Qu'est-ce que perdre son temps ?
Publié le 23/03/2015
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Dissertations 55
question ne renvoit-elle pas à une évaluation existentielle, au souverain bien des
stoïciens ou au devoir kantien, bref aux valeurs fondamentales d'une éthique ?
• Perdre son temps, n'est-ce pas méditer le contraste entre la disparition
ontologique du présent, son anéantissement, et le sentiment de propriété attaché à
la
temporalité? Ne faut-il pas corriger la catégorie de l'avoir (perdre et gagner)
par la catégorie de l'être : être digne de son temps ou non, sans nourrir l'illusion
que le sujet est propriétaire de sa temporalité ?
1 - Le point de vue ontologique : le temps perdu
a) La perte traduit 1.
l'unicité des instants vécus 2.
l'irréversibilité.
3.
L'indisponibilité du passé.
L'irréversibilité de la flèche du temps aboutit à une
perte ontologique.
La perte est l'indisponibilité des événements passés.
Ceux-ci
sont anéantis, mais ne sont pas des purs inexistants puisqu'ils ont été.
Paradoxe :
le
sujet vit la temporalité sur le mode de l'avoir : « prendre du temps à
quelqu'un
» dans les registres économiques, financiers, commerciaux alors que le
temps est un universel englobant.
Solution :
on ne perd pas son temps, mais le
réel évoluant dans un temps donné, c'est-à-dire un segment de vie.
Sous le sentiment de l'avoir
et de la perte, l'idée que le moi est aussi soumis à
l'irréversibilité :
je ne serai plus jamais celui que j'ai été.
Ce qui est perdu est
donc l'être lui-même comme évolution historique indisponible
à la perception, à
l'action, à la modification en tant qu'être.
b) Cette irréversibilité
est inséparable de l'évolution irréversible du vivant:
naissance, croissance, vieillissement et mort.
Le temps est perçu et pensé à
travers ces stades biologiques.
La répétition est donc impossible ; on ne peut que
copier imparfaitement un passé ou le caricaturer, sombrer dans
le ridicule de la
répétition existentielle ou encore exorciser ce
«jamais plus » par des ritualisa
tions de l'existence.
c)
Critique: Le point de vue stoïcien : on ne perd que le présent et le
sentiment
de perte de la totalité du passé vécu ou du futur (en cas de mort
prématurée) est une erreur de perspective car on ne perd que ce que l'on a
(Sénèque).
L'avoir correspond donc au présent en acte, mais c'est un
avoir
provisoire, un prêt soumis au caractère fugitif et disparaissant de notre durée.
Importance de cette constatation pour mesurer la part « d'imagination
combleuse » (Simone Weil) dans la pensée de la durée.
Il y ici à l'horizon la
question des attitudes par rapport à la mort : perdre son temps c'est, à la limite,
perdre
sa vie.
N'oublions donc pas que la clé de cet usage du temps réside dans
l'éthique.
Le souci
(cura) existentiel de la valeur qui établit un sens détermine la
qualité du temps et la situation du sujet dans la temporalité..
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