble aller de soi, et on déplore souvent l'ambiguïté
du français sur ce point, alors que l'allemand, par exemple, dispose des
deux termes de
Geschichte et Historie.
La thèse de Collingwood
considère
au contraire que la différence est superficielle, de sorte que
l'homophonie en français entre l'histoire comme cours des événements
et l'histoire comme savoir de celui-ci se verrait justifiée.
L'histoire en
tant que réalité objective ou
a parte objecti ne peut en effet être
dissociée de ce que nous en connaissons, de l'histoire
a parte subjecti.
Cette thèse n'est pas en soi nouvelle, puisque, comme le dit lui-même
Collingwood par ailleurs,
il s'agit simplement d'appliquer à l'histoire la
révolution copernicienne à laquelle invitait déjà Kant ; et
il suffirait
d'essayer de
se représenter mentalement ce qui resterait d'un objet si
nous faisions abstraction de la façon dont nous l'appréhendons :
manifestement rien.
Mais Collingwood pense à partir de là les trois
stades par lesquels serait passée la connaissance historique.
Si la doctrine de l'idéalité de l'histoire signifie que les événements n'ont
de réalité que
« pour et à l'intérieur de la pensée » - et on remarquera
ici que la thèse de la connaissance historique comme réactualisation en
dépend-, les phases antérieures sont-elles« réalistes» dans la mesure
où elles affirmeraient l'existence d'une réalité en dehors de la pensée
?
D'une certaine façon, la métaphysique de l'histoire poserait l'existence
d'un sens immanent à l'histoire, le devenir de !'Esprit au sens hégélien
par exemple, mais qui excéderait le savoir ou la conscience des
individus (un tel raccourci reste néanmoins gênant par rapport à
1'« idéalisme absolu » de Hegel).
De son côté, le savoir historique, tel
qu'il a prévalu après Hegel,
se souciait de développer des méthodes ou
des techniques supposées appréhender la réalité
« objective » des
«faits», c'est-à-dire indépendamment du sujet connaissant.
On remarquera que la distinction collingwoodienne entre fiction
historique et fiction poétique recourt pourtant à des critères
manifestement réalistes, et que cet idéalisme semble bien méconnaître
l'altérité du passé ; sa reconnaissance justifierait au contraire la
différence entre
Geschichte et Historie.
41.
»
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