Religion, culture et société
Publié le 26/01/2020
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En rupture tant avec les spéculations métaphysiques sur l'existence de Dieu qu'avec les polémiques sur le statut de la religion, les sciences humaines chercheront à promouvoir une approche positive (c'est-à-dire scientifique, fondée sur des faits) de ce phénomène. Pour ce faire il était nécessaire de prendre des distances à l'égard du prisme chrétien et de son regard ethnocentrique, pour aborder la religion dans toutes ses dimensions et sous toutes ses formes, monothéistes et polythéistes.
La sociologie, tout d'abord, s'est détachée d'une démarche subjective et de la méthode d'introspection, en réduisant la religion à un phénomène social, et en privilégiant par conséquent les pratiques et représentations collectives ainsi que les institutions (texte 17). Le principe de base de la méthode sociologique étant d'expliquer (et non de comprendre) des faits sociaux par d’autres faits sociaux, les chercheurs ont essayé de dégager les fonctions sociales de la religion. Pour Durkheim, la religion permet à la société de s'attester elle-même ; elle a une fonction d'intégration et de conservation de l'ordre social. L'auteur cherche chez les peuples dits primitifs (en l'occurrence, chez les Aborigènes d'Australie) des « formes élémentaires de la vie religieuse », et établit la portée universelle de la classification sacré/profane. Ces deux derniers points seront contestés par Marcel Mauss, qui va plus loin dans la démarche anti-ethnocentrique de son maître (et oncle) Durkheim : les religions des sociétés primitives ne sont pas plus simples que les nôtres ; la catégorie de sacré n'est pas un invariant culturel ; et la notion même de religion doit être remise en cause par la confrontation empirique aux faits (texte 18).
C'est aux rapports entre religion et économie que s'intéressera un autre maître fondateur de la sociologie moderne, Max Weber. Sa démarche s'apparente à un renversement de celle de Marx, pour lequel les infrastructures techno-économiques déterminaient les superstructures idéologiques (dont la religion). Mais un regard attentif permet de comprendre qu'il n'y a là aucun retour à l'idéalisme pré-marxien : l'analyse de Weber est bien plus nuancée, et repose sur une quantité considérable de faits observés (texte 19).
L’étude des phénomènes religieux s'affine encore avec la prise en compte de leur fondement dynamique. Mircea Éliade revient à la classification dualiste entre sacré et profane, mais montre qu'elle n'a rien de statique, que la frontière qui les sépare varie selon les époques et les lieux. Les rapports que ces deux notions entretiennent entre elles sont contradictoires, c'est pourquoi on peut parier à leur sujet de mouvement dialectique (texte 20). Là encore, les monothéismes sont déchus par les sciences sociales de leur statut privilégié, pour ne plus constituer que quelques cas parmi d'autres de systèmes religieux : le mystère chrétien de l’incarnation, par exemple, n'est qu'une forme particulière de hié-rophanie.
D’un regard dynamisant porté sur la religion, on peut passer à une interrogation sur la gestion religieuse de la violence et du conflit. C'est René Girard qui s’y emploiera : toute société est, selon lui, confrontée à sa propre violence interne, qui peut la menacer dans ses fondements, voire dans sa survie. À cet égard, la religion remplit une fonction sociale capitale, si ce n'est vitale (texte 21 ). Ces considérations nous introduiront au cœur des problèmes de la modernité : qu'adviendrait-il d'une société postreligieuse ?
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retour à l'idéalisme pré-marxien: l'analyse de Weber est bien
plus nuancée, et repose sur une quantité considérable de faits
observés (texte 19).
L'étude des phénomènes religieux s'affine encore avec la prise
en compte de leur fondement dynamique.
Mircea Éliade revient
à la classification dualiste entre sacré et profane, mais montre
qu'elle n'a rien de statique, que la frontière qui les sépare varie
selon les époques et les lieux.
Les rapports que ces deux notions
entretiennent entre elles sont contradictoires, c'est pourquoi on
peut parler à leur sujet de mouvement dialectique (texte 20).
Là
encore, les monothéismes sont déchus par les sciences sociales
de leur statut privilégié, pour ne plus constituer que quelques cas
parmi d'autres de systèmes religieux : le mystère chrétien de
l'Incarnation, par exemple, n'est qu'une forme particulière de hié
rophanie.
D'un regard dynamisant porté sur la religion, on peut passer à
une interrogation sur la gestion religieuse de la violence et du
conflit.
C'est René Girard qui s'y emploiera : toute société est,
selon lui, confrontée à sa propre violence interne, qui peut la
menacer dans ses fondements, voire dans sa survie.
À cet égard,
la religion remplit une fonction sociale capitale, si ce n'est vitale
(texte 21).
Ces considérations nous introduiront au cœur des pro
blèmes de la modernité: qu'adviendrait-il d'une société post
religieuse ?
- Pour une défini1:ion sociologique de la religion
DURKHEIM (1858-1917)
Le sociologue Émile Durkheim cherche à élaborer une définition de la religion qui soit applicable à toute culture, y compris aux sociétés dites primitives (aujourd'hui, on dira plutôt: sociétés traditionnelles).
Toutes les croyances religieuses connues, qu'elles soienisimples ou
complexes, présentent un même caractère commun : elles supposent
une classification des choses, réeiles ou idéales, en deux genres oppo
sés, désignés généralement par deux termes distincts que traduisent
assez bien les mots de profane et de sacré.
La division du monde en
51.
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