Qu'est-ce que le mauvais goût ?
Publié le 28/04/2013
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Une définition courante du goût en fait la faculté du plaisir esthétique. Or, le plaisir esthétique, comme tout autre plaisir, n’apparaît pas comme une fin ou un intérêt directe de l’action, mais plutôt comme un ornement qui la complète, « comme vient s’ajouter de surcroît, à la force de l’âge, la beauté « (Aristote, Éthique à Encosmique, X, chap.. 4, 1174 b 33). Le plaisir esthétique trouve donc, comme un surplus gratuit, sa fin en lui-même. Aussi n’est-il pas susceptible d’être lui-même « mauvais «, mais seulement si on entreprend de le « considérer, par la raison, en rapport avec les fous « (Kant, Critique de la faculté de juger, § 4) : le plaisir esthétique doit donc être immédiatement bon. Aussi, n’est-il pas, semble-t-il, pertinent de parler de « mauvais goût « quand l’objet du goût est par soi bon. Le goût ne peut être que « bon «, et le dégoût mauvais. Or, l’opinion courante répugne à appeler par principe le goût « bon « : « des goûts et des couleurs, on ne discute pas «, et on ne saurait les apprécier selon le bien et le mal sans passer à côté de leur richesse et de leur validité propres, qui ne sont que subjectives. Mais en estimant qu’un goût ne peut imposer sa prééminence aux autres, on risque fort d’avoir moins préservé l’autonomie personnelle du goût que détruit l’universalité de sa juridiction en matière artistique : la tolérance de la formule « à chacun ses goûts « ne cache-t-elle pas le mépris de la maxime « à chacun ses mauvais goûts « ?
«
goût : le jeu, par exemple, n’ »est beau en lui-même » que parce qu’ »il est au rand de l’idée ».
La tâche
du bon goût ne diffère guère alors de celle qui relève de la forme et qui se rat tache à la matière, ce qui est
général et ce qui est particulier.
Aussi doit -on faire preuve, dans le juge ment de goût, d’une grande rigueur.
La beauté, en effet,
« devient sensible dès la première impression », mais il faut que l’âme, comme elle en est capable, « se
prononce sur elle avec int elligence » ( Ibid.., § 2) : c’est à partir de l’idée qu’elle p ossède déjà qu’elle peut
identif ier la beauté comme cause du troub le qui était le sie n.
Aussi se sert -elle de l’idée « comme on se
sert d’une règle pour juger de ce qui est droit ».
Ce n’est pas le particu lier qui est l’objet du goût, mais
l’universel que nous y reconnaissons : inversement, le mauvais goût, trompé par l’ém otion facilement
provoqué e, attribue à la beauté, c’est -à -dire à la forme ou à l’idée, ce qui ne relève que de l’effet, c’est -à -
dire de la matière, de la vivacité des couleurs ou de la puissance des sons.
Prenant l’émotion pour le beau,
autrement dit l’indice pour ce dont il est l’indice, la mauvais goût marque la sensibi lité corrompue de qui
préfère la tendresse émotive du Concerto d’Elgar à la puissance formelle de celui de Beethoven.
En s’abandonnant à l’émotion facile, le mauvais goût suit le sentiment immédiat du plaisir
esthétique, en négligeant de porter une auth entique jugement esthétique.
Or le rôle du goût n’est
pas simplement de déterminer ce qui plaît de façon spontanée et subjective, mais encore ce qui est
simplement convenable à l’harmonie purement extérieure des rapports entre les hommes.
Cette
interventio n du goût dans la morale, où Kant voit une perversion de l’un et de l’autre, fait qu’ »il y a
des mœurs sans vertu, une politesse sans bienveillance, de la décence sans hon orabilité ».
(Ibid., §
5).
Le goût juge donc des habitudes morales sous leur aspect formel, auquel il impose des règles
correspondant plutôt à l’esprit du moment qu’aux exigences de la morale.
Cet ensemble de
convenances constitue la mode.
Est donc, en un deuxième sens de « mauvais goût » ce qui n’est pas »
la mode ».
La mode en effet fixe les règles qui permettent un jugement d’une tenue vestimentaire ou
d’un arrangement mobilier de façon conforme au goût de l’époque, qui s’inspire lui- même des
bienséances et des institutions, et se réfère, malgré les app arences, à une tradition, qu’il perpétue de
manière non pas continue mais cyclique.
De telles conventions ap partiennent à une société policée
où la reche rche dans l’appa rence distingue de la multitude les personnes « à la mode » ; en ce sens le
refus de la mode est un certain refus de l a culture : le mauvais goût se confond avec le cynisme ou la
vulg arité.
Il ya cependant façon de n’ »être pas à la mode » : celle qui ignore la mode et le goû t ; celle qui
se définit co ntre la mode, au besoin en prétendant la devancer (cynisme ou dandysm e) ; celle enfin
qui néglige la mode pour se conformer au goût.
Parmi les refus de la mode, seuls les trois
premiers — vulgarité, cynisme et dandysme — peuvent être classés de « mauvais goût ».
Or le
cynisme ou le dandysme, dans leur opposition à la mode, sont dépendants d’elle et peuvent eux -
mêmes rentrer dans le cycle des modes : on peut penser au mouvement hippie ou au dandysme de
la fin du siècle dernier.
Quant à la vulgarité, elle se défi nit plus par l’ignorance du goût que par celle
de la mode : il y a une façon vulgaire et affectée de suivre la mode, qui s’y attache avec d’autant plus
de faveur qu’elle ne dispose d’ aucun autre critère du goût.
Il s’ensuit donc que le « mauvais goût »,
défini par son oppos ition à la mode, procède en définitive de la mo de, en sorte qu’on devrait plutôt
dire qu’avoir mauvais goût, c’est être à la mode, dans le sens large d’avoir un rapport avec la mode.
La mode est en effet le goût qui renonce à être le « bon goût » pour n’être plus que le « goût du
jour ».
Au critère de la mode, on doit donc substituer une exigence qui évite autant l’émotion
immédiate que l’utilitarisme social, et permettre de les rejeter en semble dans une définition plus
exac te de mauvais goût.
Or ce qui survit aux modes et satisfait universellement le goût, c’est le.
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