Ribot a écrit : « L'attention, sous ses deux formes, est un état exceptionnel, anormal, en contradiction avec la condition fondamentale de la vie de l’esprit qui est le changement ». Expliquer et discuter cette idée.
Publié le 10/02/2016
Extrait du document
La vie nous impose à tous l’usage fréquent de l’attention volontaire, soit que nous ayons à travailler, à exécuter une besogne fastidieuse, à soutenir une conversation qui nous pèse, soit qu’il nous faille sacrifier les intérêts du présent à ceux de l’avenir. Les hommes les plus ordinaires sont capables de cet effort quotidien ; il peut nous coûter parfois ; il coûte surtout aux volontés faibles et aux esprits nonchalants. Mais l’attention est comme naturelle aux volontés fortes et aux esprits supérieurs.
Si l’attention était un fait anormal, comme le prétend Ribot, comment pourrait-on distinguer des formes normales et des formes anormales de l’attention ; comment pourrait-on distinguer cet art de fixer à propos notre esprit, qui est proprement l’attention, de l’idée fixe, de l’obsession, de la distraction, etc., en un mot de toutes les formes morbides de l’attention '?
«
H2 DISSERTATIO:\S PHILOSOPHIQUES
tané du courant de la conscience, parce qu'elle est un effort
pour fixer la pensée, qui de sa nature est fugitive.
Il y a dans l'affirmation de Ribot une part de vérité.
Il est
certain
que l'attention ne s'exerce pas sans difficulté : c'est
une lutte contre la mobilité naturelle de l'esprit, contre la
distraction, contre la paresse; et c'est aussi une lutte, comme
le remarque ;\1, Houstan, « contre la nature extérieure qui
pose sans cesse à notre intelligence de nouYeaux problè
mes J>.
De fait, l'attention fatigue lorsqu'elle se prolonge.
Soutenir
J'attention, c'est la ramener par des efforts répétés sur une
idée
qui tend toujours à se dérober.
Aussi faut-il qu'un inté
rêt, direct ou indirect, excite et renouvelle cet efl'ort de l'es
prit.
L'enfant n'est guère capable que d'attention spontanée,
c'e,.t-à-dire que de cotte attention qui s'attache h des images
attrayantes par elles-mêmes.
Cne intelligence Yulgaire ne
pourra s'appliquer à des idées ou à des tâches sans attrait
que si un intérêt indirect, mais puissant, l'y pousse, par
exemple la nécessité ou le besoin, le désir de g·agner de l'ar
gent.
Une intelligence supérieure pourra méditer longtemps
sur le même sujet, parce qu'elle· y découvrira des aspects
toujours
nouveaux ; ici l'attention volontaire engendrera
l'attention spontanée.
Si c'est l'attention qui fait, comme l'a
dit ,V.
James, les maîtres en tout genre, c'est donc que,
portée à un certain degré, elle n'est pas une qualité com
mune.
Pourtant en disant que l'attention est une activité anor
male, exceptionnelle, en contradiction avec la mobilité natu
relle de l'esprit, Ribot se laisse aller it une certaine exagéra
tion.
D'abord elle peut se concilier avec la loi fondamentale de
la vie psychologique, qui est le changement.
En réalité, dans
l'attention, l'esprit n'est pas fixé sur un objet immobile; il
passe et repasse
par une suite d'objets ou d'idées qui forment
un ensemble, ce qu'on pourrait appeler un sujet.
Le « monoï-.
déisme » n'exclut pas le « polyïdéisme >>.
L'esprit trouve
dans cette variété d'aperçus de nouveaux motifs de s'intéres
ser davantage à l'idée dominante.
L'attention est plutôt une
direction qu'une fixation de l'esprit; le courant de la con-.
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