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Qu'est-ce que faire une expérience ?

Publié le 17/01/2022

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- Avantage : liberté d'orienter la problématique.- Inconvénient : risque de partir dans tous les sens et de ne pas pouvoir justifier l'organisation de la dissertation. Le petit verbe « faire » est important, il précise le sujet, qu'il ne faut pas confondre avec celui voisin : « Qu'est-ce qu'une expérience ? » Il doit donc aussi être analysé.Il peut renvoyer à l'idée très générale (1) d'accomplir quelque action ou d'être le sujet d'une activité quelconque, comme dans les expressions courantes du type : « j'ai fait mon service militaire », « j'ai fait de l'anglais », « je fais de mon mieux », etc.Mais il peut aussi prendre le sens plus précis (et plus tardif) (2) de fabriquer ou de produire. Le terme « expérience », lui aussi, peut revêtir plusieurs sens qu'un simple examen de ses usages dans la langue courante peut permettre de dégager. Dans des expressions du type : « il est encore jeune, il faut lui laisser faire ses expériences » ou « cet homme a de l'expérience », le sens du mot expérience renvoie à l'idée de faire l'épreuve de quelque chose. Ainsi le jeune travailleur débutant, manquant d'expérience professionnelle (n'ayant pas éprouvé tous les aspects du travail qu'on se propose de lui donner), sera paradoxalement embauché par un patron qui acceptera de faire l'expérience de l'engager (faire l'essai de prendre un jeune sans expérience). On voit donc qu'un rapide examen des expressions courantes permet de dégager deux significations du mot expérience : (1) l'épreuve que l'on fait de quelque situation ;(2) renvoie à l'idée de tentative, d'essai.

« Introduction On oppose traditionnellement la sagesse de l'homme d'expérience à l'imprudence du novice.

Généralement valorisée,il s'en faut pourtant que la notion d'expérience possède autant de clarté qu'on ne lui accorde de valeur.

Sedemander « Qu'est-ce que faire une expérience ? » apparaît donc d'abord comme une interrogation portant sur lacomplexité et les ambiguïtés de la notion d'expérience.« Faire une expérience », est-ce uniquement rencontrer un donné et l'éprouver comme tel, ou bien toute expériencene suppose-t-elle pas une part d'activité constructrice ? Dans ce cas, l'expérimentation scientifique, et sa viséed'objectivité, ne serait pas aussi éloignée de l'expérience vécue et de son caractère essentiellement subjectif etindividuel qu'une première approche pourrait le laisser penser.

Il faudrait alors se demander : « A quelles conditionset de quoi puis-je faire une expérience ? », « En quoi une expérience est-elle une expérience ? ».

L'examen de cesquestions ne conduit-il pas, en fin de compte, à s'interroger sur la nature même des enseignements que l'on peuttirer d'une expérience et sans lesquels on ne peut pas vraiment dire qu'on a « fait une expérience » ? 1.

« Faire une expérience », une expression ambiguë. a) Faire une expérience, c'est éprouver un donné. Les expressions de la vie courante peuvent révéler, à celui qui sait les analyser, les ambiguïtés et la teneurproblématique d'une notion.

Il semble qu'il en aille ainsi avec l'expression « faire une expérience ».

À première vue,elle possède le sens banal de « faire un essai ».

Si un artisan, encouragé par les pouvoirs publics, engage unapprenti à l'essai, on peut dire qu'il fait une expérience en donnant sa chance à un jeune qui, sans cela, serait peut-être resté au chômage.

En un autre sens, l'apprenti fera aussi une expérience dans la mesure où il pourra acquérirun savoir-faire, se forger une expérience.

Au vu de ces exemples, faire une expérience suppose qu'un sujetrencontre un certain donné et qu'il éprouve ce donné comme venant de l'extérieur.

Faire une expérience revientdonc toujours à éprouver un donné qui est perçu de prime abord comme venu de l'extérieur, qui est parfois mêmeperçu comme étranger à celui qui «fait » l'expérience.

C'est en tout cas ainsi que, le plus souvent, on se représentele processus par lequel on fait une expérience. b) L'expérience vécue et l'expérimentation scientifique. Pourtant, il semble que le savant, qui procède à une expérience, ne se contente pas de recevoir un donnéempirique.

Sa démarche ne se limite pas à la simple réception d'un matériau que le hasard l'aurait amené àrencontrer.

Il n'est pas l'observateur passif des faits du monde qui l'entoure.

Ce qui caractérise l'expériencescientifique, comme le dit Edmond Goblot, c'est bien plutôt « l'intervention du savant dans les faits ».

Uneexpérience scientifique est le résultat d'une élaboration théorique.

Elle se distingue d'une simple observation en cequ'elle provoque artificiellement les événements qu'elle espère ainsi contrôler et être en mesure de répéter.

C'est àce prix qu'elle peut avoir une valeur scientifique.

L'expérimentation scientifique a pour fonction de vérifier oud'infirmer une théorie, voire de mettre en évidence un phénomène ; elle n'a donc de sens que voulue et provoquéepar l'expérimentateur.

Elle est toujours adossée à un modèle théorique ou à une loi qui en détermine la finalité et lesconditions.

La science n'a donc affaire à des faits que dans la mesure où elle les construit, leur conférant par làmême une certaine objectivité.

Faire une expérimentation n'a pas grand-chose à voir avec le hasard des rencontresou la force de l'habitude sédimentée en croyance populaire. L'expérience immédiate comme obstacle. Bachelard considérait l'expérience immédiate comme le premier obstacle à la connaissance scientifique.

Les informations fournies par les sens, le vécu sontsource d'erreurs.

Ainsi, par exemple, de ce que cette pierre tombe plus viteque ce morceau de liège, j'en viendrai à établir une distinction entre «lord» et«léger» et à conclure que la vitesse de la chute des corps est liée à leurmasse.

Or les scientifiques ont établi que, dans le vide, tous les corpstombent à la même vitesse.

La formule scientifique par Galilée de la loi de la chute des corps e= ½ gt 2 contredit les données communes de la perception. L'épistémologie de Bachelard réactualise l'idée essentielle du platonisme : la science se constitue par ce geste intellectuel qui récuse l'expérience.

PourBachelard (comme pour Platon ) le savoir scientifique commence par une rupture avec l'expérience ; par se méfier des synthèses spontanées de laperception.

Car l'expérience première est un obstacle et non une donnée.C'est même le premier obstacle que la science doit surmonter pour seconstruire.

C'est que la science est ennuyeuse : le réel auquel elle a affaireest filtré, classé, ordonné selon des relations intelligibles, quantifié, prêt à lamesure.

Au contraire, l'expérience première, spontanée, parle à l'imaginaire.

L'« observation première se présente comme un libre d'images : elle estpittoresque, concrète, vivante, facile.

Il n'y a qu'à la décrire et s'émerveiller ».

Devant elle, nous sommes au spectacle.

Entre l'expérience spontanée du feu par exemple et la connaissance des lois de la combustion, quel écart ! D'un côté un univers qualitatif et affectif : le feu qui crépitedans l'âtre, le bien-être, les couleurs, la fascination, le feu qui « chante » et qui « danse » ; de l'autre un processus. »

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