Retourner à la nature ?
Publié le 23/03/2015
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Mais Rousseau affirme, comme Kant le répétera après lui, que non seulement le progrès des moeurs ne va pas de pair avec le progrès des lumières, que « le rétablissement des sciences et des arts (n'a pas) contribué à épurer les moeurs « (contestation de l'intellectualisme de Platon et des Lumières), mais encore que cela même qui fait progresser la civilisation, le raffinement et même l'intelligence de l'homme, est aussi ce qui pervertit et déprave l'humanité. « 0 fureur de se distinguer, que ne pouvez-vous point ? « (Discours sur les sciences et les arts, seconde partie) « On a vu la vertu s'enfuir à mesure que la lumière (des sciences et des arts) s'élevait sur notre horizon « (ibid., première partie).
«
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Ce texte devrait être lu et relu à tous ceux qui, à la suite de Voltaire et de sa
lecture sommaire et partiale du
Discours sur l'inégalité, s'obstinent à parler de
retour à la nature et emboîtent le pas à l'auteur de
Candide qui écrivait spiri
tuellement et injustement à Rousseau :
« J'ai reçu, Monsieur, votre nouveau
livre contre le genre humain.
On n'a jamais tant employé d'esprit à vouloir
nous rendre bêtes.
Il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre
ouvrage.
Cependant, comme il y
a plus de soixante ans que j'en ai perdu
l'habitude,
je sens malheureusement qu'il m'est impossible de la reprendre »
(lettre du 30 août 1755).
Il est plus important de noter que 1
° Rousseau récuse toute idée de retour
comme étant une régression, non pas vers la nature mais vers la barbarie ; et
2° qu'il suggère, comme il l'a également répété dans l'Émile, qu'on peut tout
juste retarder l'accélération de la marche vers les conséquences funestes d'un
progrès dangereux et souvent fatal.
« L'important n'est pas de gagner du
temps, mais d'en perdre : garantir le cœur du vice et l'esprit de l'erreur
»
(Émile, livre second).
Les leçons à tirer de ces argumentations réitérées de Rousseau sont multiples,
en particulier
du point de vue moral, politique et historique.
La philosophie de
Rousseau n'a pas plus forcément d'implications révolutionnaires ou subver
sives que de signification réactionnaire.
Il s'en tient toujours
à l'idée que
l'humanité est perfectible, que l'on ne peut arrêter le développement de ses
facultés
ni bloquer le progrès, même si ce « progrès » est lourd de consé
quences funestes.
En second lieu, on ne peut revenir à la nature, puisque cet
état ne désigne pas une époque historique ou un stade de l'évolution, mais le
concept abstrait d'homme hors civilisation.
Et s'il s'agit de préserver la nature,
de protéger les avantages de l'état de nature, c'est-à-dire l'équilibre entre les
besoins de l'homme selon son essence et les capacités à les satisfaire, cela ne
peut se faire par un retour à la nature (comment rétrograder dans le temps vers
une essence abstraite
?), mais au contraire par un recours à l'artifice.
« Il faut
employer beaucoup d'art pour empêcher l'homme social d'être tout à fait arti
ficiel
» et les « meilleures institutions sont celles qui peuvent le mieux dénatu
rer
l'homme».
L'iconoclasme et l'esprit rétrograde sont des signes de corrup
tion et veulent ignorer la différence entre l'indépendance naturelle et la liberté
civile.
Seules les institutions « perfectionnées » peuvent pallier les vices et
substituer la vertu à la bonté naturelle, car
« tous ces vices n'appartiennent pas
tant à l'homme qu'à l'homme mal
gouverné» (Préface du Narcisse).
«Montrons-lui dans l'art perfectionné la réparation des maux que l'art com
mencé
fit à la nature».
En d'autres termes: «Nous ne commençons propre-.
»
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