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Représenter est-ce rendre présent ?

Publié le 27/02/2005

Extrait du document

A première vue, la question qui nous est posée ne peut que nous surprendre. En effet, l'acte de représenter peut se définir précisément par le fait de rendre présent ce qui est absent, de nous le rendre sensible par différents moyens (par des gestes, des signes, des sons, des formes…) qui ont tous pour fonction de compenser le fait qu'il ne nous soit pas sensible actuellement. Par conséquent, si nous demandons « Représenter, est-ce rendre présent ? » nous posons une question qui porte, semble-t-il, avant tout tout sur la définition de la représentation elle-même. Cependant, n'y a-t-il pas une nuance de sens qui nous échappe si nous affirmons que représenter c'est rendre présent ? En effet, affirmer cela revient à dire que représenter est non seulement rendre présent mais n'est pas autre chose, n'est que cela. Rendre présent serait donc le tout de la représentation, celle-ci n'étant en définitive rien de plus. Ne pouvons-nous pas penser au contraire que représenter est autre chose que rendre présent, quelque chose de plus ou au moins de distinct ? Car lorsque nous représentons quelque chose, nous la rendons présente sur un fond d'absence, nous la faisons être tout en affirmant dans le même moment son absence actuelle puisqu'elle nécessite l'acte de représentation pour nous être présente. La question au centre de notre réflexion sera donc de déterminera si la représentation se confond avec l'acte qui rend une chose présente, ou si au contraire la représentation ne serait pas une acte distinct, instaurant une temporalité inédite, où le présent de la chose représentée est un temps mêle de passé et d'absence.

« que rendre présent la chose représentée, car la représentation ne nous donne jamais la chose dans le présent qui aété le sien, ne la fait pas ré advenir à l'être telle qu'elle a été.

Pour le dire autrement, la représentation n'a pas unrôle résurrecteur de la chose représente.

Elle instaure une temporalité singulière, un présent mêlé d'absence et depasse, sur la nature de laquelle nous allons à présent nous pencher. III.

La représentation est l'action de rendre présent une chose irrémédiablement absente a.

Le présent singulier de la représentation : une actualité mêlée d'absence Nous finirons par répondre à la question posée en disant que représenter est autre chose que rendre présent : c'estfaire advenir une temporalité inédite.

Penchons nous de nouveau sur la représentation théâtrale : pour Peter Brook,la représentation est " le moment où l'on montre quelque chose qui appartient au passé, quelque chose qui a existéautrefois et qui doit exister maintenant.

" Cette citation nous permet d'approcher le phénomène singulier qu'est lareprésentation non seulement théâtrale mais la représentation en générale.

En effet, elle nous amène à penser quedans l'acte de la représentation, ce n'est pas un présent révolu qui est miraculeusement ressuscite, qui revient àl'être, mais un présent qui s'accompagne de l'absence irrémédiable de la chose représentée.

Voila pourquoi lacontemplation des tableaux de Monet ou de Renoir, aussi lumineux soient-ils, ne peut être l'occasion d'éprouver leseul sentiment d'une résurrection du passe.

C'est aussi un monde englouti et irrémédiablement perdu qu'ils nousdonnent à voir, non l'actualité retrouvée d'être disparus.

Nous dirons donc que représenter ce n'est pas rendreprésent, c'est rendre présent sur fond d'absence et de disparition. b.

La représentation échoue toujours a rendre présente une part de la chose représentée : la leçon Proustienne Dans une perspective complémentaire, nous dirons même que représenter ne peut rendre présent, dans la mesureoù la représentation échoue toujours a faire advenir a la présence la totalité de ce qu'elle s'attache à représenter.C'est finalement la terrible leçon de l'entreprise colossale a laquelle se livre Proust dans A la recherche du tempsperdu, dont voici un extrait de la dernière page :« La date à laquelle j'entendais le bruit de la sonnette du jardin de Combray si distant et pourtant intérieur, était unpoint de repère dans cette dimension énorme que je ne savais pas avoir.

J'avais le vertige de voir au-dessous demoi et en moi pourtant comme si j'avais des lieues de hauteur, tant d'années.

Je venais de comprendre pourquoi leduc de Guermantes, dont j'avais admiré, en le regardant assis sur une chaise, combien il avait peu vieilli bien qu'ileût tellement plus d'années que moi au-dessous de lui, dès qu'il s'était levé et avait voulu se tenir debout avaitvacillé sur des jambes flageolantes comme celles de ces vieux archevêques sur lesquels il n'y a de solide que leurcroix métallique et vers lesquels s'empressent les jeunes séminaristes, et ne s'était avancé qu'en tremblant commeune feuille, sur le sommet peu praticable de quatre-vingt-trois années, comme si les hommes étaient juchés sur devivantes échasses grandissant sans cesse, parfois plus hautes que des clochers, finissant par leur rendre la marchedifficile et périlleuse, et d'où tout d'un coup ils tombent.

Je m'effrayais que les miennes fussent déjà si hautes sousmes pas, il ne me semblait pas que j'aurais encore la force de maintenir longtemps attaché à moi ce passé quidescendait déjà si loin, et que je portais si douloureusement en moi! » Le temps retrouve, Marcel Proust[Texte nefigurant \pas dans le manuscrit] Pour un connaisseur de l'œuvre de Proust, cette page marque combien l'entreprise de la Recherche se solde enpartie sur un échec : le narrateur a la fin de son existence et de son œuvre se rappelle encore du bruit de la petitecuillère qu'il entendait le matin a Combray.

Quelque chose du passe reste et demeure impossible a ressusciter, et cequelque chose est sans doute le désir irrépressible pour les choses mortes et définitivement disparues.

Proust nousapprend que les hommes, juches sur ces « échasses » que forment les années, ne peuvent réussir à rendre présentpar la mémoire et l'acte de représentation (pas même avec les trois mille pages de A la recherche du temps perdu)ce qui appartient aux profondeurs de leur passé. Conclusion A première vue, lorsque nous nous demandons si représenter, c'est rendre présent, il semble que nous posons unequestion sur la seule définition de la représentation.

Cependant, il apparait que le présent de la représentation n'estjamais exactement le présent de la chose représentée, qu'il s'agit de deux temporalités distinctes puisque lareprésentation ne ressuscite jamais exactement le présent de la chose qu'elle représente.

Elle fait plutôt advenirune temporalité inédite, un présent mêlé d'absence et de passé (de la conscience que la chose représentéeappartient désormais au passé sinon au néant) qui échoue toujours à réitérer le pressent de la chose absente, quidemeure pour cela même, comme le montre Proust, indéfiniment désirable.. »

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