Qu'est - ce qu'une vie réussie ?
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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tous les biens habituellement recherchés et de puiser ses principes dans la philosophie, qu'elle s'efforcerait depratiquer en permanence.
Spinoza
L'expérience m'avait appris que toutes les occurrences les plus fréquentes de la vie ordinaire sont vaines et futiles ;je voyais qu'aucune des choses, qui étaient pour moi cause ou objet de crainte, ne contient rien en soi de bon ni demauvais, si ce n'est à proportion du mouvement qu'elle excite dans l'âme : je résolus enfin de chercher s'il existaitquelque objet qui fût un bien véritable, capable de se communiquer, et par quoi l'âme, renonçant à tout autre, pûtêtre affectée uniquement, un bien dont la découverte et la possession eussent pour fruit une éternité de joiecontinue et souveraine.
Je résolus, dis-je, enfin : au premier regard, en effet, il semblait inconsidéré, pour unechose encore incertaine, d'en vouloir perdre une certaine ; je voyais bien quels avantages se tirent de l'honneur etde la richesse, et qu'il me faudrait en abandonner la poursuite, si je voulais m'appliquer sérieusement à quelqueentreprise nouvelle : en cas que la félicité suprême y fût contenue, je devais donc renoncer à la posséder ; en casau contraire qu'elle n'y fût pas contenue, un attachement exclusif à ces avantages me la faisait perdre également.Mon âme s'inquiétait donc de savoir s'il était possible par rencontre d'instituer une vie nouvelle, ou du moinsd'acquérir une certitude touchant cette institution, sans changer l'ordre ancien ni la conduite ordinaire de ma vie.
Jele tentai souvent en vain.
Les occurrences les plus fréquentes dans la vie, celles que les hommes, ainsi qu'il ressortde toutes leurs oeuvres, prisent comme étant le souverain bien, se ramènent en effet à trois objets : richesse,honneur, plaisir des sens.
Or chacun d'eux distrait l'esprit de toute pensée relative à un autre bien : dans le plaisirl'âme est suspendue comme si elle eût trouvé un bien où se reposer ; elle est donc au plus haut point empêchée depenser à un autre bien ; après la jouissance d'autre part vient une extrême tristesse qui, si elle ne suspend pas lapensée, la trouble et l'émousse.
La poursuite de l'honneur et de la richesse n'absorbe pas moins l'esprit ; celle de larichesse, surtout quand on la recherche pour elle-même, parce qu'alors on lui donne rang de souverain bien ; quantà l'honneur, il absorbe l'esprit d'une façon bien plus exclusive encore, parce qu'on ne manque jamais de le considérercomme une chose bonne par elle-même, et comme une fin dernière à laquelle se rapportent toutes les actions
Transition : Dire que la vie réussie est la vie philosophique, c'est attribuer la réussite de la vie à un très petit nombre d'hommes, leur supposer une formation spécifique ; il faut sans doute refuser cette prise de position à la foispessimiste et élitiste, et rechercher, en lui empruntant peut-être des éléments, une position qui serait applicable partous, et qui consisterait dans la définition d'une manière de vivre quotidienne qui garantirait une excellence de lavie.
III.
Une vie réussie n'est pas une vie qui rejette les biens couramment prisés, mais qui entretient unerelation pertinente avec eux parce qu'elle est dans un état d'attention et de jugement permanent.
Il faudrait alors rechercher la réponse à la question posée par le sujet dans la définition d'une manière de vivre quine met la philosophie au premier plan que parce que celle-ci garantit une forme d'attention soutenue à la vie engénéral, si bien que l'existence se trouve évaluée en même temps qu'elle est vécue, et que le jugement de l'individuqui la vit n'est jamais anesthésié par le confort de l'habitude, dans la mesure où il s'astreint à une remise enquestion permanente.
On retient donc de la posture philosophique cette attention permanente, et on la transposesur la vie de chacun.
Une vie réussie est alors une vie attentive, qui examine ses principes et est en mesure de secorriger à tout instant.
Epicure
Nous disons que le plaisir est la fin de la vie, nous ne parlons pas des plaisirs des hommes débauchés ni de ceux quiconsistent dans la jouissance, comme l'imaginent certaines gens, mais nous entendons le plaisir comme l'absence dedouleur pour le corps, l'absence de trouble pour l'âme.
Car ce ne sont ni des beuveries et des festins à n'en plusfinir, ni la jouissance de jeunes garçons ou de femmes, ni la dégustation de poissons et de bonne chère quecomporte une table somptueuse, qui engendrent la vie heureuse, mais c'est un entendement sobre et sage, quisache rechercher les causes de tout choix et de toute aversion et chasser les opinions fausses, d'où provient pourla plus grande part le trouble qui saisit les âmes.
Or le principe de tout cela, et par conséquent le plus grand bien,c'est la prudence.
Et voilà pourquoi la prudence est une chose plus précieuse que la philosophie elle-même ; carc'est elle qui donne naissance à toutes les autres vertus, en nous enseignant qu'il est impossible de vivreheureusement sans vivre avec prudence, honnêteté et justice, comme il est impossible de vivre avec prudence,honnêteté et justice sans vivre par là même heureusement
Conclusion
Le rejet, par la tradition philosophique des biens communément prisés, fournit la piste de départ pour évaluer ce quenous appelons couramment « une vie réussie ».
Cela permet de mettre en évidence des principes de vie proprementphilosophiques, si bien que l'on arrive à une équivalence vie réussie / vie philosophique.
Cette équivalence poseproblème par la limitation de son champ d'application : la solution est alors de retenir de la position philosophique leséléments de l'attention et du jugement permanent, afin d'obtenir une position qui soit à la fois exigeante sur le plande la conduite de la vie et applicable par tous, cette position consistant à affirmer qu'une vie réussie est une vieassumée et attentive..
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