Qu'est-ce qui empêche le progrès des sciences ?
Publié le 27/02/2005
Extrait du document
On a tellement coutume de penser que l’on « n’arrête pas le progrès « que ce dernier nous apparaît intuitivement comme impossible à empêcher. Toutefois, l’histoire des sciences nous enseigne que le progrès scientifique n’est pas continu, qu’il arrive que les sciences stagnent, et même que ce progrès passe par des retours en arrière. Comment concilier cela avec l’idée d’un progrès qui pousserait les sciences à se rapprocher toujours plus de la vérité ? Si quelque chose empêchait les sciences de se rapprocher de la vérité, pourrait-on encore parler de sciences ?
«
cas, peut-on encore parler de progrès des sciences ? Il semble plutôt qu'il y ait plusieurs perspectives scientifiques à différentesépoques et en différents lieux, mais il apparaît difficile de prouver que l'une est vraie et l'autre fausse.
La question du progrès dessciences est alors vidée de toute substance.b) Pour sauver cette question, nous devons repositionner la science par rapport à la question de la vérité.
Peut-être ne faut-il pasconcevoir la science comme incarnant ce qui nous rapproche de la vérité, mais plutôt comme étant ce qui nous permet de rendrecompte des phénomènes de la nature.
De ce point de vue, on peut considérer que les sciences ne sont en fait que des instrumentspour classer, prédire et agir sur les phénomènes, elles ne servent qu'à faire des prévisions.
Les entités qu'elles mentionnent ne sontalors que d'utiles fictions intellectuelles, et elles ne constituent pas des descriptions authentiques de quelques vérités.
Ainsi que l'écritKuhn dans La structure des révolutions scientifiques, il faut « abandonner la notion, explicite ou implicite, selon laquelle les changements de paradigmes amènent les scientifiques […] de plus en plus près de la vérité ».c) On peut alors repenser la science dans une perspective néodarwinienne, c'est-à-dire en considérant que les théories victorieusessont celles qui, parce qu'elles sont les plus adaptées, ont survécu dans la lutte avec les théories concurrentes.
Il peut alors y avoir unprogrès par saut, car une théorie peut très bien être plus adaptée que ses concurrentes tout en rompant radicalement avec elles.
Achaque nouvelle étape, pour s'imposer, une nouvelle théorie doit permettre d'accroître le pouvoir de prévision.
On peut alors toujoursparler de « progrès » de la science, mais un progrès discontinu, et qui accepte de se tenir à une certaine distance de la vérité en soides choses.
C'est pourquoi Kuhn, dans La structure des révolutions scientifiques , affirme que « les théories scientifiques de date récente sont meilleures que celles qui les ont précédées, sous l'aspect de la résolution des énigmes […].
Ce n'est pas là une position de relativiste, et elle précise en quel sens je crois fermement au progrès scientifique ».
LA NOTION DE PARADIGME SELON KUHNL'histoire des sciences, pour Kuhn, n'est pas constituée par un progrès continu et cumulatif, mais par des sauts, par des crises quivoient des paradigmes se substituer soudainement à d'autres.
Un paradigme, c'est un modèle dominant, faits de principesthéoriques, de pratiques communes, d'exemples fondateurs qui soudent une communauté de chercheurs, qui orientent leurrecherche et sélectionnent les problèmes intéressants à leurs yeux.
Un paradigme n'est jamais totalement explicite.
C'est pourquoi,selon Kuhn, le questionnement scientifique n'est jamais neutre.Dans la postface à son livre La Structure des révolutions scientifiques (1 962), Kuhn cherche à classer les différentes significationsdu concept de paradigme :
La notion de PARADIGME Explications
Désigne une manière d'être et de penserpropre à une communauté scientifique. (La communauté scientifique est une sociétécomme les autres, avec ses circuits, sesrelations, ses communautés d'intérêt et dediscussion.)
1) Un même cursus de formation; dans les matières scientifiques, cette « initiation professionnelle est semblable, à undegré inégalé dans la plupart des autres disciplines » : mêmeenseignement, même littérature technique, mêmes exemples, etc.).2) Un ensemble d'objectifs communs, « qui englobent la formation de leurs successeurs ».3) Des réseaux spécifiques de circulation d'informations: périodiques, conférences spécialisées, articles, correspondances officieuses ou officielles.
Désigne la matrice disciplinaire de cette communauté.(Le paradigme représente « l'ensemble decroyances, de valeurs reconnues et detechniques qui sont communes aux membresd'un groupe donné.
» C'est ici une communautétechnique de pratiques, de gestes et devocabulaire qui soude le groupe de chercheurs.)
1 ) Des généralisations symboliques : ce sont les éléments formalisables (symboles, concepts, principes, équations de base...)couramment utilisés.
Certaines équations fonctionnent à la foiscomme lois de la nature et comme définitions conceptuelles.
Parexemple, la formule newtonienne : la force est le produit de lamasse par l'accélération, est à la fois une loi de la nature, et unedéfinition de la force.2) Des croyances en des métaphores, des analogiesfonctionnant comme modèles heuristiques (qui aident à ladécouverte).
Par exemple, l'analogie entre le courant électriqueet le modèle hydraulique ; entre des molécules de gaz et desboules de billard élastiques se heurtant au hasard...3) Des valeurs générales : exactitude des calculs, cohérence interne, simplicité, «beauté» d'une démonstration, efficacité desthéories...
Ces valeurs peuvent être communes à plusieurs groupes,mais leur application, leur hiérarchisation diffèrent souvent d'un cerclescientifique à un autre.
Désigne au sens strict les exemples communs utilisés fréquemment et qui forment la pensée etla pratique du groupe.( Les solutions exemplaires sont « les solutionsconcrètes de problèmes que les étudiantsrencontrent durant leur carrière de recherche etqui leur montrent aussi, par l'exemple, commentils doivent faire leur travail.
»)Une partie de l'efficacité opérationnelle d'ungroupe de chercheurs provient d'habitudes
Ces exemples fonctionnent comme :1 ) Outils d'initiation pédagogique : « en l'absence de tels exemples, les lois et les théories que [l'étudiant] a déjà apprisesauraient peu de contenu empirique.
»2) Outils d'initiation intellectuelle : l'exemple permet de « voir » les ressemblances mathématiques ou de structures, entreproblèmes différents.
« Une fois que [l'étudiant] a vu laressemblance et saisi l'analogie entre deux ou plusieurs problèmesdistincts, il peut établir une relation entre les symboles et les.
»
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