Qu'est-ce que vivre conformément à la nature ?
Publié le 04/02/2004
Extrait du document
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En réalité, cette difficulté apparente souligne plutôt les limites de cette comparaison.
Les hommes ne peuvent paschanger les « lettres » de leur destin, mais ils peuvent modifier leur attitude d'esprit vis-à-vis de ce qui arrive.
Cetteattitude, Épictète l'appelle « faire un bon usage de ses représentations », c'est-à-dire reconnaître ce qui dansl'existence ne dépend pas de nous (tous les événements de la vie) et ce qui seul en dépend (le fait d'accepter ounon ce qui arrive).Le sage qui ajuste son jugement à la nécessité ne connaîtra alors plus les tourments de ceux qui croyaient plier lesévénements à leur volonté.
Au lieu de se lamenter contre ce qui lui arrive il sera dans cette paix intérieure quesuscite la conscience de participer par notre vie à la vie divine.
En effet, pour les stoïciens, chaque existenceindividuelle est comme le rôle qu'un acteur joue dans une grande pièce de théâtre dont l'histoire générale constituela vie même de Dieu.
Le sage qui a compris cela ne s'opposera plus inutilement au destin et il aura saisi que la vraieliberté consiste à « adhérer au destin », ce qui ne signifie pas simplement l'accepter, contraint et forcé, c'est-à-direrésigné, mais « vouloir que les choses arrivent non comme il te plaît, mais comme elles arrivent ».
Quand la nature est connue, il faut vouloir son ordre.
La vertu est donc pratique.
Elle est une technique et non unecontemplation.
Il faut distinguer ce qui dépend de moi et ce qui n'en dépend pas.
L'ordre du monde ne dépend pasde moi.
Ce qui dépend de moi, c'est mon attitude devant cet ordre du monde : ou je le désire, je participe au mondeet je suis vertueux, ou je le refuse, je m'insurge.
Le malheur, en effet, est de désirer ce qui ne dépend pas de moi.
Ilfaut désirer l'ordre du monde, s'accorder avec le monde.
L'homme qui se révolte est un fou car il n'aura pas ce qu'ildésire dans la mesure où il désire changer ce qu'il n'est pas en son pouvoir.
La sagesse stoïcienne n'est du reste pasune acceptation passive et conformiste de l'ordre de la nature mais bien le vouloir actif de cet ordre.
Il n'y a pas de milieu entre la sagesse et la folie car soit l'on désire l'ordre du monde, soit l'on ne le désire pas ; il n'existe pas deposition intermédiaire.
La vertu consiste alors à vivre selon le préférable, le plus possible en accord avec le monde au niveau des actions.C'est la dimension pratique, technique de la sagesse : le calcul du meilleur.
Il faut faire effort sur sa pensée,changer ses opinions plutôt que l'ordre du monde (ce qui exclut la plainte).
De ce point de vue, l'anecdote célèbrede la jambe d'Epictète est significative.
On raconte que le maître d'Epictète, lorsqu'il était encore esclave, aurait unjour, pour le punir, tordu sa jambe.
Epictète lui aurait dit : "Si tu continues, elle va casser." Le maître continua satorture et la jambe cassa.
Epictète lui aurait simplement répondu : "Je te l'avais bien dit".
Cette anecdote expliquele sens qu'a pris l'adjectif stoïque dans la langue commune mais a surtout un sens philosophique : l'attitude dumaître fait partie de ce qui ne dépend pas d'Epictète.
Il ne peut donc rien empêcher, mais sa sagesse implique nonseulement d'accepter mais même de vouloir ce qui va arriver, avec la satisfaction du sage d'avoir prévu ce qui, enfin de compte, arrive.
Il faut "vouloir que les choses arrivent comme elles arrivent" dit Epictète.
Le seul bien consisteen la conformité des désirs avec la nature.
Diogène Laërce écrit à propos du stoïcisme : "La vertu de l'hommeheureux et le cours bien ordonné de la vie naissent de l'harmonie du génie de chacun avec la volonté de celui quiorganise tout." Le sage vit au niveau de l'univers.
Il y a chez les stoïciens une morale de l'intention.
C'est dans le vouloir (de l'ordre du monde), dans l'intention que réside la morale.
On comprend que le stoïcisme soit aussi bien laphilosophie des esclaves que celle des empereurs, d'Epictète que de Marc Aurèle.
Celui qui naît esclave doit jouerson rôle d'esclave le mieux qu'il peut, tout comme l'empereur doit jouer le sien.
Troisième partie : Plaisir, désir et vertu.
Celui qui donne son accord à la nature est heureux.
La recherche du plaisir est exclue.
Ou le plaisir est contraire àl'ordre du monde et est impossible, ou il lui est conforme et nous obtenons non pas le plaisir mais le bonheur.
Suivrel'ordre du monde, c'est suivre la raison.
Le stoïcisme va aboutir à un indifférentisme et à un ascétisme.
Le sage estheureux partout, même dans les pires douleurs car son bonheur est de vouloir la nécessité.
Le but premier de toutvivant consiste non dans le plaisir mais dans la seule conservation de soi.
L'idéal stoïcien est donc la mort des désirset des passions considérées comme des maladies.
Si nous n'avons aucun empire sur le cours des choses, nouspouvons vaincre nos passions.
Cela dépend de nous et l'empire sur les passions fait partie de notre liberté.
Lebonheur a lieu lorsque nous sommes dans un état de calme dégagé des plaisirs et des désirs.
C'est l' apathie , "où nous sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels." Nous sommes éternels en tant que nous vivonsdans un état immobile, toujours semblable à lui-même et qui pourrait demeurer toujours semblable, commel'éternité.
Le bien suprême, le plus haut, c'est le beau, au sens éthique d'harmonie avec le tout.
La vertu estquelque chose de substantiel.
Elle s'enseigne puisque les méchants peuvent devenir vertueux.
Elle est le Souverain.
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