Religion, culture et société ?
Publié le 27/03/2004
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Pour ce faire il était nécessaire de prendre des distances à l'égard du prisme chrétien et de son regard ethnocentrique, pour aborder la religion dans toutes ses dimensions et sous toutes ses formes, monothéistes et polythéistes.La sociologie, tout d'abord, s'est détachée d'une démarche subjective et de la méthode d'introspection, en réduisant la religion à un phénomène social, et en privilégiant par conséquent les pratiques et représentations collectives ainsi que les institutions. Le principe de base de la méthode sociologique étant d'expliquer (et non de comprendre) des faits sociaux par d'autres faits sociaux, les chercheurs ont essayé de dégager les fonctions sociales de la religion. Pour Durkheim, la religion permet à la société de s'attester elle-même ; elle a une fonction d'intégration et de conservation de l'ordre social. L'auteur cherche chez les peuples dits primitifs (en l'occurrence, chez les Aborigènes d'Australie) des « formes élémentaires de la vie religieuse «, et établit la portée universelle de la classification sacré/profane. Ces deux derniers points seront contestés par Marcel Mauss, qui va plus loin dans la démarche anti-ethnocentrique de son maître (et oncle) Durkheim : les religions des sociétés primitives ne sont pas plus simples que les nôtres ; la catégorie de sacré n'est pas un invariant culturel ; et la notion même de religion doit être remise en cause par la confrontation empirique aux faits.C'est aux rapports entre religion et économie que s'intéressera un autre maître fondateur de la sociologie moderne, Max Weber. Sa démarche s'apparente à un renversement de celle de Marx, pour lequel les infrastructures techno-économiques déterminaient les superstructures idéologiques (dont la religion). Mais un regard attentif permet de comprendre qu'il n'y a là aucunretour à l'idéalisme pré-marxien : l'analyse de Weber est bien plus nuancée, et repose sur une quantité considérable de faits observés.L'étude des phénomènes religieux s'affine encore avec la prise en compte de leur fondement dynamique.
Le problème de la religion renvoie à trois questions conjointes : la question de Dieu (son existence), la question de la foi (antithèse de la raison) et celle de la religion entendue comme fait social (églises). Une dissertation sur le thème de la "religion" devra donc tenir compte de cette triple interrogation. Pour être liés, ces trois plans du problème requièrent cependant une étude propre à chacun d'eux. Seule l'analyse fine de l'énoncé permet de déterminer lequel des trois est dominant. Mais il faut toujours que l'argumentation tienne compte de chacun d'eux.
«
I La religion n'est pas une simple manifestation de la culture
_ La religion doit être pensée du point de vue des hommes religieux.
Il serait en effet trop facile de réduire la religionà une manifestation de la culture si on adopte le point de vue objectivant des hommes non religieux.
Qui sont leshommes religieux ? Ce sont les croyants.
C'est seulement en adoptant le point de vue d'un homme qui croit enl'existence d'un au-delà qu'on peut penser le problème du religion à la culture.
Or pour un croyant, la religiondésigne le rapport direct qu'il entretient avec Dieu.
Ce rapport direct s'appelle la foi.
Comme l'explique¨Pascal aufragment 424 de ses Pensées en édition Lafuma : « c'est le cœur qui sent Dieu et non la raison.
Voilà ce que c'est que la foi.
Dieu sensible et non à la raison ».
Ainsi l'essence de la religion résiderait dans la foi comme cetteprésence de Dieu dans le cœur d'un homme.
_ Cette présence de Dieu sensible au cœur aurait son cadre de référence non dans le cadre collectif de la culture,mais dans une expérience intérieure faite par un individu.
La religion n'aurait de sens que par cette expérience du« numineux » (lumen : le sacré) dans laquelle un individu rencontrerait le Tout-autre (das Ganz Andere).
Au chapitreIII de son livre das Heilige, le Sacré , R.
Otto donne comme exemple dans le livre de l'Exode, le face à face de Moïse avec le buisson ardent qui exprime l‘incognoscibilité de Dieu.
Moïse éprouve un effroi mystique devant l'inaccessibilitéabsolue et la supériorité absolue de Dieu, un « mysterium tremendum et fascinans« , un mystère à la fois terrifiantet fascinant.
Ainsi la religion est l'expérience mystique, c'est-à-dire à la fois intime et incompréhensible du mystèredivin échappant à la raison.
_ L'expérience mystique est une expérience absolument individuelle et à ce titre incommunicable.
