Qu'est-ce qui distingue une science d'une croyance ?
Publié le 17/03/2009
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Analyser la science comme, finalement, une simple croyance, comporte le risque de trop douter. Descartes en effet, dans le Discours de la méthode, suppose l’existence d’un malin génie susceptible de nous induire en erreur chaque fois que nous pensons. Et ce doute suffit à transformer un manque de justification (dans notre cas pour l’existence de la vérité) en une absence totale de justification. Cette attitude doit toutefois être interrogée. Elle prend en effet le risque de mettre sur le même plan une croyance partiellement justifiée avec une croyance totalement irrationnelle. Or ici, dans le doute quant à l’existence de la vérité et sa valeur selon Nietzsche, vaut-il mieux rechercher la vérité malgré la possibilité qu’elle n’existe pas, ou vaut-il mieux abandonner toute recherche dans la crainte que celle-ci soit vaine ? Dès lors que l’existence de la vérité est possible, la science se justifie pleinement même si elle ne se rapproche de la vérité qu’asymptotiquement. Elle est en ce sens la plus justifiée des croyances, car son objectif est louable. Hume, dans Enquête sur l’entendement humain, soulignera d’ailleurs que cette croyance scientifique est vitale. Il émet, au 18ème siècle déjà, une critique de l’induction scientifique, du raisonnement expérimental. Ce que nous « connaissons « provient de la méthode expérimentale qui prétend pouvoir tirer des lois universelles et nécessaires d’un nombre fini d’expériences. Mais cette « connaissance « ne doit-elle pas être remise en question ?
«
science établira).
Ainsi « on ne peut rien fonder sur l'opinion, il faut d'abord la détruire ; elle est le premier obstacleà surmonter.
»
Il apparaît ainsi que, de par sa définition et dans sa démarche même, la science ne se confond pas avec lacroyance, puisqu'elle n'est ni préjugé, ni superstition, ni opinion, mais elle est au contraire universelle, elle aboutit àun savoir compréhensible de tous et permet de rassembler les esprits qui, auparavant, pouvaient avoir descroyances divergentes.
Assimiler science et croyance implique nécessairement, dès lors, l'analyse d'une autre formede croyance, la foi, ainsi que l'analyse des fondements de la science.
Partie 2 :
Les croyances sont très anciennes et la science (au sens où on l'entend aujourd'hui), est relativement récente dansl'histoire.
Elle a certes balayé les interprétations mythiques des phénomènes, mais ces croyances n'ont-elles pas,finalement, été remplacées par une nouvelle forme de croyance ? La science elle-même ne constitue-t-elle pas unenouvelle forme de croyance ? C'est le terme de « foi » qui relie science et croyance.
Il est possible de dire « je croisen la science », « j'ai foi en elle ».
Ici, je suis confiant, je place mes espoirs dans la science, je crois en elle au sensoù je crois qu'elle réussira à faire connaître la vérité aux hommes, à faire tendre l'humanité vers le plus haut progrès.Dans ce contexte, la science est objet de croyance : je crois EN elle.
Cette foi est certes visible aujourd'hui dansnotre monde rationnel, où les progrès scientifiques sont souvent considérés comme vecteurs de progrès dans lamédecine, dans l'économie par exemple.
Mais aujourd'hui nous savons tout de même que la science ne nous permetpas de tout expliquer (questions existentielles, métaphysiques).
C'est essentiellement à la fin du 19ème siècle quecette foi absolue s'exprimera pleinement.
Ainsi on pouvait lire en 1890, dans L'Avenir de la science d'Ernest Renan : « Oui, il viendra un jour où l'humanité ne croira plus, mais elle saura.
» Ernest Renan plaçait donc ici toutes sesespérances dans la science, laquelle était censée nous faire découvrir le vrai sens de la vie ; les progrès devaientaccéder non seulement au domaine physique, mais aussi métaphysique et moral.
