Qu'est-ce qui caractérise au plus haut point l'homme : le désir ou la volonté ?
Publié le 11/06/2013
Extrait du document
Les actions des hommes s'expliquent nécessairement et
suffisamment si l'on suppose seulement en eux, comme en tout être
vivant, une puissance d'agir, qui se caractérise par l'effort que chaque
être déploie pour persévérer dans l'être : « Chaque chose, autant qu'il est
en elle, s'efforce de persévérer dans son être. « (Éthique, III, proposition
6). Cet effort n'est ni plus ni moins que le désir lui-même, ou « appétit «,
qui fait que l'homme, en toute circonstance, recherche son bien propre,
est naturellement déterminé à rechercher son bien propre. Dès lors, la
volonté n'est qu'un mot. C'est une illusion de croire qu'elle correspond à
un pouvoir de l'âme sur le corps, à un pouvoir de l'homme sur lui-même.
Le désir et la volonté ne se distinguent donc pas réellement (in re), mais
seulement nominalement. Il n'y a en fait qu'une seule et même chose, qui
caractérise l'essence même de l'homme : le désir.
«
se mble être un bien, la nature même nous pousse à l'obtenir.
Lorsque
cela se fait avec constance et prudence les Stoïciens appellent un tel élan :
boulésis , nous l'appelons volonté; ceux -ci pensent qu'elle ne se trouve
que chez le sage, et ils la définissent ainsi : la volonté est ce qui désire
avec raison.
Pour ce qui est de l'élan de l'âme contraire à la raison et né
d'une excitation trop violente, c'est le désir ou appétit effronté que l'on
rencontre chez tous les insensés.
»
La volonté est une espèce de d ésir ; elle ne peut se définir que par
rapport à lui, mais aussi, par différence avec lui.
Elle est une espèce
rationnelle du désir, celui -ci désignant la tendance naturelle et générale
chez tous les êtres vivants à rechercher leur bien, ou ce qui leur sem ble
tel, et à éviter ce qui leur est mauvais, ou leur semble tel.
Déjà, Aristote (384 -322 av.
J. -C.) avait mené l'analyse de l'acte
volontaire et avait mis au jour le rapport qu'il entretenait avec la raison.
L'acte volontaire se dit en général de tout act e qui trouve son principe
dans l'agent qui l'accomplit, contrairement à l'acte forcé.
Même les actes
que cet agent fait impulsivement, ou pour son bien ou son plaisir
propres, sont à ce titre des actes volontaires.
A ce niveau, la volonté et le
désir ne se dissocient pas : « Mais sans doute est -il absurde de décrire
comme involontaires ce que nous ne pouvons nous empêcher de dévirer :
or, nous ne pouvons nous empêcher, ni de nous emporter dans certains
cas, et de ressentir de l'appétit pour certaines choses, par exemple pour la
santé et l'étude.
» (Éthique à Nicomaque, III, 3).
L'acte volontaire, en ce sens, ne caractérise pas encore l'homme.
Les enfants et les animaux ont part à l'action volontaire, mais seul
l'homme est capable d'agir d'après un choi x délibéré.
L'action ne relève
alors ni de l'impulsion, ni de la recherche du plaisir ou de l'évitement de
la peine.
« L’homme intempérant agit par désir, mais non par choix,
tandis que l'homme maître de lui, à l'inverse, agit par choix et non par
désir.
» (Éthique de Nicomaque, III, 4).
L'homme qui agit d'après un
choix délibéré ne fait pas ce que l'impulsion ou la recherche de son plaisir
le poussent à faire ; il fait les choses qu'il sait être objectivement bonnes,
quand bien même elles ne seraient pas a gréables.
Par exemple, il choisira
de se soigner, même si rien naturellement ne l'invite à supporter pour
cela un traitement pénible.
C'est en tant qu'il met en œuvre l'objet d'un tel choix délibéré que
l'acte volontaire diverge du désir.
Les objets de dés ir légitimes, c'est -à-
dire proprement humains, doivent se limiter aux objets d'une
délibération préalable.
L'impulsivité du désir n'est plus de mise : elle
caractérise désormais la conduite immorale de l'homme intempérant,.
»
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