Qu'est-ce qui pousse l'homme à travailler?
Publié le 19/03/2005
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Pourtant, la machine sans sa valorisation par l'homme n'est que du « travail mort « : mais le travail vivant auquel sa valorisation par l'homme donne lieu n'a plus rien de libérateur. Hegel le prophétisait déjà en quelque sorte : « enfin l'abstraction de la production fait le travail toujours plus mécanique et à la fin, il est possible que l'homme en soit exclu et que la machine remplace l'homme « ( « PPD « $198). Le ver était donc déjà dans le fruit : tout en permettant d'un côté à l'homme de devenir lui-même en rusant avec la nature, la technique semble aussi être ce qui risque de se réapproprier la notion de travail en en excluant l'homme. Est-ce, finalement, si grave ? Le début du XX ième ressentait le développement du machinisme et la rationalisation du travail comme des chances pour l'homme, et ce, dans une perspective qui n'était pas toujours hypocrite et cynique. Les hommes privés de travail n'en sont-ils pas pour autant des hommes ? N'y a-t-il pas finalement lieu de rêver d'une organisation du travail qui les libère de ce qu'ils ont toujours vécu comme une contrainte ?
C - LE TRAVAIL COMME DIVERTISSEMENT
Si l'homme travaille par nécessité, loin s'en faut que celle-ci ne soit que naturelle. Il semble en effet que l'homme éprouve le besoin de travailler, besoin de tromper l'ennui, de se divertir (au sens pascalien de ce terme) de l'idée de ce qui le menace.
L'enfant ne travaille pas, il joue. L'homme ne peut pas que jouer, il doit travailler. Qu'est-ce qui pousse l'homme à travailler ? Quelle force peut bien pousser l'homme au labeur ?
- 1) La pénurie de la nature ?
- 2) Des besoins trop nombreux ?
- 3) Le travail, réalisation de l'humanité ?
«
indistincte à l'activité et au résultat de cette activité.
Le mot « travail » en français confond donc l'activité et le résultat, que les deux substantifs anglais « labour » et « work » distinguent.
Toute la question ici est bien de savoir jusqu'à quel point on peut appeler « travail » une activité qui n'a pas de résultat visible, comme par exemple l'entraînement d'un athlète ou d'un gymnaste : pour pouvoir dire que le gymnaste travaille, il faut que lanotion ne soit pas réductible au résultat, même si la perspective du résultat n'est jamais radicalement absente.Donc, tant que l'on prend le mot travail au sens de l'activité distincte du résultat, il est possible de maintenir laposition selon laquelle le travail est humain et libérateur.
Cette perspective est-elle pourtant longtempstenable ?
Tout l'effort de la pensée de Marx , se focalise sur cette question.
Au début du « Capital », et dans la lignée de l'optique hégélienne, Marx définit le travail en marquant la spécificité humaine de la notion, et endéfendant cet aspect.
La spécificité du travail, c'est de renvoyer àl'homme, parce que les activités animales en sont fondamentalementdifférentes : « ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avantde la construire dans sa ruche », explique Marx .
Il s'agit donc d'une activité consciente et réfléchie, qui présuppose une capacité à sereprésenter des fins.
Par le travail, l'homme extériorise ces fins, qui sontaussi les siennes : reprenant l'analyse de Hegel , Marx conclut que l'homme se produit lui-même, qu'il est le résultat de son travail, au sensoù, pris dans la sphère des besoins naturels, l'homme conquiert sonautonomie par son travail, en rusant la nature par l'intermédiaire de l'outil.Le travail est donc aussi fondamentalement technique : c'est l'évolutionde l'outil qui est le signe de l ‘évolution du travail.
Tant que ce sens de lanotion prévaut, le travail reste ce par quoi l'homme se libère des besoins.Mais qu'à l'outil vienne se substituer la machine, et cette humanité dutravail peut être remise en cause si on comprend le travail comme engluédans une certaine réalité, celle de son organisation.
Tel est le problème deMarx : il faut montrer comment le travail, proprement humain en lui- même, peut perdre cette humanité dans l'organisation capitaliste du travail.
Le « travail social » est le travail considéré par Marx dans le cadre de cette organisation.
Ce à quoi renvoie l'expression, c'est la division du travail, à savoir la répartition des tâches telle que l'organise une économieavancée.
Ce contexte social explique que le travail, de concret, devienne abstrait, et, de libérateur, deviennealiénant.
L'aliénation, c'est la dépossession du caractère humain du travail.
En quoi alors le travailleur est-ilaliéné ?
Dans la division du travail, le travailleur n'est plus qu'un salarié, il n'est plus qu'une marchandise qu'on achète ; son travail ajoute à ce qu'il travaille une valeur ajoutée, que le capitaliste divise entre son profit et lesalaire de l'employé.
Le travailleur est acheté, et il est donc aliéné ici en un premier sens : il est obligé de sevendre s'il veut survivre : « On trouve sur le marché un groupe d'acheteurs (capitalistes), et de l'autre côté un groupe de vendeurs n'ayant rien à vendre que leur propre force de travail », explique Marx .
Comme le travailleur est dépossédé des moyens de production, il ne vend pas son travail mais sa force de travail, cad unemarchandise évaluable.
Le salaire, et c'est là la seconde aliénation, ne rétribue pas la valeur du travail mais laforce de travail : l'objet une fois produit, le capitaliste le revend à ce que l'on appelle sa valeur d'échange,empochant un profit supérieur au salaire.
Le profit, c'est la différence entre la valeur d'usage et la valeurd'échange.
Le travail que produit l'ouvrier est un travail concret, au sens où il produit des biens dont on peut se servir : son travail, comme travail concret, est donc créateur de valeur d'usage.
Mais, ce n'est pas sous ce rapport queson travail est pris en compte : l'objet intéresse le capitaliste en ce qu'il a une valeur d'échange : la division dutravail et le salariat transforment donc le travail du salarié de travail concret en travail abstrait.
Le travailleurest donc aliéné d'abord en ce qu'il est dépossédé de l'objet de son travail, et de ce qui lui permetl'objectivation : privé de l'effet en retour de son travail sur lui-même, le travailleur n'est plus libéré par sontravail, mais au contraire son travail l'aliène.
Mais le travailleur est aliéné en un second sens : le passage de l'outil à la machine lui fait perdre la maîtrise de la technique.
De moyen de ruser avec la nature pour se libérer, la technique devient ici un facteurd'aliénation, de perte de liberté.
Dans le passage des métiers, des ateliers, du compagnonnage et des confrériesau machinisme industriel, le travailleur perd la maîtrise de l'ensemble du processus et de l'ensemble des moyenstechniques : devenu parcellaire, son travail ne maîtrise plus la machine mais au contraire se trouve maîtrisé parelle : « Dans la manufacture et le métier, l'ouvrier se sert de son outil ; dans la fabrique il sert la machine », ajoute Marx .
L'ouvrier spécialisé dans la grande industrie Chez MARX.
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