Défenseurs du progrès, beaucoupd'intellectuels du 19ème siècle, à l'image d'Emile Zola, vouent presque un culte à la science et fustigent les cléricauxcomme les vestiges d'un passé obscurantiste, ne se rendant pas compte qu'ils faisaient de la science une nouvellereligion, et donc une croyance.
Cette foi, que nous savons aujourd'hui disproportionnée, s'appuie justement sur un présupposé contestable mis enévidence par Nietzsche dans Le gai savoir : « rien n'est plus nécessaire que le vrai », la vérité existe.
Nietzsche considère en effet que la science est la forme la plus nouvelle de la croyance et correspond à un idéal métaphysique: l'homme, confronté à un monde sensible, instable où il souffre et où il meurt, se crée un monde stable et abstrait,qui est donc unefiction de l'esprit.
« Car il croient encore à la vérité » ( Généalogie de la morale ).
En effet les hommes veulent la vérité, et par conséquent ils croient en son existence et à sa valeur.
La science n'est pas icil'objet de croyance, mais elle devient la croyance elle-même, croyance au sens illusion, c'est-à-dire qu'elle estfausse, mais séduisante pour l'esprit.
La croyance en un monde intelligible, ordonné et stable, rassure l'hommeconfronté aux aléas du monde réel dans lequel il vit.
Et cette attitude ne fait que révéler, finalement, le profonddésarroi de l'homme, son incapacité à surmonter la multiplicité des apparences sensibles et la multiplicité des pointsde vue.
Ainsi, « depuis Copernic, il semble que l'homme soit arrivé à une pente qui descend » ( Généalogie de la morale ).
La science et le monde intelligible qu'elle crée seraient donc, comme la foi chrétienne, un réconfort, un acte spontané dont l'homme a besoin pour vivre s'il ne peut plus supporter la vie.
Et croire signifie « je veux quecela soit ainsi et pas autrement, car j'en ai besoin pour supporter la vie ».
La science est donc ici une croyance en ce sens que son fondement même (la vérité existe) et son objectif (larecherche de la vérité) sont contestables.
Rien ne nous prouve en effet que le vrai est plus utile et plus valable quele mensonge.
Pourquoi donc rechercher la vérité ? Non seulement il n'est pas sûr qu'elle existe, mais en plus, danssa démarche et sa volonté de découvrir la vérité, la science a un caractère simplificateur, une volonté demathématiser tout le réel, qui est une exigence de notre esprit.
Car, en ce qui concerne maintenant les sciencesexpérimentales, nous présupposons un ordre dans la réalité, un déterminisme mécanique, l'existence de loisconstantes ; et, afin de découvrir leur ordre, nous réduisons les qualités sensibles à des quantités mesurables.
Nousramenons la multiplicité des objets sensibles à l'unité d'un concept, et nous négligeons donc les différencesindividuelles réelles, le réel lui-même.
La science appauvrit l'être dans un but utilitaire uniquement, et prétend «connaître » la Nature malgré son immense complexité.
Car l'homme « veut la conquérir, s'en rendre maître etpossesseur » (phrase de Descartes reprise par Robert Laroche dans Histoire de l'idée de la Nature ).
La science est croyance en la vérité, croyance en un ordre constant de la nature, ce qui non seulement estcontestable, mais a aussi un caractère réducteur de la réalité : alors même qu'elle recherche la vérité, elle ne nousdonne pas l'ETRE des choses, elle est croyance en un autre monde.
Une croyance d'autant plus importante que certains ont foi en elle.
Partie 3 :
Le fait de remettre ainsi la science en question ne comporte-t-il pas des risques ? Envisageons d'admettre que lascience n'est pas fondée et n'est qu'une croyance : n'est-elle pas la meilleure, la plus digne de confiance et celledont le potentiel à faire tendre les hommes vers le progrès reste le plus sûr ? Pourquoi ?
Analyser la science comme, finalement, une simple croyance, comporte le risque de trop douter.
Descartes en effet,dans le Discours de la méthode , suppose l'existence d'un malin génie susceptible de nous induire en erreur chaque.
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