Qu'est-ce qu'un risque ? Convient-il de prendre des risques ?
Publié le 13/02/2004
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«
nous apprennent par exemple qu'à kilométrage égal il est vingt fois moins dangereux de voyager en avion qu'enautomobile.
Mais tout ceci ne doit pas nous faire oublier qu'au moment où César franchit le Rubicon, quelque choseéchappe à toute prévision, à tout calcul.C'est dans cette persistance de l'incertitude, dans cette irréductibilité d'une part d'inconnu, que se tient le danger.Or, nous avons reconnu le danger comme étant une notion en étroite proximité avec la nature de ce que nousappelons risque.On oppose souvent l'insécurité de la vie au Moyen-âge à la sécurité relative mais réelle de la vie à notre époque.
Lepaysan au Moyen-âge était menacé par de nombreux périls : des bandes de brigands pouvaient piller sa ferme et letuer, ou bien la guerre que se livraient entre eux les seigneurs aboutissait pour lui à un résultat très voisin.
Mais, etc'est peut-être là le plus important, il y avait la famine, les épidémies.
Or on peut dire que notre monde moderne aréduit très nettement, du moins en ce qui concerne les États très industrialisés, cette profonde insécurité.
Nousavons déjà parlé des assurances, mais pour ne prendre qu'un exemple parmi l'arsenal qui vise à accroître la sécuritéde la vie, nous pourrions aussi mentionner la Sécurité Sociale.
Là, les risques, c'est-à-dire les périls de toutes sortesque peut rencontrer un individu, sont classés, répertoriés.
En un mot ils sont intégrés par une institution.L'institution ne supprime pas, certes, le danger, le risque, mais elle le banalise (accidents de travail, accidents devoiture).
Nous avons parfois employé jusqu'à présent, dans notre tentative pour découvrir la nature propre durisque, les mots risque et danger, ..comme s'ils étaient parfaitement synonymes.
Or ce n'est peut-être pas le cas,et nous définirons avec plus de précision ce qu'est le risque si nous le distinguons du danger.
Peut-on parler durisque en dehors de la sphère de l'existence humaine ou, en d'autres termes, si le danger a un sens pour l'animalcomme pour l'homme, le risque, quant à lui, peut-il en toute rigueur s'appliquer également aux deux ? On assistechez certains animaux lorsqu'ils sentent un danger à un effort pour s'identifier au milieu environnant.
Mais mêmelorsque de tels animaux semblent ruser (homomorphie : l'animal prend la même forme qu'une branche ou qu'uneplante ; chromomorphie : l'animal prend une couleur semblable à celle du lieu où il se trouve), on s'aperçoit en faitqu'ils ne disposent que d'un nombre limité de conduites de substitution.
Ces conduites, ils ne les utilisent toujoursque tans une situation donnée etsous l'urgence d'un présent.
Si l'animal vit dans « l'unité sans équivoque de la sensation et de la locomotion », « seull'homme accomplit véritablement un acte en expérimentant, risquant et découvrant de nouveaux modes decomportement » (F.J.J.
Buytendijk : l'Homme et l'Animal, essai de psychologie comparée, collection Idées, Gallimard,pp.
61 et 65).
Nous dirons que l'animal a, en une occasion bien déterminée, l'instinct d'un danger, mais qu'il ignorece que nous appelons risque.
Cela, seul l'homme le connaît.
C'est que l'homme connaît l'existence potentielle,latente, du danger.
Le risque, dans cette perspective, c'est non pas le danger lui-même, mais bien le danger enpuissance.
Cette dimension du risque apparaît dans la mesure où l'homme opère une articulation du réel par rapportau possible.
Mais si l'animal, contrairement à l'homme, ignore le risque, comment, chez l'homme, distinguer de façonplus précise le danger du risque ? Un automobiliste roulant par un temps très froid sait qu'il peut trouver sur sa routedes plaques de verglas ; d'ailleurs des panneaux de signalisation le préviennent de ce danger.
