qu'y a-t-il de plus dans l'art que dans la réalité ?
Publié le 27/02/2005
Extrait du document
Se demander ce qu'il y a de plus dans l'art que dans la réalité présuppose que art et réalité ont déjà un contenu : quels sont donc leur contenus respectifs ? Autre présupposé de cette question : il y a aurait un « plus « dans l'art que ne contiendrait pas le réel. Qu'est-ce qui fait que l'art présente un contenu peut-être plus dense, plus approfondi que le réel lui-même. L'art repose sur la représentation : qu'est-ce qui se trouve représenté ? Le réel est-il plus pauvre que l'art ? L'art réussit-il à dépasser le réel pour toucher des moments de l'esprit, de l'âme ?
«
Il reste à dire maintenant en quoi l'artiste diffère de l'artisan.
Toutes les fois que l'idée précède et règle l'exécution,c'est industrie.
Et encore est-il vrai que l'oeuvre souvent, même dans l'industrie, redresse l'idée en ce sens quel'artisan trouve mieux qu'il n'avait pensé dès qu'il essaye ; en cela il est artiste, mais par éclairs.
Toujours est-il quela représentation d'une idée dans une chose, je dis même d'une idée bien définie comme le dessin d'une maison, estune oeuvre mécanique seulement, en ce sens qu'une machine bien réglée d'abord ferait l'oeuvre à mille exemplaires.Pensons maintenant au travail du peintre de portait ; il est clair qu'il ne peut avoir le projet de toutes les couleursqu'il emploiera à l'oeuvre qu'il commence ; l'idée lui vient à mesure qu'il fait ; il serait même rigoureux de dire quel'idée lui vient ensuite, comme au spectateur, et qu'il est spectateur aussi de son oeuvre en train de naître.
Et c'estlà le propre de l'artiste.
Il faut que le génie ait la grâce de la nature et s'étonne lui-même.
Un beau vers n'est pasd'abord en projet, et ensuite fait ; mais il se montre beau au poète ; et la belle statue se montre belle au sculpteurà mesure qu'il la fait ; et le portrait naît sous le pinceau (...).
(...) Ainsi la règle du beau n'apparaît que dans l'oeuvreet y reste prise, en sorte qu'elle ne peut servir jamais, d'aucune manière, à faire une autre oeuvre.
2.
l'essence et le contenu de l'art
Texte HEIDEGGER
Pour découvrir l'essence de l'art résidant réellement dans l'oeuvre, nous allons rechercher l'oeuvre réelleet l'interroger sur son être....
Toutes les oeuvres sont des choses par un certain côté.
Que seraient-ellessans cela? Mais peut-être sommes-nous choqués par cette vue assez grossière et extérieure de l'oeuvre.Ce sont là, n'est-ce pas, des façons de voir dignes d'un expéditeur ou de la femme de ménage du musée.Il faut prendre les oeuvres telles qu'elles se présentent à ceux qui les "vivent" et en jouissent.
Maisl'expérience esthétique, si souvent invoquée, ne peut pas non plus négliger la chose qui est dans l'oeuvred'art.
Il y a de la pierre dans le monument, du bois dans la sculpture sur bois.
Dans le tableau, il y a lacouleur, dans les oeuvres de la parole et du son (poésie et musique), il y a la sonorité.
Le caractère dechose est même à ce point dans l'oeuvre d'art qu'il nous faut plutôt dire : le monument est dans la pierre ;la sculpture sur bois est dans le bois ; le tableau est dans la couleur ; l'oeuvre de la parole est dans lephonème; l'oeuvre musicale est dans le son.
Cela va de soi, nous répondra-t-on.
Sans doute.
Mais qu'est-ce que cette choséité qui va de soi dans l'oeuvre? Ou bien devient-il superflu de se poser cette questionparce que, de toute façon, l'oeuvre d'art est encore autre chose, en plus et au-dessus de sa choséité? Carc'est cet Autre qui y est qui en fait une oeuvre d'art.
TRANSITION 2.
L'art contient effectivement quelque chose de plus que le ré »el, ce « supplément d'âme » est donné parl'esprit : l'art est spiritualisation du réel lui-même.
Est-ce pour autant que l'art se détache du réel et qu'iln'entretient avec lui aucun lien de sens ?
III.
A quoi vise l'art ?
1 Apprendre à voir
Texte Bergson, « La perception du changement », La pensée et le mouvant, PUF, 1975, pp.149-153
.
Il y a, en effet, depuis des siècles, des hommes dont la fonction est justement de voir et de nous faire voir ce quenous n'apercevons pas naturellement.
Ce sont les artistes.
À quoi vise l'art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l'esprit, hors de nous et en nous, des choses qui nefrappaient pas explicitement nos sens et notre conscience ? Le poète et le romancier qui expriment un état d'âmene le créent certes pas de toutes pièces ; ils ne seraient pas compris de nous si nous n'observions pas en nous,jusqu'à un certain point, ce qu'ils nous disent d'autrui.
Au fur et à mesure qu'ils nous parlent, des nuances d'émotionet de pensée nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps, mais qui demeuraientinvisibles : telle, l'image photographique qui n'a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera.
Le poète estce révélateur.
Mais nulle part la fonction de l'artiste ne se montre aussi clairement que dans celui des arts qui fait laplus large place à l'imitation, je veux dire la peinture.
Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte unecertaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes.
Un Corot, un Turner, pourne citer que ceux-là, ont aperçu dans la nature bien des aspects que nous ne remarquions pas.
- Dira-t-on qu'ilsn'ont pas vu, mais créé, qu'ils nous ont livré des produits de leur imagination, que nous adoptons leurs inventionsparce qu'elles nous plaisent, et que nous nous amusons simplement à regarder la nature à travers l'image que lesgrands peintres nous en ont tracée ? - C'est vrai dans une certaine mesure ; mais, s'il en était uniquement ainsi,pourquoi dirions-nous de certaines oeuvres - celles des maîtres - qu'elles sont vraies ? où serait la différence entre le grand art et la pure fantaisie ? Approfondissons ce que nous éprouvons devant un Turner ou un Corot : noustrouverons que, si nous les acceptons et les admirons, c'est que nous avions déjà perçu quelque chose de ce qu'ilsnous montrent.
Mais nous avions perçu sans apercevoir.
C'était, pour nous, une vision brillante et évanouissante,perdue dans la foule de ces visions également brillantes, également évanouissantes, qui se recouvrent dans notreexpérience usuelle comme des « dissolving views » et qui constituent, par leur interférence réciproque, la vision pâleet décolorée que nous avons habituellement des choses.
Le peintre l'a isolée ; il l'a si bien fixée sur la toile que,désormais, nous ne pourrons nous empêcher d'apercevoir dans la réalité ce qu'il y a vu lui-même..
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