Or la religion doitêtre distinguée de l'expérience mystique en tant qu'elle prétend constituer un corps de doctrines et une tradition àtransmettre.
Est-ce la religion en tant que corps de doctrines qui fonde l'expérience mystique individuel ou bien est-ce par l'expérience mystique qu'on peut comprendre la religion ? Ce que soutient Bergson à la page 102 des Deux sources de la morale et de la religion , c'est que c'est l'expérience mystique d'individus privilégiés entrés en contact avec Dieu qui permet l'établissement d'un corps de doctrine et d'une tradition : « nous nous représentons donc lareligion comme la cristallisation opérée par un refroidissement savant de ce que le mysticisme vint déposer, brûlant,dans l'âme de l'humanité ».
Ainsi la religion constitue grâce à quelques individus un corps de doctrines permettant àtous les individu de faire la même expérience : « par elle tous peuvent obtenir un peu de ce que possédèrentpleinement quelques privilégiés ».
L'essence de la religion semble trouver son essence dans la foi, et l'expérience intime de la présence de Dieu.Néanmoins, la religion ne peut être complément pensée sur le mode de la foi, elle est en effet constituée en grandepartie par un corps de doctrines et une tradition qui cherche à se transmettre à travers la culture.
Si la religionprétend dépasser le monde humain, il n'empêche que cette prétention de dépassement s'effectue au sein de laculture.
Or il existe une pluralité de cultures qui semblent bien correspondre à une pluralité de traditions religieuses.On peut se demander en ce sens si la foi et l'expérience que certains individus croient avoir de Dieu ne pourraient seréduire à une expression d'une culture donnée ?
II La religion est une simple manifestation de la culture
_ La religion prétend dépasser le monde humain.
On peut faire deux objections à cette prétention : tout d'abord lecontenu d'une tradition conçoit toujours en partie son dieu sur le modèle des hommes, ensuite il n'y a pas unereligion, mais des religions comme suffit à le montrer l'exemple des trois monothéismes : judaïsme, christianisme etislam qui se contredisent entre eux.
La prétention de la religion à dépasser le monde humain rencontre une premièrelimite dans l'anthropomorphisme, c'est-à-dire la manière humaine de concevoir Dieu sur le modèle de l'homme.
Dansles fragments 14, 15 e 15 des Silles , Xénophane de Colophon dénonce cette illusion par une démonstration par l'absurde.
Si les chevaux et les bœufs pouvaient peindre des images de Dieu, alors ils peindraient de toute évidencedes chevaux et des bœufs.
Ainsi si les hommes ne conçoivent Dieu qu'à leur image, c'est que Dieu se réduit à laprojection de leur imagination anthropomorphique.
A fortiori, ce principe d'analogie s'applique non seulement pourl'espèce humaine en général, mais entre les différentes traditions.
« les éthiopiens disent de leurs dieux qu'ils sontcamus et noirs; les thraces qu'ils ont les yeux bleus et les cheveux rouges ».
Si les dieux diffèrent entre eux selon ladifférence des peuples, cela prouve que la religion ne se fonde pas sur une expérience originaire avec Dieu.
Lapluralité des traditions doctrinales et de leurs différentes manières de concevoir l'existence de Dieu amènent alors aurelativisme.
_ Qu'est-ce que le relativisme ? C'est l'idée selon laquelle pour penser une chose, il ne faut pas la comprendre parelle-même, mais la relier à ce qui n'est pas elle ; en cela elle s'oppose à l'absolu.
Par exemple la religion chrétiennedoit être pensée comme une expression possible de cette culture spécifique qu'est la culture occidentale et qui nedoit pas se confondre avec d'autres.
La religion perd ainsi son absoluité et sa pureté métaphysique se voit entachéepar le lien entretenu avec une culture donnée.
En ce sens, il ne s'agit plus de penser la religion sur le mode del'expérience individuelle avec l'absolu, mais de comprendre son aspect collectif et contingent.
Comme l'écritMontaigne dans ses Essais (II, 12) « nous sommes chrétiens au même titre que nous sommes périgourdins ».
Puisque Dieu, s'il existe, nous est absolument inaccessible, l'appartenance à une religion est contingente etdéterminée par la géographie et par l'histoire, deux domaines qui n'ont rien de métaphysique.
De cette contingenceentachant la religion, Montaigne fait un principe de tolérance envers toutes les croyances;
_ La religion se réduirait donc, selon le relativisme, à une manifestation d'une culture déterminée.
Pourtant il y ades phénomènes qui semblent à première vue ne pouvoir être expliqués par cette conception relativiste de la.
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