L'automobiliste saitdonc qu'il y a du danger, et qu'il risque, lui, de déraper.
Ainsi, le danger est davantage une donnée impersonnelle, lerisque au contraire a un aspect plus personnel.
Nous le voyons, il n'était pas possible de répondre à la question, « qu'est-ce qu'Un risque ? s sans avoir cherché àcerner la nature du risque.
Le risque nous est apparu comme étant proche du hasard et du danger, mais nous avonsvu aussi qu'il se distinguait et de l'un et de l'autre, qu'il se présentait en quelque sorte comme quelque chosed'irréductible.
Certes les notions d'assurance.
et de sécurité essaient de le réduire au maximum, mais ils ne le fontnullement disparaître pour autant.
C'est que les calculs portent sur le probable.
Or, le véritable domaine du risque,du risque en tant que tel, n'est point le probable mais le possible.
La notion de possible est le lieu propre du risque.Nous pouvons dire que le risque, et non tel ou tel risque particulier, est inhérent à l'homme.
L'existence de l'homme(quand bien même s'agirait-il du plus paisible des petits-bourgeois de Courteline) ne peut pas ne pas connaître lerisque.
Même si un individu faisait tout pour ne pas rencontrer de risques, sa vie, qu'il le veuille ou non, n'en seraitpas moins placée sous le signe du risque.
Que l'on songe par exemple au langage, par quoi en un sens se définitl'homme.
Nous savons qu'une des caractéristiques essentielles du langage est la pluralité des significations oupolysémie.
La polysémie n'est pas extérieure au langage ; elle permet au contraire à celui-ci de vivre.
Le langage, àla recherche d'une plus grande précision du sens des mots, se développe en effet en une lutte incessante visant àréduire cette polysémie.
L'ambiguïté du langage représente bien pour l'homme le risque à l'état brut.
Ce peut être latrame du mensonge ou de la ruse, mais c'est aussi la chance d'un dire simple et vrai.
Le risque est bien en ce senspour l'homme quelque chose d'incontournable ; l'homme ne peut pas r e pas accomplir ce saut qu'est le risque.
C'estque le propre de l'existence est cette sortie hors de (exsistere : sortir de, en latin), ce saut.
« Nul homme, nous ditle poète René Char, à moins d'être un mort-vivant, ne peut se sentir à l'ancre en cette vie » (L'Age cassant).A partir de là la question de savoir s'il convient de prendre des risques acquiert toute sa dimension.
Nom constatonsmême d'abord qu'en un sens, elle ne se pose pas.
Nous dirions volontiers que l'homme, étant nécessairement exposéau risque, est.
originellement pris par lui.
Mais alors est-ce à dire que tout est déjà joué dans une vie et que laquestion de savoir s'il convient ou non de prendre des risques relève d'un pur jeu verbal ? Absolument pas.
Affirmerune telle chose, serait même très grave puisqu'on refuserait à l'homme toute liberté.
Or, et nous allons le voir, laliberté humaine est au contraire solidaire du risque.
Mais justement pas de n'importe quel type de risque.
C'est bienpourquoi nous avons précisé que c'était seulement au sens où le risque apparaît comme le propre de l'homme que laquestion de savoir s'il convenait de prendre des risques ne se posait pas.
Mais elle se pose, et de façon aiguë,lorsqu'il s'agit de déterminer quels types de risques renforcent et préservent la liberté de l'homme et son existencemême, et quels autres au contraire les menacent.A vrai dire, il n'existe pas de réponses toutes faites à cette question, de réponses qui puissent s'adapter à chaquecas particulier.
Notons à ce propos, que l'expression « prendre des risques » met bien l'accent sur l'aspect concretdes situations particulières où nous pouvons nous trouver : « Ton fils est pris dans l'incendie, tu le sauveras...
tu.
»
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